To the sea |
Guetteur de marée |
La souffrance de la terre |
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Mémoire amnésique |
Avec mon amitié
En quête d'une terre Bretonne
Demain, je foulerai la terre de mes ancêtres. Je dois aller saluer la mer avant de la quitter. Il fait un temps de chien depuis une semaine. J'aime marcher sous la pluie. J'ai garé ma voiture, à l'entrée d'une petites routes de terre battue. Elle mène à la mer. Je suis un peu fatigué et mes pas sont courts comme ma respiration. Je marche entre les marais à gauche et une zone de dunes de sables couvertes d'oyats. La route s'arrête et fait place à un chemin bordé d'arbres couchés parles vents dominants. La zone est déserte. Promis, je ne ferai rien d'autre que de voir la mer, l'écouter et lui parler si elle veut bien m'entendre. Je n'ai ni sac à dos, ni carnet pour prendre des notes, ni appareil photo. J'ai un simple bâton de marche, ferré qui me suit depuis 35 ans. Avec son pommeau ganté de cuir, cette canne en hêtre a moins vieilli que moi. Cadeau d'un ami Breton disparu très jeune.
Je franchis la dernière dune qui borde une immense plage de la côte de Nacre où le vent règne en maître incontesté. La plage est couverte de galets sur cinquante mètres, puis d'un sable fin qui va jusqu'au sable mouillé. La mer est à deux cents mètres, roulant de petites vagues blanches nerveuses et courtes.
Je connais cette musique. Elle m’accompagne souvent lorsque je travaille sur les côtes. J'oblique vers le nord-Ouest et longe l'estran.
J'avais 56 ans lorsque je me suis mis à pratiquer le land art, sans l'autorisation de qui que ce soit, un sacrilège pour certains. Demain, je fêterai mes 70 ans. Jamais je n'aurais cru y arriver tant les coups durs me sont tombés dessus, pendant cette période. A chaque fois, passés et digérés, je reprenais la route, pour me garder en vie, pour renouer ce lien si fort qui m'attache à la nature depuis le 20 Décembre 1942. Déjà, à l'époque, il n'était pas donné de vivre. Naître en temps de guerre n'était pas un cadeau et il fallait aussi, avoir un peu de chance.
Je me suis je té à corps perdu dans cette pratique du land art. Ce que je donnais à la nature, elle me le rendait, avec ce sentiment d'être pleinement vivant et à ma place.
J'ai appris à élever des cairns immenses, à côtoyer des fleuves, à travailler sur leurs rives. J'ai foulé les sables de mille plages, en France,à l'étranger. J'ai compris les saisons qui me passaient entre les mains, comme les années normales, assez détaché de cette notion de vieillir, sans le regretter. J'ai pris des risque physiques, j'ai connu des blessures sans jamais en vouloir à cette nature qui me remettait en place. Et puis est venu le temps où l'on s'aperçoit que marcher, est plus difficile, escalader, plus dangereux encore, porter lourd, impossible, parce que le corps ne suit plus. On dirait que la ligne droite va s'arrêter, mais qu'avant, il convient de la parcourir jusqu'au bout, le mieux possible et c'est ce que j'envisage de faire.
Alors, j'ai décidé d'aller confier tout cela à la mer, car je la sais d'une immensité capable d' absorber toutes les mémoires de la terre.
Quoi de mieux qu'un temps d'hiver, froid, pluvieux et venteux pour réaliser ce souhait avant de rentrer à la maison. C'est ce que j'ai fait, les yeux dans les vagues blanches déferlantes, bercé par cette petite musique intime.
Le vieil homme et la mer, oui, je sais...mais cette fois, j'ai emprunté à Hemingway, une conclusion qui me va bien. ce soir, avant de retrouver tous les miens en Bretagne
Joyeuses fêtes de fin d'année à tous et rendez-vous en 2013
Roger Dautais
ENTRE NEIGE ET NUIT
Entre neige et nuit
je glisse murmures lents
l'émanation des ombres
volutes, flammèches, fumerolles
mes aspirations
Tout ce qui s'efface
apparaît disparaissant
ainsi cet arbre, ainsi ton corps
ma main
évasive, soulevée, reperdue
à la lisière du gris
calme ouvert.
Ida Jaroscheck
extraits de " Survivances de la neige" Inédits