La vie, comme elle va

"S'il suffisait de lire comme dans une bulle de cristal, alors, ce serait, facile.Mais il faut vite déchanter, prendre la route, sac au dos et marcher, toujours marcher pour oublier ce que l'on a déjà fait, ce que l'on va faire. Il faut attendre que la nature nous prenne et nous ouvre sa voie. C'est une progression incessante, pour de si petites choses".
Roger Dautais . Septembre 2009

Un voyage étonnant au cœur du land Art

mercredi 9 janvier 2013

L'échelle des jours : Pour Henri Droguet
Accompagnement
Zen
Guetteur de marée
Paroles rouges : pour Marie-Josée Christien
Trois soeurs
Mémoire d'hiver
Cartographie des lieux
L'attente:  Pour Shulamit Adar
Voie sans issue :  pour Edith et Maud
Résonance vitale
L'aile
Les pierres



Le cadeau...

à Vincent,  mon fils




L'école de voile est fermée comme toujours  à cette époque de l'année. Je ne verrai pas  Le Havre, aujourd'hui. L’horizon est plat et bouché. Le bruit de mes pas sur la route gravillonnée, fait écho et brise le silence. J'ai choisi de marcher  vers le Nord-Est. J'arrive sur la plage, pas un souffle de vent, en malgré les 5°, j'ai  l’impression qu'il fait presque doux. Il  y a quelques semaine, un sable fin avait tout recouvert. Aujourd'hui, je retrouve ce chaos naturel de très grosses  pierres qui ont été découvertes  par les dernières marées. C'est  un changement total du paysage. Je m'engage dans ce véritable " casse-pattes"  pour rejoindre  un autre endroit au pied des falaises,  à quelques centaines de  mètres où je trouverai des pierres  moins lourdes. La mer joue avec l'estran et pousse de très petites vagues devant elles,  à peine audibles.Ici, tout  a été nettoyé, comme  poncé, algues arrachées, par les plus fortes marées de Décembre. Les roches sont nues sur une bande de 50 mètres de large, et presque  à perte de vue.
L'endroit  me plait. Je pose  mon sac et monte le premier cairn. Le calme du grand large  m'inspire. J'ai la main, je le sens. Je trouve très facilement les points équilibre. Je monte,  pierre par pierre. Mon regard cherche alentour la suivante. J'évalue la taille,  le poids sans oublie la forme qui doit "coller" au reste. Si la base est bonne, le cairn  tient debout. Le pierres respirent entre mes doigts. Elles me parlent, je les écoute. 
C'est  un rituel qui  m'isole temporairement de  l'environnement, un véritable échange entre elles et moi, qui s'établit  jusqu'à l'achèvement. Je retiens ma respiration et respectueusement, je prends du recul  pour contempler ce cairn qui  me fait l'honneur de tenir debout. C'est beau.
Je vais ainsi travailler  plusieurs heures, sans répit autre que de  petits déplacements,  à  l'écoute d'une inspiration qui nait des lieux. Je suis transporté dans un autre monde.
Je me déplace vers  le Nord-Est, croyant atteindre  les grottes creusées dans les falaises,  lorsque je suis arrête par un ensemble de trois grosses pierres qui me permettraient de  monter,  une "Échelle des jours". C'est un cairn, qui comporte sept strates séparées  par  un  espace laissant passer la lumière et que je compare aux jours de la semaine. Particularités, c'est difficile  à monter, c'est lourd, compte tenu de mon état de santé ,c'est compliqué de trouver l'équilibre à chaque étage et en cas d'écroulement, ça peut être dangereux. Pourtant, je me lance. Je calcule bien toutes les trajectoires au plus court, pour ramener les pierres  une par une au pied du cairn. Pourtant, porter ces lourdes pierres sur  un sol aussi instable est  périlleux.  Je souffle bien pendant l'effort  pour ménager mon cœur. Les étages montent. Je me retrouve  plusieurs fois  les pieds dans  l'eau, jusqu'au mollet. C'est froid ! L'équilibre est  précaire et je dois  le  trouver  en  prenant le grand à cairn  à bras le corps grand cairn en  me servant de tout  mon poids comme  point d 'appui. Une véritable danse! 
Lorsque  je le coiffe d'une dernière pierre, je suis complètement épuisé mais heureux. Je mets quelques  minutes  à reprendre  mon souffle. Je m'assoie  pour le découvrir avec  un peu de  recul. Il s'inscrit si bien dans ce  paysage marin gris-vert. Je mange quelques dattes,  bois une gorgée d'eau et apprécie ce calme plat tout en récupérant quelques forces.
. Depuis Noël,  à chaque sortie, j'emporte dans mon sac  à dos, un livre offert par mon fils, Vincent: En Bretagne, Ici et là. Il  me tient compagnie et  j'ai décidé de faire  un cadeau à  la mer, lui offrir des poèmes de Henri Droguet. Je lis à voix haute  pour elle,  pour le cairn,  et  pour le plaisir de le faire:
" Un perpétuel ressac/ froisse et saque les thalles /rameux de goëmons/ ponce  un roc   et le vent"...
Temps consacré, temps sacré de la poésie qui s'en va rejoindre les éléments dont elle est  née. Il ne me manque rien au bonheur  lorsque je quitte cette plage. Bientôt, je retrouverai celle que j'aime et qu m'attend. Sans elle, serait-je encore ce que je suis...

Roger Dautais




Quelques paroles
sauveront
Peut-être encore

quelque chose qui bruit
comme la vie
qui creuse 
 lentement

quelque chose qu bruit
qu'on n'entend  pas.

Marie-Josée Christien
 http://mariejoseechristien.monsite-orange.fr
http://www.mondeenpoesie.net/2012/12/marie-josee-christien-revue-spered.html


PETITS PAPIERS (SOLILOQUE)


Un  perpétuel ressac
froisse et saque les thalles
rameux des  goëmons
ponce  un roc       et le vent
prend le large et malmène
la calcifiée débâcle  le labour
démantelé du ciel en démesure
qui fait merveilles
sur la mer  à n'en  plus finir abolie
par  l'ombre désirable éperdu-
ment natale
à nue  mâture on s'y livre
à la voracité...la hâte
hérissée de l'obscur


*


L’œil bouillant
l'impossible feu
chétivement trafique
et gratte à la ténèbre

funestes  portes     liquides clartés
crépine de brume  à  la nuit
ça pioche noir et dur

et l'on s'en va rêvant-
dérêvant z'à vous vives bacchantes
furibonds faunes     fraîches
nymphes    Silènes rubiconds plus  ou
moins ivres et couronnés d'épis
de  myrtes et de romarins
le sel au feu jeté
nos thrènes et nénies râlés
vous serez  menés et perdus
aux  bords de l'Orcus bitumeux


*


Celui qui veille pour qu'un feu l'illumine
gâche ses nuits :
il ne tirera  pas de lait du bœuf
il ne tondra pas la pierre

Henri Droguet  
 6 Janvier 2007
 http://www.gallimard.fr/Contributeurs/Henri-Droguet
 http://www.maulpoix.net/Droguet.html

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Landartiste, photographe, auteur de livres pour enfants, Roger Dautais est aussi un artiste atypique, sensible et attachant.Il a sû, dans la diversité de ses expressions, trouver une harmonie par la pratique quotidienne de cet art éphémère : le Land Art. Il dit "y puiser forces et ressources qui lui permettent, également, depuis de nombreuses années, d'intervenir auprès de personnes en grande difficulté ( Centre de détention pour longues peines et personnes âgées atteintes de la maladie d'Alzheimer) pour les aider par la médiation de l'art.