L'échelle des jours : Pour Henri Droguet |
Accompagnement |
Zen |
Guetteur de marée |
Paroles rouges : pour Marie-Josée Christien |
Trois soeurs |
Mémoire d'hiver |
Cartographie des lieux |
L'attente: Pour Shulamit Adar |
Voie sans issue : pour Edith et Maud |
Résonance vitale |
L'aile |
Les pierres |
Le cadeau...
à Vincent, mon fils
L'école de voile est fermée comme toujours à cette époque de l'année. Je ne verrai pas Le Havre, aujourd'hui. L’horizon est plat et bouché. Le bruit de mes pas sur la route gravillonnée, fait écho et brise le silence. J'ai choisi de marcher vers le Nord-Est. J'arrive sur la plage, pas un souffle de vent, en malgré les 5°, j'ai l’impression qu'il fait presque doux. Il y a quelques semaine, un sable fin avait tout recouvert. Aujourd'hui, je retrouve ce chaos naturel de très grosses pierres qui ont été découvertes par les dernières marées. C'est un changement total du paysage. Je m'engage dans ce véritable " casse-pattes" pour rejoindre un autre endroit au pied des falaises, à quelques centaines de mètres où je trouverai des pierres moins lourdes. La mer joue avec l'estran et pousse de très petites vagues devant elles, à peine audibles.Ici, tout a été nettoyé, comme poncé, algues arrachées, par les plus fortes marées de Décembre. Les roches sont nues sur une bande de 50 mètres de large, et presque à perte de vue.
L'endroit me plait. Je pose mon sac et monte le premier cairn. Le calme du grand large m'inspire. J'ai la main, je le sens. Je trouve très facilement les points équilibre. Je monte, pierre par pierre. Mon regard cherche alentour la suivante. J'évalue la taille, le poids sans oublie la forme qui doit "coller" au reste. Si la base est bonne, le cairn tient debout. Le pierres respirent entre mes doigts. Elles me parlent, je les écoute.
C'est un rituel qui m'isole temporairement de l'environnement, un véritable échange entre elles et moi, qui s'établit jusqu'à l'achèvement. Je retiens ma respiration et respectueusement, je prends du recul pour contempler ce cairn qui me fait l'honneur de tenir debout. C'est beau.
Je vais ainsi travailler plusieurs heures, sans répit autre que de petits déplacements, à l'écoute d'une inspiration qui nait des lieux. Je suis transporté dans un autre monde.
Je me déplace vers le Nord-Est, croyant atteindre les grottes creusées dans les falaises, lorsque je suis arrête par un ensemble de trois grosses pierres qui me permettraient de monter, une "Échelle des jours". C'est un cairn, qui comporte sept strates séparées par un espace laissant passer la lumière et que je compare aux jours de la semaine. Particularités, c'est difficile à monter, c'est lourd, compte tenu de mon état de santé ,c'est compliqué de trouver l'équilibre à chaque étage et en cas d'écroulement, ça peut être dangereux. Pourtant, je me lance. Je calcule bien toutes les trajectoires au plus court, pour ramener les pierres une par une au pied du cairn. Pourtant, porter ces lourdes pierres sur un sol aussi instable est périlleux. Je souffle bien pendant l'effort pour ménager mon cœur. Les étages montent. Je me retrouve plusieurs fois les pieds dans l'eau, jusqu'au mollet. C'est froid ! L'équilibre est précaire et je dois le trouver en prenant le grand à cairn à bras le corps grand cairn en me servant de tout mon poids comme point d 'appui. Une véritable danse!
Lorsque je le coiffe d'une dernière pierre, je suis complètement épuisé mais heureux. Je mets quelques minutes à reprendre mon souffle. Je m'assoie pour le découvrir avec un peu de recul. Il s'inscrit si bien dans ce paysage marin gris-vert. Je mange quelques dattes, bois une gorgée d'eau et apprécie ce calme plat tout en récupérant quelques forces.
. Depuis Noël, à chaque sortie, j'emporte dans mon sac à dos, un livre offert par mon fils, Vincent: En Bretagne, Ici et là. Il me tient compagnie et j'ai décidé de faire un cadeau à la mer, lui offrir des poèmes de Henri Droguet. Je lis à voix haute pour elle, pour le cairn, et pour le plaisir de le faire:
" Un perpétuel ressac/ froisse et saque les thalles /rameux de goëmons/ ponce un roc et le vent"...
Temps consacré, temps sacré de la poésie qui s'en va rejoindre les éléments dont elle est née. Il ne me manque rien au bonheur lorsque je quitte cette plage. Bientôt, je retrouverai celle que j'aime et qu m'attend. Sans elle, serait-je encore ce que je suis...
Roger Dautais
Quelques paroles
sauveront
Peut-être encore
quelque chose qui bruit
comme la vie
qui creuse
lentement
quelque chose qu bruit
qu'on n'entend pas.
Marie-Josée Christien
http://mariejoseechristien.monsite-orange.fr
http://www.mondeenpoesie.net/2012/12/marie-josee-christien-revue-spered.html
PETITS PAPIERS (SOLILOQUE)
Un perpétuel ressac
froisse et saque les thalles
rameux des goëmons
ponce un roc et le vent
prend le large et malmène
la calcifiée débâcle le labour
démantelé du ciel en démesure
qui fait merveilles
sur la mer à n'en plus finir abolie
par l'ombre désirable éperdu-
ment natale
à nue mâture on s'y livre
à la voracité...la hâte
hérissée de l'obscur
*
L’œil bouillant
l'impossible feu
chétivement trafique
et gratte à la ténèbre
funestes portes liquides clartés
crépine de brume à la nuit
ça pioche noir et dur
et l'on s'en va rêvant-
dérêvant z'à vous vives bacchantes
furibonds faunes fraîches
nymphes Silènes rubiconds plus ou
moins ivres et couronnés d'épis
de myrtes et de romarins
le sel au feu jeté
nos thrènes et nénies râlés
vous serez menés et perdus
aux bords de l'Orcus bitumeux
*
Celui qui veille pour qu'un feu l'illumine
gâche ses nuits :
il ne tirera pas de lait du bœuf
il ne tondra pas la pierre
Henri Droguet
6 Janvier 2007
http://www.gallimard.fr/Contributeurs/Henri-Droguet
http://www.maulpoix.net/Droguet.html
http://www.gallimard.fr/Contributeurs/Henri-Droguet
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