Mémoires cardinales : Pour Yves Jégou |
Cap à l'Ouest : Pour Jacques Thomassaint |
Sereine solitude : pour Claude Pélieu |
Remember : pour Erin |
Breizh : Pour Guy Allix |
Le cercle ami : Pour Isabelle Jacoby Le chant du Loc'h : pour Sasa Saastamoinen |
Le manège à souvenirs : Pour Virginie Gayot |
Le voyage à quatre : pour Pierre Boyer |
Éloge de la paresse : pour Camino roque |
Trois fois rien : pour Marie-Josée Christien |
Transfusion lente : pour Tossan |
Insolence : Pour Leeloo |
à Marie-Claude
Terre sacrée
Un jour, je prends la route avec le sentiment d'en voir la fin.Désillusion passagère due à mon état de santé. Espérer, pour moi, consiste à marcher, avancer malgré tout, comme si l'éternité était contenue toute entière dans chacun de mes pas.
J'ai adopté le rythme qu'il faut et accepté le travail du temps sur tout ce qui existe.
J'ai adopté le rythme qu'il faut et accepté le travail du temps sur tout ce qui existe.
Je suis parti pour vivre parmi tout ce qui existe et que personne ne voit, personne ne nomme, ce tout qui nous accepte tels que nous sommes. Il faut faire de la place au rêve si l'on veut le voir advenir.Louis Calaferte, Youenn Gwernig et quelques autres ont su me montrer le chemin Il faut oublier, tout ce qui pèse, tout ce qui encombre inutilement. Je veux m'ouvrir à la seule éventualité possible : avancer, expérimenter ma vie et faire reculer le mot fin. Une belle utopie.
La route défile, Kerléano, Toul-er-Hah, Mi-Voix, Kergroix, Gourvanzeur, Je prends à droite, longe les alignements de Kerlescan. La route est étroite, sinueuse. Il faut bien tenir sa droite. Dès les premiers menhirs de Kermario, commune de Carnac, se découvre sur la gauche, un bel étang. Je m'y arrête, pour parcourir et explorer ses rives.
Sac au dos, je commence par la rive Ouest. Les ondées alternent aux éclaircies.Je marche à peine depuis un quart d'heure que je suis déjà trempé. Je suis attiré par cette étendue d'eau. Au bord de la rive, la macération des feuilles mortes tombées à l'eau, leur donne une seconde vie. Mon regard est capté par leur couleur brune, jaune-orangé et cela suffit à m’arrêter. Je pose mon sac.Un lieu idéal pour travailler.
Sac au dos, je commence par la rive Ouest. Les ondées alternent aux éclaircies.Je marche à peine depuis un quart d'heure que je suis déjà trempé. Je suis attiré par cette étendue d'eau. Au bord de la rive, la macération des feuilles mortes tombées à l'eau, leur donne une seconde vie. Mon regard est capté par leur couleur brune, jaune-orangé et cela suffit à m’arrêter. Je pose mon sac.Un lieu idéal pour travailler.
Mon idée est de faire le tour complet de l'étang et d'y créer quelques installations éphémères. Je progresserai dans le sens inverse des aiguilles d'une montre pour rejoindre le Nord de la pièce d'eau.
Je monte un premier cairn, sous la pluie et je pose à ses pieds, une orange. Je pense aussitôt : hommage posthume à Alain Jegou. C'est la répétition d'un geste réalisé en Ria d'Auray, peu de temps après sa mort.
Je dois maintenant prendre un certain rythme qui me permet d'enchaîner mes installations et leur donner une unité de temps et de lieu. C'est un seul et même geste, qualifié ici de poème gestuel.
Près d'un genêt aux fleurs à peine écloses et qui cherchent le printemps, j'installe un nid dont le seul œuf sera une mandarine. Pourquoi ces fruits? Parce qu'elle me les a offerts en quittant la maison et qu'ils sont du voyage. Dans mes mains suivront un second cairn, pour Jacques Thomassaint, puis sur un muret, le chant des cupules, puis une halte assez longue pour admirer un cormoran en pleine pêche. Fabuleux.
Je n'ai pas vu le temps passer comme d'habitude et lorsque je reprends la marche, c'est déjà le moment où la lumière cesse de mordre le jour pour faire place à l'ombre. S'installent devant mes yeux, le miroir de l'entre-deux mondes.
Les oiseaux se sont tus. La pluie reprend, douce, fine, froide. Les pierres sont extrêmement lourdes. Il faut poser juste, ne pas s'y reprendre à deux fois. Ce cairn s'affirme, a du caractère et se rebelle face à l'ordre établi. Nous sommes frères. Il fait face au cairn d'Alain Jégou et je pense tout naturellement : ce sera un hommage à Claude Pélieu.
C'est comme ça, tu as des personnes, plus tu t'imagines qu'elles sont mortes, plus leur présence s'intensifie.
Je pense à Lu qui n'oublie pas.
Ici, nous sommes en Terre Sacrée, à mi-chemin entre les menhirs de Kermario, soldats pétrifiés ,porteurs de mystères et le tumulus de Kermadio avec sa kyrielle d'âmes en peine. Autant dire que le magnétisme est d'une forte intensité et la légende authentifiée. Que deviendra-t-il ce cairn ? Il sera, capteur magnétique, trait d'union de l'entre-deux mondes, gnomon, ombre portée parmi les ombres, poème de pierres. S'entendra-t-il avec le grand cormoran des lieux. Lui accordera-t-on un regard pour peu qu'en plein hiver, un marcheur s'écartant du chemin balisé, vienne se perdre par ici?
Je lui ai donné vie. J'ai tracé son destin et celui-ci m'échappe déjà. Inexorablement, il terminera l'aventure dans les eaux profondes de l'étang. Mais, n'est-ce pas mieux ainsi que d'échapper à toutes mes suggestions acrobatiques pour retrouver la paix des eaux du lieu ?
Je ne sais pas, je ne sais plus, mais il faut surtout, ne rien posséder qui alourdirait ma progression. Le beau souvenir des heures laborieuses qui ne produisent qu'un déplacement de vent sur la planète, doit me suffire. Et cette question permanente qui trotte dans ma tête et me fait reprendre la route : suis-je arrivé au terme ou dois-je encore avancer un peu. Petite musique suffisante pour me servir de réponse, au moins provisoirement.
Je n'ai pas vu le temps passer comme d'habitude et lorsque je reprends la marche, c'est déjà le moment où la lumière cesse de mordre le jour pour faire place à l'ombre. S'installent devant mes yeux, le miroir de l'entre-deux mondes.
Les oiseaux se sont tus. La pluie reprend, douce, fine, froide. Les pierres sont extrêmement lourdes. Il faut poser juste, ne pas s'y reprendre à deux fois. Ce cairn s'affirme, a du caractère et se rebelle face à l'ordre établi. Nous sommes frères. Il fait face au cairn d'Alain Jégou et je pense tout naturellement : ce sera un hommage à Claude Pélieu.
C'est comme ça, tu as des personnes, plus tu t'imagines qu'elles sont mortes, plus leur présence s'intensifie.
Je pense à Lu qui n'oublie pas.
Ici, nous sommes en Terre Sacrée, à mi-chemin entre les menhirs de Kermario, soldats pétrifiés ,porteurs de mystères et le tumulus de Kermadio avec sa kyrielle d'âmes en peine. Autant dire que le magnétisme est d'une forte intensité et la légende authentifiée. Que deviendra-t-il ce cairn ? Il sera, capteur magnétique, trait d'union de l'entre-deux mondes, gnomon, ombre portée parmi les ombres, poème de pierres. S'entendra-t-il avec le grand cormoran des lieux. Lui accordera-t-on un regard pour peu qu'en plein hiver, un marcheur s'écartant du chemin balisé, vienne se perdre par ici?
Je lui ai donné vie. J'ai tracé son destin et celui-ci m'échappe déjà. Inexorablement, il terminera l'aventure dans les eaux profondes de l'étang. Mais, n'est-ce pas mieux ainsi que d'échapper à toutes mes suggestions acrobatiques pour retrouver la paix des eaux du lieu ?
Je ne sais pas, je ne sais plus, mais il faut surtout, ne rien posséder qui alourdirait ma progression. Le beau souvenir des heures laborieuses qui ne produisent qu'un déplacement de vent sur la planète, doit me suffire. Et cette question permanente qui trotte dans ma tête et me fait reprendre la route : suis-je arrivé au terme ou dois-je encore avancer un peu. Petite musique suffisante pour me servir de réponse, au moins provisoirement.
Caillante d’espoirs
Et piètre devenir
En souffrance
Qu’est-ce qu’une vie
Sinon gagner du temps
Juste un soupçon de temps
Comme on souffle sur ses doigts
Pour les garder du froid
Quérir un peu de chaleur
Pour se préserver du pire
Et poursuivre vaille que vaille
L’ineffable combat
Alain Jegou
"Une meurtrière dans l'éternité "