J'avais déposé l'empreinte de mon nom sur le sable
Avec toute mon âme et le fruit de ma pensée.
Revenu à marée haute pour la déchiffrer
Sur la grève, je ne vis plus que mon ineptie.
Gibran Khalil Gibran
Il fait froid. J'arrive sur la plage de Ouistreham vers 15h 30. La mer se retire depuis une heure et ne me laisse pas le choix du lieu où je vais tracer une spirale. C'est un peu un retour avec cette maudite blessure qui m'en empêchait depuis des semaines. Pourtant, c'est bien la lecture des quelques vers de Gibran Khalil Gibran qui m'a décidé à retrouver ces sables. La plage est vide, déserte. Je n'apporte rien, je n'emporterai rien et pourtant tout va se trouver changer sous mes yeux en à peine deux heures. Je crains après cette période d'arrêt de ne pas retrouver la maîtrise du geste, mais des les premiers pas, je me sens attiré par cette spirale que je me dois de dérouler au mieux. Les jambes tiennent bon. Les tendons d'achille, encore fragilisés par les blessures, me font ralentir la cadence. Il faut au moins avoir exécuté une vingtaine de tours avant d'éprouver cette sensation de grandeur et de beauté de la trace. Le vingt quatrième mesurera autour de 45 mètres. Alors je pourrai offrir mon travail à la mer qui; dès son retour, s'en emparera en moins de dix minutes.
Je viens de terminer quand le Ferry rejoignant l'Angleterre, passe dans le chenal parallèle à la grande plage. Personne sur le pont. Dans une demi heure, il aura disparu derrière l'horizon.
Roger Dautais