La vie, comme elle va

"S'il suffisait de lire comme dans une bulle de cristal, alors, ce serait, facile.Mais il faut vite déchanter, prendre la route, sac au dos et marcher, toujours marcher pour oublier ce que l'on a déjà fait, ce que l'on va faire. Il faut attendre que la nature nous prenne et nous ouvre sa voie. C'est une progression incessante, pour de si petites choses".
Roger Dautais . Septembre 2009

Un voyage étonnant au cœur du land Art

mercredi 21 décembre 2011















































































































































Le Grand Passage...

S'il y a bien une période où parler de land art n'est pas la mieux choisie, c'est, je le crois, la dernière quinzaine de l'année où les préoccupations de chacun sont bien ailleurs. Comme me disait un journaliste parisien, ayant fait le voyage pour me rencontrer, heureux de commencer son interview ainsi :
- ça sert à quoi, le land art ? m'entendit lui répondre:
- à rien.
Car s'il faut répondre à cette question , par une réponse qui satisfasse les braves journalistes pour rentrer dans l'histoire de l'art, aussi bien rester dans l'anonymat. Mais comme nous étions bien partis, je l'emmenais, loin de la ville, sur une plage battue par un vent d'est sympathique et froid. Notre homme tenait à me voir réaliser une spirale et un cairn, et, si nous avions le temps, s'y mettre également. Il était habillé trop légèrement et le froid le glaça vite fait. Il me regardait sans rien dire et prenait quelques photos.
- Je voudrais essayer, me dit-il.
Je lui montrais le principe du mouvement circulaire, le rythme, les repères à prendre. Il planta son talon gauche dans le sable et se rempli le mocassin de sable humide, des le premier mouvement.Je regardais la scène, amusé. Au bout de deux mètres de sillon, notre homme abandonnait.
-Bon, j'ai compris le principe, avec quelques photos, ça ira.
Au bout d'une heure et demi, je terminais ma spirale. Je lui proposais de traverser la grande plage pour gagner l'estran où nous trouverions de quoi monter un ou deux cairns.
Les rochers étaient glissants, recouverts de goémon, cachant des quantités de petites mares. Il ne se passa pas dix minutes sans que notre journaliste ne glisse dans l'une d'elles, sans tomber, toute fois. Une bonne façon pour lui de comprendre que les mocassins ne sont pas les meilleures chaussure pour pratiquer un art qui sert à rien !
Je choisi un lieu et lui expliquais ce qui allait se passer. Lui, irait chercher les plus grosses pierres, pour réaliser la base, et je chargerai de ramener celles qui permettrait d'élever le cairn à une hauteur de un mètre cinquante.
Il me ramena, en tout et pour tout, une grosse pierre et revint avec le pantalon trempé et le dos cassé. Il ne fit plus aucune remarque et attendit que la grosseur des pierres diminue pour me les passer. Il regardait ses mains écorchées, comme les miennes, par les petites berniques collées à chaque caillou, ce qui les rendait coupants comme des lames de rasoir.
- Voilà, lui-dis-je en montrant ce cairn à fière allure. Il portera le nom du Grand Passage.
- Pour quelle raison ?
- Oh, lui dis-je, dans un art qui ne sert à rien, il n'est pas nécessaire de tout expliquer.

Cette fois, je pense mon journaliste en avait assez. Nous sommes remontés jusqu'à la voiture, puis je lui ai offert un café dans un bistrot du port. Il me dit qu'une fois rentré à paris, il me contacterait, pour éventuellement, me demander quelques photos complémentaires.
Il ne m'a jamais rappelé et je n'ai jamais vu paraître dans son journal. Je pensais lui avoir fait gagner beaucoup de temps pour l'avenir lorsqu'il aurait à parler de cet art ingrat qui fait se mouiller les pieds et arrache les doigts.
Des journalistes, j'en avait rencontré beaucoup mais de son espèce, c’était le premier. Je me devais de lui offrir un beau souvenir.
Les magasins sont pris d'assaut. Les plages sont désertes , le vent bien présent, quand la pluie ne s'y met pas, et les rochers sont toujours aussi coupants. C'est, vrai, on se demande bien ce qu'un homme vieillissant comme moi, peut bien faire à courir l'estran ou les grèves, entre deux mariées. Que voulez-vous, les petits bonheurs appartiennent à chacun. Pour moi, c'est par là que cela se passe.


Roger Dautais




" Gracieuse
en ces vieux gestes
l'aube essore
avec soin la mer

Le soleil met à la baie
sa nappe bleue
sans une tâche de temps
de guerre de marée noire

Bien peu répondent
a l'invitation
accordent au jour
des yeux prêts au regard "


Anne-Josée Lemonnier

Falaise de proue 2003






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Landartiste, photographe, auteur de livres pour enfants, Roger Dautais est aussi un artiste atypique, sensible et attachant.Il a sû, dans la diversité de ses expressions, trouver une harmonie par la pratique quotidienne de cet art éphémère : le Land Art. Il dit "y puiser forces et ressources qui lui permettent, également, depuis de nombreuses années, d'intervenir auprès de personnes en grande difficulté ( Centre de détention pour longues peines et personnes âgées atteintes de la maladie d'Alzheimer) pour les aider par la médiation de l'art.