La vie, comme elle va

"S'il suffisait de lire comme dans une bulle de cristal, alors, ce serait, facile.Mais il faut vite déchanter, prendre la route, sac au dos et marcher, toujours marcher pour oublier ce que l'on a déjà fait, ce que l'on va faire. Il faut attendre que la nature nous prenne et nous ouvre sa voie. C'est une progression incessante, pour de si petites choses".
Roger Dautais . Septembre 2009

Un voyage étonnant au cœur du land Art

vendredi 17 janvier 2020

Flottaison d'été :  aux  passantes du chemin des  grands  jardins




À Marie-Claude, femme aimée.

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*L’an Dro du Mont d’Etenclin
Le miaulement intime du paysage, se propageait au travers des pâtures, ignorant les barbelés, sûr d’atteindre sa cible. Cette musique animale me ralentissait . L’âcreté de mes derniers rêves, demandait une purge radicale. Toutes ces cargaisons de sang noir , qui tournaient à l’envers, encombrant mon inconscient, mettait en route le petit manège de la mélancolie.
Elles étaient au moins six, ces envoûteuses écervelées. Leurs regards purulents, trempés dans les forges du Mont d’Etenclin, avaient formé un cercle de feu, autour de moi. Je me débattais dans mon linceul, par cette nuit de pleine lune qui m’embarquait au tréfonds de l’oubli.
Leurs mâchoires puissantes broyaient le fer, arrachaient les chênes sur leur passage,dépeçaient un cœur en quelques minutes. Une agitation mortifère gagnait du terrain, possédait mon cœur.. Hantises glauques de nuits blanches, passées à la recherche de la rose perdue.
De leurs bouches, sortaient des papillons noirs. Le juste et l’injuste confondus, cousus à même ma peau, que me restait-il pour échapper à cette race maudite, reine des grandes méchancetés ?
Ne pas perdre le jour et, dès l’aube, tirer le fil d’Ariane qui me mettrait hors d’atteinte. Ma dernière monture, morte cette nuit, au galop, sous ma selle, devait à cette heure, nourrir ces harpies. De toutes les cellules des prisons, s’élevaient des voix : Sauve ta peau !
Entre ma peau et moi, ma dernière chance. Une poignée d’étincelles, électrisant mon corps , relançait la mécanique de la vie.
J’en était là, en plein été, parcourant cette plaine Normande, entre les champs de blé et les pâtures. Je forçais la marche pour mettre mon corps à l’épreuve et mon esprit au repos Je marchais depuis ce matin et une pose casse-croûte s’imposait. Je pouvais, à cette époque , marcher toute une journée sans problèmes à condition, de bien me nourrir.
J’avais pris l’option d’un parcours, Ouest-Est, en partant de la rive droite du fleuve. J’évitais toutes les route, ce qui m’obligeait à franchir des barbelés, rencontrant au passage, quelque chevaux pure sang, au pré et, en général, assez compréhensifs avec l’étranger qui s’introduisait dans leur domaine.
Mon idée était de rejoindre , un endroit vallonné, occupé par quelques beaux étangs, nés du travail des hommes.
Je n’en démordais pas de cette nuit cauchemardeuse ni de mon intention de la chasser hors de mon esprit.
Seule, l’eau en avait le pouvoir. Non pas celle du fleuve, trop puissante. Ni celle de la première rivière franchie sur une passerelle, dont le courant m’aurait empêché toute installation flottante. Encore moins, celle des ruisseaux, qui, en plein été, me laissait une bien maigre place.
Des eaux dormantes, voilà ce qu’il me fallait. Plates, prises entre des rives sinueuses. Garnies de lentilles d’eau, de nénuphars, aurait été l’idéal. Le prix en était une journée de marche, puis une nuit sur place. Autant pour le retour.
J’ai tout trouvé. Le étangs et un grand calme. Puis , dans ma besace les éléments pour compléter mon installation. Au fur et à mesure de l’avancée de mon travail, je sentais le bien-être de l’eau, qui m’arrivait à la ceinture, délivrer mon esprit de ces papillons noirs nés des ces bouches envoûteuses.
Mon installation pris naissance dans la pureté d’un fleur de nénuphar, d’où s’échappaient trois soleils rayonnant. La blessure rouge, cicatriserait dans la journée.
Je suis retourné depuis, au Mont d’Etenclin, près du moulin en ruines. Quelques miaulements en sortirent, mais pour disparaître assez vite. Subsistait le beau souvenir de l’An Dro, que nous dansions ensemble, au temps de notre jeunesse, en attendant que jour se lève, sous l’Astre blanc. Beaucoup de mes amis avaient quitté cette terre, moins chanceux que moi. Je pouvais encore accepter quelque cauchemars puisque je connaissais le moyen de les guérir.
Que ce soit dans ma pratique du land art, ou, dans d’autres arts, je gardais en moi, ce goût du merveilleux, du fantastique de l’âme humaine, à tisser la vie, hors des sentiers battus. Druides, guérisseurs, chamans, et même mon grand-père , toutes ces rencontres humaines, me formèrent depuis mon enfance, une capacité à supporter ces grands souffrances qui furent celles de ma vie.
Elle développèrent une curiosité et une appétence, hors des sentiers battus, pour cette lumière intérieure que l’on appelle parfois, imagination, inspiration , connaissance. J’avais un cœur assez vaste pour les accueillir en toute humilité en toute humilité. J’ai essayé de le transmettre à mes enfants et à mes petits enfants.
Maintenant, me garderai bien de détricoter ce mystère personnel. Il me va.
Roger Dautais
Route 78
*
Photo:création land art de Roger Dautais
« Flottaison d’été » pour Sandra Ma.
Normandie

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Landartiste, photographe, auteur de livres pour enfants, Roger Dautais est aussi un artiste atypique, sensible et attachant.Il a sû, dans la diversité de ses expressions, trouver une harmonie par la pratique quotidienne de cet art éphémère : le Land Art. Il dit "y puiser forces et ressources qui lui permettent, également, depuis de nombreuses années, d'intervenir auprès de personnes en grande difficulté ( Centre de détention pour longues peines et personnes âgées atteintes de la maladie d'Alzheimer) pour les aider par la médiation de l'art.