« Carré Celtaoïste » en hommage à Paul Quéré. |
Il y a un autre
monde mais il n’est pas dans celui-ci.
Paul Eluard.
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A Marie-Claude.
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Linéature
d’existence, au chemin des grands jardins
*
J’avais
quitté la mer. Depuis dix jours, je m’efforçais d’oublier cette
mauvaise chute, dans les falaises de Ty Bihan. Rien de cassé, mais
une vraie peur. Mon idée du jour consistait à remonter le cours
d’une petite rivière, assez étroite et peu profonde, dont la
source se trouvait à dix kilomètres de mon point de départ.La
sécheresse de cet été là, me permettrait un tel voyage. Au
départ, la rivière traversait les pâtures à moutons. Elle était
bordée l’ouest d’énormes enrochements délimitant la vallée,
et à l’est, d’un bois de frênes, s’élevant jusqu’à perte
de vue.
1968
Je
ne pouvais ôter de ma mémoire, ces scènes urbaines vécues en
Espagne, lors de notre premier voyage à l’étranger. Assez mal
reçus, par des espagnols de Salamanque .
Nous avions trouvé un logement, pour quelques jours, dans un
vieux quartier de la ville empoussiéré par la sécheresse.
Visiblement, ici, on n’aimait pas les français. Chaque matin, en
quittant notre logement, nous avions le droit aux regards noirs et
menaçants, des vielles femmes de la rue, habillées en noir.
Probablement invoquaient-t-elles la nouvelle lune pour sortir de
leurs circonvolutions toxiques, de quoi nous vouer aux gémonies.
*
Je
n’étais bien que dans la nature, et ma jambe droite encore
écorchée, ne me faisait plus souffrir. Bien chaussé pour ne pas
glisser une seconde fois, je progressais, dans une eau fraîche qui
m’arrivait à mi-cuisses. Je gravissais, sans peine la petite
pente de la rivière. Lorsque les pierres se faisaient plus
présentes, je montais un cairn de hasard, sur une des rives.
J’étais
le médiateur au sang chaud, entre cette eau sauvage et le ciel
vide, dans un monde qui manquait de poésie et de générosité.
L’inutilité de ma démarche d’artiste, m’était jeté,
régulièrement à la figure par les élites. Trop prolétaire ;
Pas assez diplômé.
Mon
cœur battait pour toi.
*
La
terre émeutière dont j’étais issu, m’accueillait pour
déambuler et fuir les coups, non pour amasser des richesses. Je
m’étais délivré des prêches dogmatiques, des voleuses d’âme
sectaires, du maniérisme bourgeois. Me restait une dernière
bataille à mener : celle de l’âge. L’homme au dos courbé
que j’étais devenu, subissait ce que la société avait prévu
pour lui, dans sa générosité. Trop de vieux ! Inutiles !
Séniles ! Trop cher pour la société ! Une bile baveuse
sortait des bouches imprécatrices, à langue bifide. Les
dominants, dominaient. Il fallait passer outre pour ne pas tomber
à terre, garder sa fierté d’être humain. Pas facile.
Le
changement physique vécu, au jour le jour, ces dernières nuits
avaient été douloureuses, blanches.
Toutes
mes mémoires amnésiques dépliées, me proposaient une
géographie complète de mes voyages. Mon sang alimentait mes
idées les plus noires. Sans conviction. L’oscillation habituelle
qui me tenait en vie, se faisait lente. Mon inconscience profitait
de la porosité de mon esprit pour ouvrir les vannes. Au bord du
vide, les inhumains crachaient leurs blasphème., livre Saint en
main « au fond de l’eau, les étrangers ». Les idées
nouvelles faisaient leur chemin. L’ordre nouveau, aussi. Je
n’aimais pas ces bruits de bottes.
Je
flottais.
Les
tensions cédaient la nuit, se libéraient, une à une. Ma terre
n’existait pas. Drapé dans l’éphémère des jours ordinaires,
plus éther que chair, l’espace m’aspirait, jusqu’à la crête
des étoiles, au pays d’Alpha-de-Céphae. Les bourgeois en cage
dorée, cadenassés dans leurs convictions, rêvaient d’immortalité
et de jeunesse éternelle.. L’entropie les guettait, aussi.
Escaladant
de talus qui bordait la rivière, j’entrais dans la partie du bois,
plantée de chênes. Mes arbres préférés.
Après
avoir exécuté le premier rituel, précédent une création land
art, je complétais ma cueillette de végétaux. Il me fallait
ensuite attendre le signe de la nature et m’y préparais en
oubliant mes savoirs. Cela consistait à ressentir un lieu comme
étant le plus propice, dont la beauté naturelle me parlait.
L’ayant trouvé et accepté, l’idée me vint de travailler à
partir de la forme géométrique du carré, dont je vous ais déjà
expliqué le symbole.
Dans
cet exercice de silence intérieur, accompagné par le seul chant
des oiseaux et de la rivière dépouillé de mes peaux succinctes, je
laissais mon cœur guider mes mains, dans un geste Celtaoïste,
cher au poète Paul Quéré., dont l’esprit m’inspirait.
1968
Je
nous revoyais, sur la Plaza Mayor de Salamanque, jeunes mariés et
parents de notre fils, déjà sur la route en cette année de
révolte, découvrir les plaisirs du voyage amoureux.
L’Espagne,
que nous aimions, n’était qu’une étape de notre grand voyage
au Portugal, en Alentejo, où notre frère des bidonvilles, José M.
que nous avions sauvé d’une mort certaine, l’année
précédente, voulait nous témoigner, sa reconnaissance, malgré la
grande misère de sa condition sociale.
Cinquante
trois ans plus tard, malgré une injustice croissante de notre
société, qui continuait à écraser les plus pauvres, et parce
que la vie nous avait fait ce cadeau, d’être ensemble
longuement, oubliant notre vieillesse précaire dont tout le monde
se foutait, je continuais à la célébrer par la médiation de
l’art et à aimer ma femme passionnément.
Roger
Dautais
Notes
de Land Art pour la Route 78
Photo :
création land art de Roger Dautais
«
Carré Celtaoïste » en hommage à Paul Quéré.
Bretagne.
LE CHEMIN DES GRANDS JARDINS A DEPASSE LES 530000 VISITES.
Merci à tous .
Je vous embrasse fraternellement.
Roger Dautais
Une déclaration d'amour magnifique...
RépondreSupprimerUn message d'Amour qui devrait cueillir chacun au passage et insipirer. Merci et bon courage Roger.
RépondreSupprimer4 fruits dans le dernier carré bien protégées par les carrés les entourant
RépondreSupprimerun cœur qu'il faut mériter, prendre son temps pour les contempler dans le silence
your dedication (in all ways) shows through here and profoundly staggers. beautiful and strong, roger))
RépondreSupprimerPlaisir de vous retrouver plus régulièrement sur votre blog, portez-vous bien !
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