à Morgane, fille de la mer. |
aux pieds nus et divins.
Aime la vie , même si...
Son absence physique me pesait. Ces derniers jours, elle prenait de la distance, ce que je pouvais encore comprendre, en tenant compte de son besoin de vivre seule.. Mais entre distance et effacement,, la mort s’était installée sournoise, collante, dévoratrice. Elle annonçait le brasier, les cendres, la dispersion dans le jusant.
Le jour de sa disparition finale, je me suis laissé pousser la barbe , en signe de deuil.
Des années de vie commune à pratiquer le land art, de courses folles dans les champs déserts, des siestes au soleil, des baignades dans les torrents, des jeux dans les vagues de l’océan, sans arrêt, de peur de se perdre, de se désunir dans l’inaction.
Je n’avais pas su comprendre, pas su entendre les intersignes des oiseaux annonceurs. Pas compris l’arrivée du dernier train en gare, celui qui se chargeait des morts comme du temps de Pitchipoï. J’étais aveuglé par le bonheur de partager sa vie.
Elle était tendre,fidèle, douce, soyeuse, chaude et lisse de peau de son ventre rose tacheté de noir.
Elle aimait m’observer en silence, me regarder pendant de longs moments. Elle aimait se taire, aussi et m’imposer ses silences ;. Je lui avait appris à aimer la musique de Sati, les rues serrées de Honfleur sous la pluie, son port à peintres du Dimanche où elle faisait des rencontres. Elle adorait la rue froide de Caen où je la lâchais pour qu’elle aille humer les portes cochères, à son rythme.
Elle recherchait le quartier de la gare,ses squats immenses dans les friches industrielles. Elle aimait se faire caresse par mes amis Junkies, chez qui je me dépannais , les soirs de galère, pour terminer la nuit en beauté.
Elle aimait mes nuits d’ivresse,autour du port, celles qui duraient jusqu’à la fermeture des bars à poivrots.Elle aimait aussi le quartier du Vaugueux où je retrouvais Suzanna, ma petite juive, toujours à sa table de labeur, avançant ses illustrations à rendre « des demain ». Elle aimait son appartement exigu, la gamelle d’eau fraîche sous la table et son Jack Russell, ébouriffé comme sa maîtresse, qui la courtisait tout le temps.
La mienne, c’était une trois couleurs Bats. Elle avait des oreilles et une queue de renarde et le caractère rebelle et tendre qui allait avec. Mais, elle ne se laissait pas prendre comme ça. Elle avait le coup de croc, facile.Ces deux là pourtant, étaient inséparables comme Suzanna et moi.
Onze années de vie commune, menées à fond, avec moi comme exemple, de la graine d’ortie. Puis, une mort subite. Un infarctus,probablement... dans mes bras.
Ce que je l’ai pleurée !
Plutôt que de reprendre les petits rituels de deuil, sans enthousiasme , j’avais voulu inventer un truc, dans un endroit qu’elle avait bien aimé.
C’est ainsi que je me suis retrouvé dans une carrière abandonnée de Fontaine-Henry, à lui élever un premier autel, afin que son âme puisse rejoindre la Grand Prairie.
Tout passait par l’intention et le geste, la cueillette végétale, la mousse, la plume, la pierre, le bois sec pour le bûcher, le feu, le vide..
j’ai allumé le bois sec en chantant et j’ai vu son âme bleue, s’élever en fumer, rejoindre le ciel
parmi les petits rapaces.
Tout parlait de Morgane, chienne heureuse, ici, jusqu’à ma prière adressée aux faucons crécerelle, pour qu’ils l’accueillent dans la grande famille des oiseaux libres.
Elle devenait, oiseau.
Je suis resté sur terre pour raconter son histoire, avant de partir moi-même en fumée
Roger Dautais
" Parce que je suis rien qu'une poignée de cendres grises"...
Mémoires d’un Hobo céleste.
LE CHEMIN DES GRANDS JARDINS
http://rogerdautais.blogspot.com
Photo : création land art de Roger Dautais
" à Morgane, fille de la mer".
Grande plage de Ouisterham - Normandie
Merci de votre silence, il rejoint le silence de la mer, très loin de moi, en ce moment et mon besoin solitude.
RépondreSupprimerJe vous embrasse.
Roger
Bonjour Roger,
Supprimerils sont merveilleux, nos compagnons. Débordants d'amour. Quel bel hommage à Morgane.
Dans le silence, il y a des cœurs qui battent pour vous et ne vous oublient pas.
J'ai déposé ma clé G+ en ayant effectué l'état des lieux. La porte est fermée.
Je trouve que le Chemin des Grands Jardins, est signé de votre présence plus qu'ailleurs. Alors, c'est très bien. Nous viendrons ici aux nouvelles et vous laissons une tonne de tendresse en cas de besoin en prenant plaisir à vous lire.
Je vous embrasse.