" élévation " aux soignants. |
Aux soignants...
Chaque jour, je prenais la route pour de longues heures de solitude dans la pratique du land art.. Ma destination tenait compte des saisons. L'été, par exemple, je faisais peu de travaux sur le littoral, à cause des touristes. Mais ça pouvait arriver et provoquer de belles rencontres autour de mes installations,toujours, très photographiées ou filmées par des professionnel de l'image.
J'aimais, l'été, explorer l’arrière pays de la côte Normande, riche en fleuve et rivières, petits lacs, marécages, pâturages et bois nombreux ou encore, de grandes carrières à ciel ouvert. L'exercice de la marche, me préparait physiquement à l'oubli du tout savoir qui alourdit l'esprit, pour faire place à la découverte, l’étonnement, nés d'une lumière particulière, en toute humilité.
.Je devais être disponible, ne jamais rentrer sur un territoire en conquérant, écouter la nature, la respirer,comme un animal, qui sent le vent. Je devais me mettre au pas de sa cadence, partager le territoire des animaux sauvages dans le respect.
Cela prenait du temps. Beaucoup de temps.
C'était ma vie.
Très souvent, pour changer des flottaisons, je fabriquais une table d'élévation, un autel, qu'il me fallait "habiter ", donnant de la valeur au geste d'offrir.
J'y installais, un petit feu, mariant, l'eau, la terre, l'air et le feu, au-dessus d'un ruisseau. Dans un marais, j'utilisais quelques bambous, posés en équilibre, qui recevaient, en milieu de table, quelques baies rouges, en offrande au lieu. Je trouvais le bonheur dans ces gestes, si loin des bruissements du monde.
Mes expositions étaient toujours installées, hors des galeries d'art, avec l'idée d'aller vers ceux qui, soit privés, de liberté, en prison par exemple, ou par leur handicap, recevaient moins. Je pense aux sourds, aveugles, Alzheimer, lieux de séjours pour marginaux encadrés. Je n'avais pas à me forcer. C'était ma nature.
En vieillissant, sur la route, ma part d'oubli devenait beaucoup plus importante que le vécu. Une littérature abondante palliait le manque. Malgré tout, le geste se perdait dans les ellipses lacunaires de ma mémoire ouvrière. Il devenait difficile de la modifier, de l'améliorer. Elle faisait partie de ce qui m'échappait de plus en plus en prenant de l'âge. Mon corps gardait ces mêmes traces incarnées, ces blessures et me les renvoyait en douleurs
Je m'attachais dans ce récit de vie, à me déconstruire, pour en retrouver l'ossature. Je n 'avais pas passé ma vie à pleurer, comme je l'entendais, mais l'enfance douloureuse qui avait été la mienne, se dressait encore devant moi.
Je n'avais jamais connu la vie facile et sans ma rencontre avec ma femme aimée, elle aurait été arrêtée, brutalement.
Sous doute, dilettante invétéré, rêveur permanent, avais-je déçu, mais je n'étais pas là pour plaire.
Il m'avait fallut, probablement, réaliser tous ces installations pour attirer l'attention de la nature, afin qu'elle m'adopte. Je savais qu'il y aurait, une dernière saison, un dernier geste de land art.
Etais-je déjà, dans cette réalité, attendant d'être attrapé comme un papillon, happé par une mort sournoise, et rejoignant le bataillon des disparus, rangés dans les morgues des hôpitaux
?
Ce jour sans fin était le mien, plein d'espoir et croyant au sursis, largement octroyé, par les équipes de soignants qui s'étaient battus pour me sauver, à plusieurs reprises, dans ma vie cabossée.
Je leur devais une reconnaissance absolue.
Je leur dédie ce texte.
Roger Dautais
Notes de land art pour la" Route 78 ".
Photo : création land art de Roger Dautais
" élévation " aux soignants.
Plaine de Caen . Normandie
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LE CHEMIN DES GRANDS JARDINS
i thank them, as well)))
RépondreSupprimerand i think, living as you have, the whole of your life "a gesture of giving" -- "leading to being adopted by nature" -- this is a guide for us all; the best life, i think, possible.
love to you and yours))
C'est beau !
RépondreSupprimerMerci !
Il faut souhaiter que la reconnaissance générale envers les soignants se traduise bientôt matériellement.J'aime beaucoup ton "élévation" aux couleurs de l'espoir.
RépondreSupprimerBise.
Mêler le feu au land art, une sacrément belle idée.
RépondreSupprimerC'est une superbe création, et ils méritent bien cet hommage, autant pour ce qu'ils ont fait en ce qui te concerne personnellement que pour tout le travail qu'ils réalisent actuellement, au péril de leur vie et de celle de leur entourage... On ne les remerciera jamais assez.
RépondreSupprimerOui, les remercier chaque jour qui passe mais aussi penser qu'en votant on peut changer leurs vies...
RépondreSupprimerEcouter la nature devient l'unique objet de l'existence à l'heure qu'il est.
RépondreSupprimerToutes mes pensées positives vers toi.
Une oeuvre si forte et si fragile à la fois, comme toutes ces femmes et hommes qui constituent le corps médical. Honte aux politiques ! Prends bien soin de toi .
RépondreSupprimerAmicalement
Heureuse de vous revoir sur ces pages! Tous mes voeux de bonne santé pour que vous puissiez continuer à distiller un peu de poésie dans ce monde étrange!
RépondreSupprimerle vert, le rouge, les couleurs complémentaires pour rendre hommage
RépondreSupprimerà ceux qui donnent tout pour aider, sauver des vies .
cet échafaudage de bambous pour "porter" les baies rouge sang est
un vrai symbole
sois fort et fais attention à toi
Magnifiques mots. Un bel hommage !
RépondreSupprimerprends bien soin de toi Roger, et de ceux qui te sont chers.
Amitiés.