Le voyage de la sphère : to Erin |
À
Marie-Claude…
*
*
Il
n’y avait rien à sauver, sauf l’amour.
Regretter
de ne pas avoir tout dit, ne sert pas à grand-chose. Aucune vie ne
permet d’ atteindre un tel but
La
géographie de zones marécageuses qui bordaient l’estuaire sur
les deux rives du fleuve, me donnait une idée de la complexité de
l’existence. Des différences de niveaux, peu de lignes droites,
des circonvolutions où le mort et le vivant, coexistaient. Des
miroirs à circonstances, captant le ciel au mieux et renvoyant des
lumières labiles. Des bouts de terrains en herbe, stables pour
élever des cairns. Des vasières pour s’enliser. Comme dans la
vie.
Et
puis, la mer revenait, montant sans hésitation, qui recouvrait
l’ensemble de la vérité vue, d’un manteau liquide gris.
Pour
peu que le brouillard s’en mêla et l’oubli total s’imposait
à toutes ces mémoires amnésiques en train de se noyer sous mes
yeux.Il restait donc, sous cette masse autre chose d’indicible,
détenant un trésor, une mémoire des lieux et des ans,
résistant aux pires tempêtes, se nourrissant de sa propre
entropie. Un casse-tête de psychanalyste.
Le
souvenir de ma vie, s’enracinait bien, à l’instant, dans un
présent condamné, d’un homme qui se déplaçait. Ce souvenir se
démultipliait dans les vents salubres et salés, du paysage marin.
Ni les anges ni les sirènes n’avaient droit à une place dans
ce délire. J’aimais faire réapparaître des bribes de vie de mes
disparus.
Malgré
les petites souffrances accompagnant ce genre d’exercice très
personnel et mélancolique, les lumières de leurs regards captés,
éclairaient le désert dans lequel mon existence de vieillard me
faisait avancer.
Les
silences suggéraient des profondeurs
Je
pensais à mille choses. Trop. Mais, c’était écrit dans les
sables mouillés de l’estuaire et mon étonnante mémoire
éclatée, faisait office d’encre sympathique. Dans le fond,
l’oubli,en surface, une trace,des mots qui surnageaient,
s’imbriquaient, bribes par bribes, au point de s’assembler et
faire sens.
Mes
doutes enténébrés et profonds, se délitaient au profit d’une
vérité présente.
De
la vie grouillante de mon inconscient, naissait une réalité
plausible, malgré le combat de ma propre mécanique corporelle,
incapable d’entrer dans ce schéma.
Face
à moi, trop de cadavres verdis de peur, trop de chairs délitées,
abâtardies, portant la pourriture comme un étendard. La noblesse
se trouvait dans les disparitions, non dans les parades cupides. Mon
sang, ma peau, ma taille , prenaient racine, au sud. Mon cœur
mes entrailles, mon âme, reniaient tout,sauf une réalité :
le cœur à cœur faisait exception du reste. Il n’y avait rien
d’autre
à sauver .
Une
tour de Babel, que cette superstition de mémoires maudites. Entre
l’inclus et l’exclu, des sorties de routes serpentines. Des
palanquées de juges fourbes. Un pardon, aussi.
Je
cherchais dans ma démarche de land artiste, la concision, celle qui
rassemble les visons parallèles de l’esprit, pour atteindre,
l’homogénéité du geste. Mais aussi, une musique intérieure,
élevée dans l’ordre du sacré : la mélancolie . Son
absence signait l’échec.
Que
certains événements brutaux, introduits dans la ma vie,
m’avaient conduit à tout plaquer pour rejoindre, assez tard, le
land art, était une vérité. Vous en étiez témoins en me
lisant.
Sous
les réverbères de ma petite enfance, rue Sébillot, des halos de
lumière jaunâtre, suffisaient, la nuit, pour rassurer mes fugues.
Au
retour, dans la petite cuisine de notre maison, qu’éclairait une
lampe à gaz, trônait une table dans le prolongement du buffet.
Au bout de la table, mon père, le jugement, la sentence, la peine
et un placard noir pour l’accomplir.
Certes,
la pénombre adoucissait ma peine, dans ce lieu où je pleurais
beaucoup. C’était mal de fuguer, et bien de rester subir. Je
refusais. Allez comprendre pourquoi, cette rébellion, ce
balancement entre le bien et le mal dura jusqu’à mon adolescence.
Pourquoi
cette oscillation qui me prenait, aujourd’hui, dans cet estuaire,
me transperçait, douloureusement ?
Pourquoi
j’allais traduire cet état limite, par une dernière fugue vers
les hautes herbes qui délimitaient le domaine marin en le
séparant des terres cultivables ? Parce que j’allais y
trouver un écrin souple, sous le vent, pour y déposer cette
sphère de coudrier, qui comme moi, ne cessait de marcher en
attendant la mort. Et si ma vie n’était qu’une longue marche,
jusqu’à son terme
Avec
un peu de recul, je peux avancer une réponse à tout ça.
Pratiquer le land art résumait bien ce que je désirais être :
un homme de passage, éphémère, sachant que le principal,
restait d’aimer
Roger
Dautais
Route
78
Photo : création land art de Roger Dautais
" Le voyage de la sphère " To Erin.
Normandie
" Le voyage de la sphère " To Erin.
Normandie
Route 78
Photo : création land art de Roger Dautais
"Le voyage de la sphère " To Erin.
Normandie
such profound success. need anything else be uttered? not really, for love is evident.
RépondreSupprimerit is a magnificent creation, a configuration very much like a mind, as real as a mind in all its twisting convolutions, and all that space through which wind, light and grass might pass. a place of real happening.
la sphère comme le nid du tisserin
RépondreSupprimerune méditation profonde, et une symbolique universelle.
Je te souhaite une journée sans douleur
Une pensée ... oui nous sommes de passage, et l'important c'est d'aimer.
RépondreSupprimerje t'embrasse
De belles écritures si pleines de sens Roger.
RépondreSupprimerJe te souhaite une douce année.
Que rajouter de plus à ce qui me paraît essence-ciel.
RépondreSupprimerTant d'émotion dans tes mots Roger et pourtant si lucides dans leur symbolisme.
Merci pour tout cela et plus encoeur'.
Den