La vie, comme elle va

"S'il suffisait de lire comme dans une bulle de cristal, alors, ce serait, facile.Mais il faut vite déchanter, prendre la route, sac au dos et marcher, toujours marcher pour oublier ce que l'on a déjà fait, ce que l'on va faire. Il faut attendre que la nature nous prenne et nous ouvre sa voie. C'est une progression incessante, pour de si petites choses".
Roger Dautais . Septembre 2009

Un voyage étonnant au cœur du land Art

vendredi 15 février 2019

Pour Joseph, toujours en prison.



Fragrance.


à Alain Floze.

Imaginons un homme en prison, à perpétuité. Imaginons le sans le juger puisqu'il a déjà été jugé . Il souffre, il travaille, ou non, il attend ou n'attend plus rien. Il se bat pour se reconstruire, ou pas. Il est croyant ou pas.Il sait qu'entre le dedans et le dehors, 11 portes et pas une de moins, plus un chemin de ronde sous les miradors,ace hommes en arme, le séparent de la liberté.. Alors il rêve de s'évader. Pas en Hélico, parce que le ciel de la grande cour de promenade est tendu de filins anti- évasion.
Et puis dehors. Imaginez un homme, artiste, art thérapeute, également ,que l'on contacte pour devenir intervenant , en équipe ( Avocat, réalisateur, journaliste presse, journaliste TV, psychologue, monteuse de films)dans ce centre de détention, dans un lieu culturel, voué à la TV, avec un vrai studio, une vraie régie. Des technos, des journalistes, tous issus de la prison et une émission de TV réalisée chaque semaine.
Je n'ai pas hésité.
J'ai dit oui, comme à chaque engagement vécu en humaniste militant.. J'ai franchi la grande porte de détention plus de 700 fois.
Nous avons travaillé, ensemble, fait des expos,dedans, dehors, réalisé des documentaires, montés en prison, aidés par des techniciens de France 3 Normandie. J'ai beaucoup appris en prison, des détenus, des surveillants, pas toujours faciles avec nous, des gens du dehors qui me condamnaient avec des mots si durs.
La fraternité ne se vit pas dans la facilité, mais là où l'homme est tombé, par le crime pour par le handicap. Et nous n'étions pas si nombreux. J'ai parlé beaucoup de land art avec ces hommes qui rêvaient de voir un arbre, dans cet univers de béton. Je leur ai raconté la mer, le cri des mouettes, le crissement des pas sur le gravier, les levers de soleils sur Rouen. Je leur ai expliqué la fragrance de l'air sur la côte de Nacre.
Et puis, je les ai écoutés, racontant parfois leur crime, leurs famille parfois, absentes. Leur peur aussi, des autres,de la violence en prison,des trafics, de la prostitution, entre les hauts murs. Mais on en revenait tout le temps, au lad art, aux descriptions des paysages,des installations in situ. Un jour ils ont obtenu du Directeur, d'accrocher mes photos,dans la salle de TV.
Comme j'étais fier d'approcher un peu de bonheur à ces frères du dedans.
Dehors, les lazzis des bien pensants qui me faisaient penser aux cris de haine poussés à la sortie du prétoire, sur les condamnés.
Rien n'y fit pour me faire décrocher de ma mission, réalisée jusqu'au bout.
Je voulais prouver, qu'en milieu carcéral, le land art gardait son essence, et toute sa puissant capacité de médiation entre les hommes. Je voulais aussi résister à cette idée fausse que tout homme condamné n'a le droit à rien, soutenu par des esprits, rétrogrades, souvent facho.
Il est aisé de condamner, et parfois, indispensable, mais la voie de la résilience empruntée par certains détenus, ne peut aboutir que s'ils se sentent, aimés comme des êtres humains,certes coupables, mais capables de s’amender.
Mon expérience humaine fut singulière et n'est en aucun cas un exemple, simplement, une main tendue,du dehors au dedans, pour une meilleure intégration.
Roger Dautais

LE CHEMIN DES GRANDS JARDINS
http://rogerdautais.blogspot.com/

" Serpent " pattes d'oie " Pour Joseph, toujours en prison.
Terminal minéralier de la SMN - Colombelles.
Normandie

11 commentaires:

  1. Tu lui a tracé un chemin d'espérance pour une nouvelle naissance.

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  2. L'art est résistance.
    Passant, oui, mais passeur avant tout, n'est-ce pas, Roger ?

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    1. Anne Le Maître
      Oui, bien sûr, l'art est résistance et non compromis. Les hommes vont à la guerre pour des médailles. Je ne suis persuadé que c'est le bon choix. J'aime bien la chanson de Boris Vian, Le déserteur.
      Passant, comme tout le monde sur cette terre, mais aussi, initié. Pourquoi garderais-je ce don de passeur ? Il ne m'appartient pas plus que tout ce que je fais en art. Mon premier sujet de résistance, est moi-même. Nous sommes si vite trahis lorsque les bravos assourdissent nos oreilles.L'humilité est la seule voie possible pour entrer en résistance, avec un esprit éclairé. Belle soirée sous les étoiles, chère Anne.
      En amitié.
      Roger

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  3. La communication n'est-elle pas le plus merveilleux outil que nous possédions?

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  4. Thérèse.
    Si, tu as entièrement raison, la communication est merveilleux outil individuel ou professionnel.. Il reste quand même un gros problème,c'est de savoir à qui on donne les clés de la communication. Un rédac'chef de journal, qui fait pratiquement la pluie et le beau temps chez lui, va,s'il décide seul, couper l’accès à la communication d'un demandeur, moi, par exemple venu lui parler de land art, soit parce qu'il ne connait pas, parce qu'il n'aime pas, soit parce qu'il aime mieux s'occuper de son bateau. C'est un peu gênant que ce type de personnage, soit payé pour faire barrage. Et quand la secrétaire à l'accueil, vous aboie dessus, au moment de répondre à une demande du même type, elle coupe aussi toute la communication qui aurait pu s'instaurer, entre un artiste et sa région. Ce qui est possible en Normandie, ne l'est plus ici. C'est quand même trop fort,de la part de ces communicants. Est-ce aussi une nouvelle façon de vivre que de prendre tout le monde de hauts ?
    Belle journée, chère Thérèse.
    Roger

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  5. C'est admirable ce que tu as fait en prison. Lors de mes visites professionnelles j'avais beaucoup de mal avec le bruit des serrures et des portes...

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    1. manouche.
      Non pas tellement. Ce qui était admirable,se passait au niveau des échanges humains entre détenus et moi_même.. Bien sûr aussi des réalisations de films, de journaux télévisés dans les quels on accueillait des VIP comme Michel Drucker ou Rony Braumann . d'enregistrement de livres pour la banque de livres pour aveugles de Caen et bien d'autres choses. Si certains ont repris espoir dans la société, s'ils ont réussi à stopper la dégradation physique, mentale, morale, spirale infernale où ils se noyaient,alors oui, j'aurais été utile. En matière de fraternité, le bilan n'est pas comptable et aucune prime ne te permet de t'acheter une maison cash, en fin d'exercice, comme dans la vraie vie. Bien que l'on me reproche un manque de détachement affectif, je peux dire qu'en prison,si je ne l'avais pas pratiqué, je serai tombé à mon tour, tant les occasions me furent données de tomber dans le trafic monnayé, pour ne parler que du moins grave.
      J'ai fait preuve d'un certain courage qui me manquerait-dit-on dans la vie. Les jugements honorent ceux qui les portent, ils me permettent de mieux faire encore, même si parfois,ils sont à côté de la plaque. Je ne suis pas obligé de raconter ma vie à tout le monde, n'est-ce-pas.
      Belle soirée, Manouche.
      Je t'embrasse.
      Roger

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  6. Le sentier de l'évasion, si fragile, si fragile,,, l'emprunter avec délicatesse et justesse, en contournant la lumière enjôleuse et parjure pour ne point se noyer se perdre.

    C'est très beau et très révélateur.

    Beau jour à toi cher ami et "collègue".

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    1. mémoire de silence,
      Oui, Maria, si fragile ce sentier, qu'il faut le parcourir, pieds nus comme un prophète dans le désert, ensachant que la source, parfois, sera loin, mais qu'il faudra l'attende en y croyant.
      Je t’embrasse d'amitié.
      Roger

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  7. Nous aurons progressé dans notre humanité, si elle en a le temps, quand nous auront trouvé comme "punition" une alternative à l'enfermement.

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  8. un serpent vert...vers l'évasion, l'intrusion de la nature et de la communication dans la vie obscure, un appel à la méditation...contre l'avis des "braves gens".
    On peut choisir ses frères.

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Landartiste, photographe, auteur de livres pour enfants, Roger Dautais est aussi un artiste atypique, sensible et attachant.Il a sû, dans la diversité de ses expressions, trouver une harmonie par la pratique quotidienne de cet art éphémère : le Land Art. Il dit "y puiser forces et ressources qui lui permettent, également, depuis de nombreuses années, d'intervenir auprès de personnes en grande difficulté ( Centre de détention pour longues peines et personnes âgées atteintes de la maladie d'Alzheimer) pour les aider par la médiation de l'art.