" Le voyage de la sphère " Pour Michèle Schang |
.../Le voyage que l'on va entreprendre est en soi déjà une grande aventure, mais pas de celles dont on aurait envie de parler abondamment... Le reste est silence !"
C.G.Jung.
*
*
*
*À mon père.
*
*
Un aller simple.
Je suis au fond, un homme usé. Un homme fatigué. Un écrivain qui
n’écrit plus, un consommateur qui n’achète plus. Un patriote qui ne
défile ni ne célèbre plus. Rien ne m’est rendu possible lorsque le
chagrin inonde la morgue et la salle d’attente. Je rêve de noyade dans
me propres larmes.
J’ai perdu mon père. Je suis assis, près de lui. Je lui parle.
Surtout, si vous avez envie de me consoler, ne vous occupez pas de moi.Seules les pierres m’importent un peu. Années après années, je l’ai vu sombrer. Couches après couches le chagrin s’est déposé dans mon cœur, comme une rouille en strates. Le courant ne passait plus entre nous. Le cœur à cœur, même , mis à mort.
Il avait fini par se refroidir, se raidir., emportant ses secrets.
L’effet de manque me déposait comme un voyageur sans bagages, sur le quai d’une gare désaffectée.
L’insuline réglerait ça, d’un coup, à l’ombre de notre moulin.
Entre deux affects, l’art d’aimer, vécu comme un relais inutile., comme un pont dont les piles ne pouvaient que s’écrouler, un jour prochain.
Ne plus rien faire, ne plus rien vivre, ne plus répondre aux injonctions politiques. Relire les souvenirs de l’enfance , comme des tatouages indélébiles au cœur et qui se transformaient en poison, dès l’enterrement, opéré par deux hommes trapus, pèle en main. Le bruit de la terre sur le cercueil. Mat.
Mes larmes ne sont pas la pluie. Elles adoptent le rythme de ma peine.
Suis-je devenu étranger à ce monde distancié qui recommence à à consommer, sans compter ?
Et la décroissance, devenue comme une maladie à fuir ? Je ne crois pas.
Mais, cette image en boucle.
Un souvenir du néant ? Debout, devant la tombe vide, avant d’y descendre le cercueil et de l’eau, au fond.
Cette année, je n’aurai pas vu d’hirondelles, le cœur broyé par le chagrin qui m’aura brouillé la vue.
Je pleure souvent, sans avoir la force de m’avouer qu’il y a bel et bien une raison.
Notre dernière sortie avec lui. Il voulait revoir le Vieux Pont. Il voulait boire une bière. Ces yeux étaient vides. Il nous reconnaissait peine. Il n’avait bu qu’une gorgée de bière et avait demandé à rentrer.
Au fond de mon cœur, un bruit mat, un souffle, un glissement, du liquide carmin, une valve, une chambre, mais aussi ce sentiment qui collait au sang et naviguait dans mes veines.
Rien noté d’autre, aujourd’hui que son absence.
C’est bien là, une preuve vie d’écorché vif.
On ne devrait pas s’attacher à ce qui nous quitte, à ce qui meurt.
Roger DautaisRoute 78
Photo : création land art de Roger Dautais
" Le voyage de la sphère " Pour Michèle Schang
Normandie
*
Désolé de ne pas vous répondre comme je le voudrais. Durant ces dernières semaines, mon état de santé s'est aggravé. Il semblerait que cette alerte soit en train de passer. Merci à vous tous pour ces preuves d'amitié qui arrivent malgré tout, sur ce blog.
Je vous embrasse.
J’ai perdu mon père. Je suis assis, près de lui. Je lui parle.
Surtout, si vous avez envie de me consoler, ne vous occupez pas de moi.Seules les pierres m’importent un peu. Années après années, je l’ai vu sombrer. Couches après couches le chagrin s’est déposé dans mon cœur, comme une rouille en strates. Le courant ne passait plus entre nous. Le cœur à cœur, même , mis à mort.
Il avait fini par se refroidir, se raidir., emportant ses secrets.
L’effet de manque me déposait comme un voyageur sans bagages, sur le quai d’une gare désaffectée.
L’insuline réglerait ça, d’un coup, à l’ombre de notre moulin.
Entre deux affects, l’art d’aimer, vécu comme un relais inutile., comme un pont dont les piles ne pouvaient que s’écrouler, un jour prochain.
Ne plus rien faire, ne plus rien vivre, ne plus répondre aux injonctions politiques. Relire les souvenirs de l’enfance , comme des tatouages indélébiles au cœur et qui se transformaient en poison, dès l’enterrement, opéré par deux hommes trapus, pèle en main. Le bruit de la terre sur le cercueil. Mat.
Mes larmes ne sont pas la pluie. Elles adoptent le rythme de ma peine.
Suis-je devenu étranger à ce monde distancié qui recommence à à consommer, sans compter ?
Et la décroissance, devenue comme une maladie à fuir ? Je ne crois pas.
Mais, cette image en boucle.
Un souvenir du néant ? Debout, devant la tombe vide, avant d’y descendre le cercueil et de l’eau, au fond.
Cette année, je n’aurai pas vu d’hirondelles, le cœur broyé par le chagrin qui m’aura brouillé la vue.
Je pleure souvent, sans avoir la force de m’avouer qu’il y a bel et bien une raison.
Notre dernière sortie avec lui. Il voulait revoir le Vieux Pont. Il voulait boire une bière. Ces yeux étaient vides. Il nous reconnaissait peine. Il n’avait bu qu’une gorgée de bière et avait demandé à rentrer.
Au fond de mon cœur, un bruit mat, un souffle, un glissement, du liquide carmin, une valve, une chambre, mais aussi ce sentiment qui collait au sang et naviguait dans mes veines.
Rien noté d’autre, aujourd’hui que son absence.
C’est bien là, une preuve vie d’écorché vif.
On ne devrait pas s’attacher à ce qui nous quitte, à ce qui meurt.
Roger DautaisRoute 78
Photo : création land art de Roger Dautais
" Le voyage de la sphère " Pour Michèle Schang
Normandie
*
Désolé de ne pas vous répondre comme je le voudrais. Durant ces dernières semaines, mon état de santé s'est aggravé. Il semblerait que cette alerte soit en train de passer. Merci à vous tous pour ces preuves d'amitié qui arrivent malgré tout, sur ce blog.
Je vous embrasse.
Désolée d'apprendre que tu as traversé un mauvais moment. Et heureuse de te revoir. Elle est belle ta sphère, avec ces trois coquelicots déposés à son pied. Belle malgré la tristesse et la peine qu'elle représente.
RépondreSupprimerComme tu dis bien la perte du père...
RépondreSupprimerJe veux voir dans la sphère, la vie sans fin d'une nature printanière.
Courage.
Amitiés.
Même lorsque l'on croit qu'il n'y a plus, il y a encore. Faut chercher. La vie est dans la vie, et même dans les larmes. Nous avons tous une histoire faite de pluie, de cendre, mais derrière elle en grattant un peu il y a toujours au moins une bonne raison d'exister.
RépondreSupprimerBon courage Roger avec toute mon amitié et ma force que je te transmets.Tu es une belle personne si petite crois-tu, tu as ta place, si importante dans la sphère des Grands Jardins !
Le rouge des coquelicots, toujours me prend comme un baiser.
RépondreSupprimerVers toi Roger une tranche d'amitié. Bises.
Amitié
RépondreSupprimerC'est tellement difficile de voir disparaître l'un des siens, tellement... Je regarde ces coquelicots, je me dis que je dois sourire, que l'on doit continuer...
RépondreSupprimerCoquelicot tremble au vent
J’écoute Ella Fitzgerald qui chante
Bewitched, bothered and bewildered
La pluie va s'inviter
Tout est suspendu
Tout frissonne
Un nuage passe sans me regarder
Le coquelicot me sourit
Sans le savoir
Mais je sais, moi
Que la vie est là toute
En cet instant...
Ella chante
Le temps s’arrête
Le coquelicot se balance
marine D
Avec toi Roger