La vie, comme elle va

"S'il suffisait de lire comme dans une bulle de cristal, alors, ce serait, facile.Mais il faut vite déchanter, prendre la route, sac au dos et marcher, toujours marcher pour oublier ce que l'on a déjà fait, ce que l'on va faire. Il faut attendre que la nature nous prenne et nous ouvre sa voie. C'est une progression incessante, pour de si petites choses".
Roger Dautais . Septembre 2009

Un voyage étonnant au cœur du land Art

dimanche 1 mars 2020

pour Farzanel Salam Arel.
et pour les victimes civiles des guerres du Moyen-Orient.






À Marie-Claude.
*
*
Square d’Ornano.
Le gardien du square d’Ornano, Jean Ozanet, que je connaissais depuis au moins dix ans, m’avait confie une très émouvante histoire, un samedi matin, à la terrasse du bar Le Grillon. Il s’agissait de celle d’une femme, aujourd’hui disparue, portant le nom de Farzanel Salam Arel. Elle venait, m’avait-t-il dit, plusieurs fois par semaines, depuis deux ans, seule et quelque soit le temps, pour chanter au pied d’un arbre.
La dernière tempête du vingtième siècle, en mille neuf cent quatre vingt dix neuf, avait abattu la plupart des platanes géants du square d’Ornano, dont beaucoup avaient plus de deux cent ans. Les derniers en place, témoignaient de leur esprit de résistance et de leur pouvoir..
J’avais voulu en savoir plus sur cette histoire. Jean connaissait ma curiosité.
Il me raconta la suite.
Cette femme, Farzanel Salam Arel, âgée d’une cinquantaine d’années, habitait la ville depuis 4 ans, dans un hôtel du quartier de la gare, accueillant des réfugiées, souvent sans papiers. Elle parlait un peu le français. Suffisamment pour expliquer à Jean, son histoire.
Pendant la seconde guerre du golfe, plus de 500000 Irakiens, avaient perdu la vie. On y dénombrait beaucoup de civiles , dont la famille de Farzanel. Elle était la seule rescapée du bombardement, dans son village. Après avoir erré quelques mois, des amis l’avaient mis en contact avec un réseau de passeurs. Elle ne savait trop expliquer plus en détail, commente elle était arrivée en France, craignant sans doute pour sa sécurité.
Jean Ozanet l’avait mis en relation avec une association d’aide aux sans papiers ( dont je fis partie, quelques années plus tard). Elle lui faisait confiance à cause de son aide, mais craignait à peu près tout le monde.
Farzanel était une femme triste et solitaire. Elle venait dans le parc d’Ornano, toujours seule. Installée face au platane géant, elle posait son front sur le tronc et enserrait l’arbre géant de ces deux bras, mains à plat sur l’écorce. Puis elle chantait. Elle chantait une sorte de mélopée que Jean avait appelé, la prière des morts. Jean l’avait entendue plusieurs fois.
. Farzanel lui avait confirmé qu’elle entrait ainsi en communication avec ses morts, avant de repartir, une fois terminé, comme elle était venue, seule.
Je savais les arbres capables d’une telle médiation, entre l’esprit et la matière vivante.
Quinze ans plus tard, cette histoire me revenait, alors que la grêle tombait dehors, me rappelant l’hiver bien présent. Par la force de l’esprit, j’étais revenu dans ma ville, en plein été. J’entendais le chant de Farzanel, , pénétrer dans le platane, traverser la canopée et s’élever jusqu’au ciel, auquel je ne croyais pas.
Cela valait bien cette couronne de land art, ce bijou de verdure, pour honorer Farzanel, aujourd’hui partie rejoindre les siens.
Roger Dautais
Route 78 Notes de land art.
Photo : création land art de Roger Dautais
« Mélopée Irakienne « pour Farzanel Salam Arel.
et pour les victimes civiles des guerres du Moyen-Orient.

3 commentaires:

  1. Je comprends Farzanel les arbres sont les passeurs de la terre au ciel.

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  2. Belle couronne du souvenir. Merci pour le partage.

    L'esprit calme des dieux habite dans les plantes.
    Heureux est le grand arbre aux feuillages épais ;
    Dans son corps large et sain la sève coule en paix,
    Mais le sang se consume en nos veines brûlantes.


    À un grand arbre. Victor de Laprade (1812-1883)

    La suite de ce poème est à lire ici.

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  3. Elle méritait bien cet hommage, et de rester dans ta mémoire, tout comme celle de tant d'autres assurément, tous ceux qu'elle a aidés.

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Landartiste, photographe, auteur de livres pour enfants, Roger Dautais est aussi un artiste atypique, sensible et attachant.Il a sû, dans la diversité de ses expressions, trouver une harmonie par la pratique quotidienne de cet art éphémère : le Land Art. Il dit "y puiser forces et ressources qui lui permettent, également, depuis de nombreuses années, d'intervenir auprès de personnes en grande difficulté ( Centre de détention pour longues peines et personnes âgées atteintes de la maladie d'Alzheimer) pour les aider par la médiation de l'art.