« Elévation » à la mémoire de Graeme Allwright. |
A Marie-Claude
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ces « dits de vie ».
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C’est sur une plage de la Manche où j’avais vécu mon premier abandon, vécu comme tel. J’avais 5 ans. Après avoir joué sur le sable, avec mon, pendant quelques instants, mon père était parti, sans me dire où, ni pour combien de temps. J’étais paniqué.Il m’avait confié à la garde d’une tante, venue me récupérer plus tard. Trop sévère pour être aimée, entraînée par l’ambiance familiale, elle punissait et frappait aussi.
Cet arrachement authentique, était lié pour toujours, à l’image d’une plage déserte, au bord de la mer. La conscience tragique de cette inanité, s’était vitrifiés e dans mon cœur. Dans les années qui suivirent, je n’avais jamais accepté aucune raison qui puisse justifier la maltraitance d’un jeune enfant. Même si j’avais pardonné très tard dans ma vie d’homme, je n’avais jamais oublié.
Enfant blessé, je devenais imprévisible et mon côté sauvage se développait, qui habitait encore mon esprit de vieillard.
J’étais un fugitif, orphelin avant l’heure, mendiant de l’amour.J’avais déjà une âme enfeu, le suicide toujours à portée, pour échapper aux violences.
Tant d’accroc sur ma peau, préparaient de longues errances mélancoliques où rien ne paraissait être viable. Mon sang noir parlait sans cesse. La mélopée circassienne se faisait, enjôleuse. Dans la rue des amours enfantines, quelques moments de tendresses complices, dans le ruisseau, entre les averses de coups sur mon corps d’enfant, m’avaient fait croire qu’un jour, cela cesserait.
Chiens perdus sans colliers, graine de rue en galoches à semelles de bois, nous inventions une loi de meute dans les gravats des destructions de guerre. On y jouait encore, aux soldats à fusils de bois, lorsque, revenant des camps, rescapés, les nôtres, plus zombies que rebelles.
La belle société des vainqueurs, tous héros, se gavait, s’enrichissait, profitant de tout.
Affamés, , nous étions de la graine de voleurs, pour manger. Jours funestes de ma jeunesse qui plombaient encore l’ombre de mémoire.Tant de cadavres entassés, tant de disparus sans raison que j’allais bientôt rejoindre, suivant la loi de l’entropie.
Vers 1995, je rompais les amarres d’une vie de douleurs, prête à me laminer. Je commençais à parler de tout cela, non par écrit, mais dans le silence du land art. Tout pouvait être abordé par thèmes qui s’empilaient en strates de l’inconscient.Le mugissement permettait des affleurements de l’âme. J’osais, aller plus loin de ce qui m’avait été interdit. L’association libre de mes idées, ouvrait des portes à l’infini. Rien ne m’avait quitté de cette peine profonde que certains relevaient en me lisant. Et l’image d’un monde indifférent à la pauvreté, à la misère, au profit des dominants, m’inquiétait toujours autant.
Aujourd’hui, en Grèce, existait, organisé par la communauté européenne, le plus grand
camp concentrationnaire, d’Europe, où des migrants, mouraient, dans des conditions insoutenables, sans beaucoup de considération humaine
Autre abandon humain, à grande échelle, d’un peuple au détriment d’un autre peuple
Quitterais-je cette terre sans avoir changé grand-chose à ce chaos qui me blesse ? Au moins, aurais-je essayé d’adoucir ce monde, à mon niveau, développant un don offert, par la pratique et le partage du land art. Ma façon personnelle de remercier aussi , la nature.
Le 16 février 2020, j’étais vraiment triste, lorsque dans la soirée, mon fils m’apprit la mort de Graeme Alwright.
Roger Dautais.
Photo : création land art de Roger Dautais
« Elévation » à la mémoire de Graeme Allwright.
Côte de Nacre - Normandie
Ah cette douceur que tu sais si bien étendre ici et partager à travers tes multiples billets...
RépondreSupprimerR.I.P. Graeme Allwright.
Les lourdes blessures de l'enfance s'accumulent en un cri vers le ciel.
RépondreSupprimerJe t'embrasse.
Quel beau texte...
RépondreSupprimerGraeme Allwright, à la voix si doux, un humaniste, un bel artiste si vrai
RépondreSupprimertrois mots me viennent : fraternité, non-violence, amitié
c'est pour tout cela qu'on l'aimait n'est-ce pas ?
Bel hommage
Un salut fraternel cher Roger
Un beau texte, que l'on accueille et reçoit en silence, avec ce geste des mains l'une dans l'autre posées sur la poitrine, là si près du coeur.
RépondreSupprimerje suis émue, tout cela me touche tant et oh ! comme j'entends cette tristesse... oui.
Un fuerte abrazo mi querido amigo Roger. He leído tu prosa y me he impregnado del sufrimiento que llevabas en tu corazón.
RépondreSupprimerGracias a Land Art, has abierto tus alas a la vida que perdona pero... no olvida.
Mi admiración y cariño de siempre.
Mais oui ça nous fait du bien de te lire, d'admirer, de contempler tes créations. Oui, elles changent le monde pour le rendre plus beau.
RépondreSupprimerUn texte douloureux et un très bel hommage.
"J'étais de pierre
RépondreSupprimerRivé à la terre
Epuisé
De vide et de lumière
Je me suis élevé
Tenant dans la main
Le rêve de l'artiste."
(Prologue)
ICI
merci ami, je t'embrasse
Graeme Allwright,quel souvenir d'une soirée où je l'ai vu en concert dans une petite salle ici: je n'aurais raté cela pour rien au monde!
RépondreSupprimerQuel texte émouvant, Roger que ce fil déroulé de ta vie.
Je t'embrasse.