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| L'embarquement pour les dormantes : à Anne-MarieBodard | 
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| Gouez : pour Jesus Alvarez | 
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| Boîte à mémoires : pour Ariel | 
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| Les demoiselles de Locmariaquer : pour Liplatus | 
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| Solitaire en Mor Braz : pour Océanique | 
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| Légende serpentine :  pour Manouche To the sea and To Christina Deboni | 
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| La porte des dormantes : pour Eileenimd | 
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| Les voisins de Saint Colomban : pour Jade Vuaillat-Laurent | 
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| Présence : pour mémoire du silence | 
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| Cairn à la barque rouge : pour Arlettart | 
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| La leçon de Carnac : pour Serge Thébault | 
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| Le reste du monde* : pour Orvokki | 
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| La pierre et le bois flotté : pour Pour Jean-Pierre Audren | 
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| L'écho Klezmer : pour Marty | 
Mais  pourquoi veulent-ils effacer ce  que  l'on ne voit jamais ?
Le soleil vient de se lever,  lorsque je  prends la route de Locmariaquer. Des lambeaux de nuit s’accrochent aux  menhirs de la lande. Les premiers marcheurs ne sont pas encore  en route sur la côte  et les sables de la plage seront vierges de pas, quand je les foulerai au soleil levant. Après  une marche d'approche qui me fait traverser  un marais asséché par le manque d'eau, je franchis  un dernier talus et atterris sur une immense plage déserte. Devant  moi, l'étendue calme de la mer. Ici,  on appelle cette passe d'océan, la Mor Braz. Ne pas se tromper, pendant les tempêtes d'automne et d'hiver, aucune bateau ne doit s'y risquer sous  peine de fortune de  mer.
A  l'horizon,  l'île de Méaban dont la silhouette me fait  à chaque fois  penser  à l'île de Cézembre, en face de Saint-Malo.
L'air est vif, presque frais. J'ai apporté avec  moi, une brassée de gros bambous que mon  fils  m'a offert pour le land art.Je  m'en sers de base pour y  bâtir de  petits cairns  perchés qui  ont fière allure. Je les appelle les demoiselles. Chaque bambou est ensablé sur une profondeur de 10cms dans le sable, car le sous-sol est pavé de gros galets. Je les cale ensuite,  un par  un. Je ramasse de quoi  monter le premier cairn, et ainsi de suite,  jusqu'à la fin.
Aujourd’hui, le vent est joueur. Il bascule mes cairns, un à un. Ce que  j'imaginais réaliser en 30 minutes  va  me prendre  une heure trente. Un véritable exercice de patience
Le premier randonneur arrive sur la plage et s'approche de  moi. 
-Je vous  observe depuis  un  moment. Pourquoi vous en faites tant ? C'est lourd, probablement très fatiguant.
C'est vrai, je pourrais arrêter le land art, mais c'est ma façon de vivre. Après tout, j'ai le droit de voir le  monde avec un regard différent du sien, de ne pas céder  à chaque  injonction de ce genre.Beaucoup de gens ne comprennent  pas  mon choix de vie. Me parlent-ils de leur propre choix. Me demandent-ils de ce que je 'en pense ? Non. Sommes nous faits sur terre  pour nous neutraliser mutuellement et faire  le  jeu de ceux qui n'espèrent diriger que des  moutons,
En élevant ces multiples cairns j'ai  moins  impression de perdre mon temps que dans  un embouteillage urbain  ou sur  une quatre voies saturée de voitures.
Mais, toutes ces rencontres autour du land art ne sont pas négatives Je pense à ce marin  à la retraite rencontré en ria d'Auray, la semaine dernière. Le trouvant en  arrêt devant mes  cairns qu'il admire- je n'en demande pas autant- je lui demande  pourquoi .
- Lorsque nous naviguions aux Kerguelen avec le commandant T. celui-ci nous débarquait dans  un endroit couvert de cairns. Il nous demandait d'élever  un cairn,  pour d'écrire nos noms sur  une planche de bois  flotté et de la déposer sous  une pierre de ce cairn.
Voilà, je savais tout, ce cairn entre mes mains  lui rappelait ses voyages aux Kerguelen et je trouvais cela fabuleux. La magie des  pierres.
Comment expliquer  à tous ceux qui me demandent d'en faire  moins, de stopper parfois, que je ne  peux pas  vivre autrement  pour le moment. Il faut que je fabrique quelque chose de  personnel. Quelque chose qui  me serve de  médiation entre mes pensées de créateur et ce  monde qui n'attend rien de  moi. Un  monde où  je m'attarde et que je finis par aimer  pour ce qu'il est.
J'ai besoin d'être concerné par le paysage, comme  aujourd’hui  devant l'Atlantique, celui de ma petite enfance, enfin retrouvé. C'est de  l'ordre de  l'affectif . Il faut que  ça me touche.
Ce cairn, le  pied dans  l'eau, face  à cette  île de Méaban, réunissait toutes ces conditions pour être élevé,ici. Vivre sa courte vie, face au large, en  l'honneur des  lieux.
Roger Dautais
* Je continue mon travail sur le thème de l'exil, commencé en 2004 et cette installation portant le titre
" Le reste du monde" , en fait partie.
Cet exil
Heureux 
De cet exil.
Dans les rues obscures
Des canaris chantent
Et dans l’embrasure de leur porte
Des femmes sourient à cet étranger
Qui transporte son cœur
Dans ses mains.
Il tourne autour de la place du marché
Comme un ancêtre
Revenu d’entre les morts
Pour voir son peuple
Et négocier de vieilles pièces de monnaie
Frappées à son image.Sinclair Beiles
Voir le blog de Bruno Sourdin : http://brunosourdin.blogspot.com

 
 














