à Hala Moubarak*,
pour son courage et pour sa parole libre
En exil, ici ou ailleurs,
parviendras-tu
à découvrir
ce lieu qui n’est ni le fleuve
ni la source ni l’embouchure,
pas davantage le sommet ou la vallée ?
Ce lieu, tu le situes
à l’écart de la vie et de la mort,
pareil à un visage attendu
dont le nom ne t’a pas été révélé.
Max Alhau
Extrait de l'Anthologie subjective de la poésie réalisée Guy Allix
A Guy Allix
Mémoire enfouie et train de nuit
J’ai pris le train de nuit. Je roule vers Narbonne. Il est minuit et demi. Des bribes de conversation tenues avec Patrick, Au Grillon, me reviennent en boucle. Je crève de faim. Il fait trop chaud pour dormir. J’ouvre le dernier livre acheté cet après midi : Deux marchés, de nouveau. Je ne connais pas cet auteur, Ryoko Sekiguchi. Il ne faudrait pas écrire comme ça : des mots et puis un vrai talent qui bouleverse mon voyage. Le paysage défile dehors, invisible. Ma vie aussi.
Je pose le livre et prends mon appareil photo. L’envie de revoir les photos prises la veille dans trois cimetières d’une grande ville. Je frissonne. Je voudrais les marier aux images de Ryoko. Je passe de la mémoire enfouie dans ces tombes abandonnées, couvertes de mousse et de feuilles en décomposition aux phrases du livre. Je dérive d’amnésie en amnésie.
Nous voici à l’orée de l’Orient, chevauchant des soleils aux longs cheveux noirs.
Qui parle du vent dans les feuilles de bouleau si ce n’est le jardinier, comme une tâche d’automne à laquelle il n’échappera pas ?
J’aime à penser que ces imposants cumulonimbus traverseront les frontières du monde, sans autorisation, comme le font les oiseaux.
Il faudra des jours et des jours de pluie pour laver ces peaux diaphanes et ramener un sourire sur les lèvres des jeunes filles de Fukushima.
Nous lèverons le campement, en fin de nuit et laisserons les os de poulet pour les chiens sauvages. Nous abandonnerons les terrains, laissés inoccupés, aux âmes en errance.
Je quitte la tribu.
Me voici parti, une fois de plus, aux frontières de l’enfance brisée. Comment réaliser encore une fois, quelque chose de vivant, dans ce bordel organisé…
Je devrais, sans doute, dilapider ma parole errante, comme un moissonneur aveugle, perdu par le cri des corbeaux…
Je préfère écrire un traité sur l’art de la fugue et ensuite, celui sur l’art d’être mort. Côtoyer les tombes est une liturgie à double sens, vous le savez bien. Nos jeux de mots d’intérieur entre les pages, le sont aussi pour les aiglons tombés du nid.
Il serait bon, afin de n’oublier personne, d’écrire une lettre rouge aux herbes folles de la pampa.
Après, seulement, il faudrait relire, et revendre les Hauts du Hurle Vent, tandis que la mode s’évertuerait à crever les minets, un par un.
Et puis, après, il faudrait aussi, ouvrir une autre page blanche, rien que pour écrire la saga des danseurs de tango gominés, glissant leurs pas savants, dans les bras de jolies femmes, sur les trottoirs de Buenos Aires.
Il faudrait entendre ce cri de : " Fuck Spinoza ! "
sortant de la bouche d’un blond inverti, poings tendus vers les ciel, la bave aux lèvres, cracké à mort, rue saint André des Arts.
Mais, à peine le voyage commencé, je n’entendrai plus que les sabots d’un cheval, lancé à triple galop, tatouant les sables mouillés de la plage, et monté par un mirage.
A quoi bon lutter, à quoi bon essayer d’attraper une cavale. Les rêves ne sont que liberté, comme les mots de Ryoko, pour un jeu, pour un jour, pour la vie qui passe.
J’ai terminé la lecture de ce roman puis je l’ai laissé dans le train, libre d’emmener avec lui un autre passager vers son propre destin, en bonne compagnie.
Roger Dautais
Quelques titres de romans Ryoko Sekiguchi édités chez P.O.L.
Héliotropes
Deux marchés, de nouveau
Calque
*Hala Moubarak est une jeune femme Libanaise, architecte de son état, qui défend ses idées avec beaucoup de courage dans un pays qui cherche toujours sa stabilité.
Son blog porte un nom très symbolique : Je suis un cri . Je vous le conseille.
Roger Dautais
Ces grosses boules blanches donnent à tes compositions une pointe de surréalisme que j'aime beaucoup.
RépondreSupprimerBises d'Ep'
J'aime beaucoup la 3ème "installation", ces boules blanches entre route et champ. Superbe
RépondreSupprimerj'aurais aimé faire le voyage avec toi et tu m'aurais refilé le bouquin ! j'aurais aimé aussi
RépondreSupprimert'entendre "dilapider" ta parole ! tes mots
m'enchantent et me percutent !
j'aurais aimé être mouche indiscrète pour vous
entendre, toi et Patrick, vous qui avez tous les
mots pour dire ...
Merci Roger d'avoir repéré mes peintures !
je t'embrasse
je n'ai pas oublié de me promener dans ton
jardin magique, d'y cueillir les rondeurs, les
couleurs et les vagues ...
Tes sentinelles immobiles au bords des eaux, et ces mots, derrière....tu m'as fait faire un beau voyage, merci !
RépondreSupprimerQue d'équilibre dans tes compositions !
RépondreSupprimerUn sérieux faible pour les cairns.
RépondreSupprimerMaravillas todas tus composiciones pero me tienen robado el corazón tus personajes de piedra,tus pilares...
RépondreSupprimerUn fuerte abrazo
How your pictures are so beautiful..How I long to read the words but only speak English. How I would humble to ask to please put a translator on your blog so I could read the words.
RépondreSupprimerYour friend.
Katelen
Tes messages sont trop riches et me laissent étourdie de plaisir d'images et de mots comme après un tango sur le Caminito... maintenant que je t'ai rencontré je vais prendre mon temps et te déguster.
RépondreSupprimerEPAMIN,
RépondreSupprimerUne période de ma vie où j'ai utilisé beaucoup de sphères. Cela a un peu disparu dans ma pratique comme beaucoup de choses!
Je t'embrasse
Roger
Chrys,
RépondreSupprimerJe me souviens, sur une toute petite route de campagne,ce champ de blé vert. J'avais disposé très rapidement ces sphères dont la blancheur ressortait admirablement sur ce fond. J'ai pris quelques photos et je suis reparti très vite car l'endroit était dangereux.
Amicalement,
Roger
Marty, Présence si humaine, si précieuse.
RépondreSupprimerJe t'embrasse
Roger
Anne des ocreries,
RépondreSupprimerDisons que nous faisons souvent le même type de voyage...
Je t'embrasse
Roger
Rejane,
RépondreSupprimerCertains, plus nombreux que l'on ne le pense, me demandent souvent à quoi ça sert d'empiler des cailloux. Si je leur disais que c'est une recherche d'équilibre, ils seraient déçus. Je réponds: ça sert à rien, ou bien ds fois, je ne leur dit rien et je me concentre dans mon travail.
Amicalement,
Roger
Fabien,
RépondreSupprimerle plus fabuleux de mes cairns? Celui élevé au pied de la pyramide de Khéops , au Caire, il y a deux ans.
Merci de ta visite
Roger
Esmeralda,
RépondreSupprimerGrand bien vous fasse.
Amitié,
Roger
Katelen,
RépondreSupprimerMerci pour tes mots d'encouragement. Pour répondre à ta question, comme tu utilises Google, sur ce moteur de recherche, il y a une fonction " outils linguistiques". Tu pourrais essayer.
Belle journée à toi,
Roger
Tu est en feu Roger !? tant de création...
RépondreSupprimerbravo !
C'est drôle a chaque fois que je vois des photos avec les sphères blanches, cela me fait pensé a la série "Le prisonnier"
RépondreSupprimerhttp://fr.wikipedia.org/wiki/Le_prisonnier