La vie, comme elle va

"S'il suffisait de lire comme dans une bulle de cristal, alors, ce serait, facile.Mais il faut vite déchanter, prendre la route, sac au dos et marcher, toujours marcher pour oublier ce que l'on a déjà fait, ce que l'on va faire. Il faut attendre que la nature nous prenne et nous ouvre sa voie. C'est une progression incessante, pour de si petites choses".
Roger Dautais . Septembre 2009

Un voyage étonnant au cœur du land Art

jeudi 7 janvier 2010





à Léa, Janine, Henri


Demain, c'est promis, je continue
...





Je me souviens d'un temps où je ne pouvais plus rien faire d'autre que de très petites installations. Blessé, une fois de plus, je me traînais de rééducation en zones de friches industrielles, et de marais en plages vides, comme un animal fragile. Je ne savais plus comment dire la vie. Les soirs de brume, revenant de mes travaux de land art qui n'intéressaient personne, je me demandais si j'avais plus d'intérêt aux yeux des experts en art que le clochard à ceux des passants. Regardant sa sébile, je me disais alors : tu es encore moins.
En cela résidait probablement mon reste d'humanité :être poussière d'univers, en marche... vivant, créant mais pour combien d'années.
Il m'a fallu aussi oublier d'attendre quelque chose, oublier qu'il y a plusieurs mondes dans le monde de l'art, et me persuader que cette marche solitaire ponctuée d'installations multiples ne prenait sens que la par la durée de l'expérience: 12 années à ramasser des cailloux, bâtir des étoiles pour les accrocher aux branches, douze années à tracer des spirales, tresser du lierre, voir flotter dans l'eau du canal la chevelure d'une ampélopsis vichii, à jouer avec les nombres, la géométrie, l'ombre et la lumière, les saisons, le doute, la recherche de ma vérité dans un land art toujours à redéfinir. Bien sûr, ça fait beaucoup mais ça continue à ne rien représenter aux yeux experts de la chose artistique.
Je vais vous dire que dans une société où l'on meurt de froid, sous un pont ou sous une petite toile de tente aux portes de Paris, ce que je vis a bien peu d'intérêt. Pour le moment, j'aime l'idée d'aller dans ma vie, le plus loin possible pour savoir comment cela se passe quand on est réellement vieux.
Entre temps, j'organiserai encore des expo et signerai sans doute de beaux projets, mais ce ne sera jamais la véritable réponse à cette cécité officielle à laquelle je me suis habitué.
Demain, j'aimerai revoir Matmata, le sud Tunisien, refaire du Land art avec les bèrbes du sud marocain. Demain j'aimerai retourner à la Cabo san Vicente, et retrouver mes frères portugais, carriers, demain je voudrai retourner dans les pentes du Grand Saint Bernard, installer sur les ïle Borromées, en Italie retrouver le chemin du Matterhorn en Suisse. Demain j'aimerai découvrir la Corse, demain, je voudrai qu'il soit, voyage, jusqu'à la fin en compagnie de Marie-Claude et oublier tous ces gens qui m'oublient.


Roger DAUTAIS
LE CHEMIN DES GRANDS JARDINS

4 commentaires:

  1. La vie d'artiste et de sincérité à tout prix coûte cher au coeur. Elle est d'errance et souvent de peu de reconnaissance. Il n'y a que l'amour pour en caresser la peine. Nous vous lisons et moi j'aime savoir que vous éxistez et fassiez de nos brins de peu des cadeaux, des beaucoup, des encore, des offrandes à la nature, aux Dieux.

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  2. Ben, dis donc, c'est beau beau beau ce qu'elle dit là, la Lôlà!

    Et puis c'est beau beau beau aussi l'étoile dans le ciel, la belle dame enceinte et son compagnon, la volute flottante sur l'eau dormante...

    Et puis c'est beau beau beau aussi quand tu dis: "12 années à ramasser des cailloux, bâtir des étoiles pour les accrocher aux branches, douze années à tracer des spirales, tresser du lierre, voir flotter dans l'eau du canal la chevelure d'une ampélopsis vichii, à jouer avec les nombres, la géométrie, l'ombre et la lumière, les saisons, le doute, la recherche de ma vérité dans un land art toujours à redéfinir."
    Bon, ben tout est joli dans ce billet! J'ai bien fait de passer pour te faire un petit coucou...


    Merci tout plein pour tes mots dans mes esperluettes: du miel breton!

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  3. Léa , Janine et Henri sont quelques uns de mes patients accueillis depuis depuis longtemps dans mon atelier d'art thérapie. Ils sont tous très âgés et atteints par la maladie d'Alzheimer. Je trouve dans leurs déserts de paroles, leurs silences, leurs hésitations, parfois plus de sagette que dans un discours verbeux et télévisé. Ils sont mes étoiles tombées sur le Chemin des grands jardins, et moi, leur berger, le temps d'un compagnonnage dans leur vie bouleversée. Notre humanité se partage, se conjugue, dans les rires, les regards, la peinture, la vie commune. Ils m'aident à mieux aimer la vie.
    Merci à Lola et Epamin' pour leurs encouragements.
    Très amicalement
    Roger

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  4. Lôlà de la tortue légère10 janvier 2010 à 11:47

    Merci pour eux. Six années d'accompagnement auprès de ma mère, 3 structures et leur maltraitances et leurs défaillances et leurs tentatives aussi. Un billet là dessus, en octobre, sur "latortuelegere" avec une fée comme illustration. Où je peignais sur les vitres d'une chambre d'hopital...et où j'ai tant appris. Ma vie changée pour toujours, depuis.

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Landartiste, photographe, auteur de livres pour enfants, Roger Dautais est aussi un artiste atypique, sensible et attachant.Il a sû, dans la diversité de ses expressions, trouver une harmonie par la pratique quotidienne de cet art éphémère : le Land Art. Il dit "y puiser forces et ressources qui lui permettent, également, depuis de nombreuses années, d'intervenir auprès de personnes en grande difficulté ( Centre de détention pour longues peines et personnes âgées atteintes de la maladie d'Alzheimer) pour les aider par la médiation de l'art.