La vie, comme elle va
"S'il suffisait de lire comme dans une bulle de cristal, alors, ce serait, facile.Mais il faut vite déchanter, prendre la route, sac au dos et marcher, toujours marcher pour oublier ce que l'on a déjà fait, ce que l'on va faire. Il faut attendre que la nature nous prenne et nous ouvre sa voie. C'est une progression incessante, pour de si petites choses".
Roger Dautais . Septembre 2009
Roger Dautais . Septembre 2009
Un voyage étonnant au cœur du land Art
samedi 26 décembre 2009
AMNESIA
Land art in Normandy 2006
à Youenn Gwernig,
encore et toujours
à ses descendants, aux Bretons, aussi
Les petites pages, tu les écris entre deux gueules de bois, quand le soleil se fout bien de ta solitude et réchauffe les clodos de la gare.
Les petites pages, tu les noircis , seul, sur un coin de table d'un rade du quartier en attendant le dernier train qui ne tardera pas , maintenant à venir chercher le père pour son dernier voyage.
Il n'est pas plis Noël que de premier de l'an et les guirlandes ont l'allure de barbelés. La radio du bar dégueule des gospel mais c'est le froid de la porte qui me glace les pieds.
Deux Marocains trinquent à la bière. Ils ont la chance d'être deux pour partager leur solitude en ces jours de libations familiales.
"Tu te souviens, Papa, nous allions ensemble au ramassage des feuilles d'automne, chez Not'Maître comme tu appelais ce hobereau à lunettes, lettré comme toi, et qui te prêtait ses terres pour couper de la verdure toute l'année. Les feuilles, cette manne d'automne, nous l'emportions dans le jardin pour faire des couches chaudes sous nos châssis et cultiver nos plantes. Le travail était rude, on gagnait peu. J'aimais travailler en ta compagnie. Cela n'effaçait pas l'enfance douloureuse, mais je te découvrais sous un angle plus humain".
C'est Noël, celui des tables opulentes, des sapins décorés, des rires d'enfants, des regards émerveillés pour la plus chanceux.
C'est ici, des Noël de solitude et dehors, dans les rues, la ronde des zombies qui cherchent un sens à tout cela dans cette vile morte. Ala porte des boulangeries, on se dirait revenu en temps de guerrre, de restriction, des tickets de rationnement, avec des queues interminables de gens frigorifiés, devant les boulangeries. Pain quotidien pour les uns, bras chargés de boîtes de gateaux, b^ches, peitis fours et autres chocolats, pour les autres, de quoi, gâver, gâver et encore gâver.
J'écoute la chanson de Graeme Alwright qui sort de la radio du bar : Suzanne...Qui connaît encore ce grand voyageur. Sa voix douce et légèrement éraillée me renvoie quanrante annéees en arrière. Je n'ai pas changé, à peine. Toujours cette âme de" hobo" de mes vingt ans qui ne trouve la paix que dans la marche, le déplacement, le voyage.
Tiens, j'aurai aimé voir le grand Younn Gwernig pousser la porte de ce rade, maintenant, me dire "Salut" et s'asseoir à ma table. On aurait partagé un casse croûte dans ce café du départ, non loin de la gare. Il m'aurait dit ses vers de An Diri dir , parlé de New York, de Keroauc, aussi, et de sa mère, bien sûr, sans oublier le Huelgoat. Je lui aurait raconté ma peine de voir partir mon père. Mais il n'a pas pousé la porte. J'ai juste pensé à lui, maintenant qu'il a rejoint nos coeurs.. Je le sais marchant sur les pentes de Saint Michel de Braspart, du Méné Bré, haranguant les vents du Menez Hom, et chantant pour tous les anges voyageurs de la terre.
Alors, quand le sortirai d'ici, je retrouverai les rives du fleuve, j'irai dans le vent, j'écouterai sa chanson, j'oublierai ma peine et je retrouverai les voix de mes disparus. J'y retrouverai les couleurs des ajoncs de Pleudihen, des mûres de saint Solen, des mimosas de Lanvallay, des marronniers de la tour saint Catherine, des sables de Saint Malo, du gris bleuté de la Rance à la vieille rivière, des ruines du chateau de la Hunaudaie, des feux de la saint Jean, des sabbath du Mont d'Etemclin, des pavés du Jerzual, du moulin de mes amours, des hauts murs, de la tour de l'Horloge. J'entendrai la voix de mon père quand il me disait dans les bois:
"la remorque est pleine, nous avons bien gratté. Rentrons, mon fils, c'est bien comme ça pour aujourd'hui".
Tu vois, les petites pages, tu les écris lorsque ta peine de voir partir ton père, est trop forte, comme si l'écriture avait le pouvoir de faire quelque chose pour le retenir., comme si elle pouvait quelque chose contre la mort, comme si, ce n'était déjà pas un avant-goût, une fausse rébellion, simplement une répétition du grand départ.
Il serait plus simple de se noyer dans un repas pantagruélique et laisser ce fardeau dans son coin. Telle n'est pas ma destinée dans ce pays qui n'est pas le mien et ne le sera jamais.
Il est urgent de reprendre la route, celle qui mène au bout du chemin des grands jardins. Il n'est plus temps d'ergoter sur les étoiles, ou de présenter des comptes à l'université, il n'est plus temps d'entrere dans des circonvolutions , des ronds de jambe, des mondanités de salon pour savoir si la parole est acceptable, l'écriture autorisée, l'art...officiel.
N'attendre aucune permision et pratiquer...la vie. Avous la charge de dire, définir, jetre, honorer, permettre, interdire. Cela ne changera rien à mon âme en peine. Je pars en Bretagne rejoindre mon père que j'aime tant, maintenant.
à Guy Allix, mon frère...
Tu détournes
toujours
notre attention
vers des tonnes de livres
à lire....pour devenir...
alors que le vie passe
et trépasse
a chaque instant.
Il faudrait, simplement
respirer, regarder, aimer, sans ce fatras
mais voilà,
tu présentes des listes.
Je ne sais plus lire que dans le vent,
les vagues de l'océan,
la terre gelée,
la pluie ,
l'ombre des hauts murs,
Je suis devenu, errant des villes,
rat des champs,
je crains que l'avenir ne soit encore pire.
Il faut vivre,
nous n'avons pas le choix,
seul,
c'est notre aventure.
Demain, peut-être,
je serai capable de mieux dire,
mais aujourd'hui,
la solution
se trouve au dehors
Roger Dautais
LE CHEMIN DES GRANDS JARDINS
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Qui êtes-vous ?
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- Landartiste, photographe, auteur de livres pour enfants, Roger Dautais est aussi un artiste atypique, sensible et attachant.Il a sû, dans la diversité de ses expressions, trouver une harmonie par la pratique quotidienne de cet art éphémère : le Land Art. Il dit "y puiser forces et ressources qui lui permettent, également, depuis de nombreuses années, d'intervenir auprès de personnes en grande difficulté ( Centre de détention pour longues peines et personnes âgées atteintes de la maladie d'Alzheimer) pour les aider par la médiation de l'art.
un petit faible pour la volute de pierre qui se reflète dans les cailloux. J'aime beaucoup votre sensibilité
RépondreSupprimerJ'ai réalisé cette petite installation à l'abbaye d'Ardennes, siège national de IMEC, lieu de mémoire de la littérature contemporaine en France. Cette institution est située non loin du crématorium de Caen et je trouve ce rapprochement très intéressant : la mémoire et l'oubli. Lors d'une visite d'exposition,à l'abbaye d'Ardennes je me suis permis ce geste iconoclaste sous les yeux réprobateurs de quelques puristes visiteurs offusqués par une telle pratique.
RépondreSupprimerDifficile de pratiquer le land art sans échapper aux jugements de ses contemporains. Cela fait partie du jeu.
Merci pour vos encouragements.
Roger