La vie, comme elle va

"S'il suffisait de lire comme dans une bulle de cristal, alors, ce serait, facile.Mais il faut vite déchanter, prendre la route, sac au dos et marcher, toujours marcher pour oublier ce que l'on a déjà fait, ce que l'on va faire. Il faut attendre que la nature nous prenne et nous ouvre sa voie. C'est une progression incessante, pour de si petites choses".
Roger Dautais . Septembre 2009

Un voyage étonnant au cœur du land Art

mercredi 26 septembre 2012

Enlacement
Pierre d'achoppement
Grande spirale, port de Ouistreham (2005)
Enlacement
Sur la laisse de mer
Au  pied de la dune
La solitude du cairn

Rive droite
Le signe de T'Suki
Rassemblement

Guetteur de marée
Cairns sur la côte de Nacre
Cairn en baie Seine
La ligne rouge



 Demain, je reprendrai la route...

Entre les mémoires d'un souffle de vent, j'installe ma vie éphémère et trace ma route comme si elle ne devait jamais finir. Chaque  jour, je pars  à la rencontre d'autres sensations toujours liées au paysage, au temps qu'il fait.
C'est la grande marée. J'ai consulté mon annuaire, à  l'heure  où j'arriverai dans l'estuaire, la mer sera haute et commencera  à se  retirer. Il faudra faire attentions aux courants, dans certains passages, toujours puissants et pour qui ne connait pas bien  les lieux, dangereux. J'ai choisi de passer  au pied de la dune Nord-Est et de continuer jusqu'aux premiers oyats. Je pose  mon sac  à dos et décide de réaliser  une spirale avec ces graines rouges récoltées sur les églantiers de la région. Je n'ai encore vu  personne  au  moment  ou j'installe mes dernières graines sur le sable. Elles enlacent une herbe comme pour l'inviter au rêve éphémère.
Mais que devient une telle  installation sans le regard de  l'autre ? Le voici qui  passe, foulant le sable d'un  pas lourd. Il  me jette  un regard oblique, étonné,  puis tourne la tête dans le sens de la marche et s'éloigne.
Nous voilà séparés sans avoir échangé une seule parole, ne serait-ce que sur la grande marée.Cet inconnu  aura-t-il compris mon  intention? Je ne le saurai jamais. Le manque de curiosité nous fait passer  à côté de l'autre sans le rencontrer vraiment, sur une plage  ou dans une foule.
J'ai choisi de marquer l'endroit exact où s'est  posé  mon regard  par cette spirale, comme je le ferai  plus tard, avec un carré sur la laisse de mer qui resteront là, seule trace de mon  passage ici.
 Un autre jour, alors que les chasseurs tirent du gibier non  loin de moi, je me glisserai dans un chantier de concassage de pierres et ciment pour inventer d'autres formes telles que ce signe de T'Suki que je lui dédie  bien amicalement.
Les traces charbonneuses d'un feu de camp me serviront de fond  pour poser  un dernier carré sur la rive droite du fleuve.
Ma santé actuelle ne me permet toujours pas  de tracer ces grands spirales de sable, les plus emblématiques de  mon travail de land artiste, mais je ne désespère pas de les refaire un  jour. En attendant, je vous les présente régulièrement. Comment les oublier  après en avoir tracé plus de mille.

A l'heure  où je termine ce billet, 90146 personnes seront venues visiter LE CHEMIN DES GRANDS JARDINS et vous en faites partie, aujourd'hui. Je vous en remercie,car sans vous, sans vos commentaires chaleureux, sans vos encouragements, j'aurai probablement déjà fermé ce blog.Ce lien humain  m'aura aussi aidé  à  passer des moments plus que difficiles.
Continuons l'aventure, ensemble.
Merci aux poètes qui  par la qualité de leurs textes contribuent  à cette belle réussite.

Roger Dautais




Non même une pierre
ne vole pas
de retour dans la main
elle flotte et
les yeux s'immergent
dans l'eau
ils y trouvent  le souffle
mémoire de branchies
ainsi personne ne se noie
quand  le  poème finit
peut-être le lecteur commence-t-il
 à glaner mot pour mot
à chercher une force d'appui
par sa propre voix
au-delà du texte
au-delà du rivage

Eva Maria Berg
( Texte traduit par l'auteur et Max Alhau)



J'ai vu la lune en rêve

J'ai vu  la lune en rêve
Une lune décroissante.
Était-ce la mort, la folie ?
Je veux renaître
Des cendres
De la nuit.

A l'aurore
Le vent caresse
Le feu
Encore.
Je me redresse
Un peu.

Pascale Trück


mardi 18 septembre 2012

Aux quatre vents
Première approche
Cueillir, signer, partir
Cairn des quatre vents
Cardinaux rouges
Résumer  un été qui s'en va
Remember
Écrire dans le silence de la plaine
Territoire d'oubli
Rayonnement
Rappel
Bois flottés

Colère de métallos
Viver não é necessário; o que é necessário é criar."
 Fernando Pessoa


Demain sera un autre jour...


Marcher, cueillir, tracer, partir. Je vis dans ce rythme depuis trois jours dans cet été finissant. Peur de le perdre, angoisse de la prochaine saison...et si c'était le dernier. Cela me sert de moteur et j'avance. Je vais visiter trois sites : la grande friche industrielle de la SMN ( Société de Métallurgie Normande) qui domine la ville depuis son  plateau, la zone d’embarquement d sur l'Orne, de ce même site et l'ancien emplacement des silos à grain d'Hermanville et sa vue imprenable sur la mer. Par beau temps, je vois le Havre qui se trouve  à 60 km à vol d'oiseau. 
J'ai choisi ces lieux déserts parce qu'à première vue,  ils n'offrent pas de quoi travailler sur la couleur et que la matière est rare.Je vais donc, dans un rayon d'une dizaine de mètres, cueillir de quoi constituer  une petite installation qui rassemblera, baies, fruits, ou végétaux. Exercice long et difficile, mais intéressant.(Photo 6) d'autant plus que je le réalise  à quelques mètres de l'Orne où les foulques s'en donnent  à cœur joie et me tiennent compagnie.
Le deuxième jour, je monte sur le plateau puis après une marche de mise en route, je pose mon sac non  loin d'un étang où j'ai parfois travaillé.Ce plateau qui domine l'Orne accueille de nouvelles entreprises, ayant pris la place de l'ex-SMN, présente encore de très grands espaces déserts où le vent, quand il souffle ne fait pas de cadeaux. Aujourd'hui, tout est calme. Après la cueillette qui s'impose, je trace une sorte de roue  à laquelle je vais ajouter quatre pointes orientées, Nord, Sud, Est ,Ouest.Je ne suis pas très satisfait du résultat. Je me déplace  un  peu et trouve un os d'animal, avec lequel j'avais déjà composé, enfoui sous les herbes et  j'imagine  un  signe de protestation  contre la fermeture de ce site industriel.(Dernière  photo)
Le troisième jour, j'arrive sur un des points dominants au nord de la Plaine de Caen où s'élevaient des silos  à grain, servant aux paysans de la région, au moment des moissons. Il reste un tout petit bâtiment et les vestiges de la bascule  où les tracteurs tirants d'immenses remorques, venaient peser leurs chargements. Le vent est au Nord Ouest, un léger crachin, limite la vison sur le large et, aujourd'hui, je ne verrai  pas le Havre.
Ici, c'est encore  plus désert que sur les deux précédents sites et il faut avoir de l'imagination  pour trouver  une idée de départ. Un grand plateau de fer rouillé, dont la couleur et le graphisme sont intéressants  me servira de fond. Je trace  un premier signe ( photo 3) qui  me vient  à  l'idée, sorte d'offrande aux vents. Puis, je vais travailler sur  la forme d'un carré auquel je vais donner  un premier aspect,  puis un second, en composant avec ce que j'ai sous la main, c'est  à dire, peu.(Photos 1et 2)Un cairn terminera cette sortie, avec le sentiment que demain sera  un autre jour...


Roger Dautais




  Voici  le billet que j'ai reçu  un jour de Serge mathurin Thebault:
" Je baguenaude en ce moment dans l'oeuvre de Ferando Pessoa. Il m'en est venu un poème que je vous soumets en ce dimanche, et surtout une invitation si vous ne connaissez pas d'aller vous baigner dans les terres de cet alcoolique céleste, diamantaire des mots et des émotions. Moi, j'y trouve une joie intense dans son livre de l'intranquillité (éditions Bourgois)"
J'ai trouvé le texte si beau que je lui ai demandé  l'autorisation de le  publier, ici Autorisation aussitôt accordée.
Merci Serge





On ne râle pas avec ces mots

On fait avec c’est tout

Et si l’exercice est périlleux

On s’en sort bien malgré tout

D’évacuer avec une certaine élégance

Les remugles qui vous dévorent l’intérieur



Il y a un gouffre entre cette énergie

De création et le résultat qui en découle

On enragerait presque si par mégarde

On oubliait la place de l’homme en son individu

Dans le conglomérat de la matière :

Rien est bien le substantif qui convient



Pour encourager le galérien

- Ce moi en ses chaînes empêtré-

Je volète parmi les feuillets hypnotisant

De Fernando Pessoa

Dans le livre de son intranquilité



Je note cette phrase dans l’œuvre sœur

« Je gis la vie. Rien de moi n’interrompt

   absolument rien »



Mes doigts glissent  alors sur le clavier

Enthousiastes, portés

Par une  volonté d’exister

Au sein du nihilisme qui la crée.





Serge mathurin THEBAULT





mercredi 12 septembre 2012

à Jonathan, le goéland de la Côte de Nacre...

Les guetteurs
Fenêtre sur le Don
Gémellité de rivière
Et si c'était vrai...
Je vous écris cette lettre...
Trajectoires divergentes
L'heure du destin
Spirale positive
Hommage  pour un  petit fleuve côtier
 memorandum

L'envol
Éphémère dérision

Transfusion rouge
à Jonathan, le goéland  de la Côte de Nacre...


J'accède  à la plage par une courte marche qui me permet de découvrir  la mer. Elle est basse. Le soleil éclaire le sable et lorsque j'arrive au pied des falaise  où j'ai décidé de travailler, l'ombre portée est déjà de deux  mètres. A cette époque de l'année, le soleil descend  plus vite et quitte le haut de plage avant 17 heures. Marcher le long de ces falaises demande quelques précautions. Elles ont tué  un couple de scientifiques venus étudier les fossiles nombreux sur ce site. On a trouvé leurs corps ensevelis sous des tonnes de pierre provenant d'un très gros éboulement.
J'ai toujours une pensée  pour ces personnes lorsque je suis ici.
 J'ai  pris la direction  du nord Ouest, voulant gagner la zone des grottes et pourtant, je suis attiré par une très grosse pierre, qui sort du sol et  pourrait me servir de base à  une prochaine élévation. Je pose  mon sac, et me dis, qu'après tout, les grottes marines attendront.
Je m’apprête à choisir les pierres nécessaires au travail lorsque je tombe su un cadavre de goéland. Il est  posé   au pied de la falaise. Magnétique présence. Depuis ma plus tendre enfance, je crois avoir enterré tous les oiseaux morts qui se trouvaient sur mon chemin et appris ce geste  à mes frères,  puis  à mes enfants. Je ne sais pas s'ils continuent,  mais, personnellement, je le fais, dans la mesure du possible. Je vais donc  monter un cairn en sa mémoire,  puis je ferai  les gestes qu'il faut  pour lui. Une fois le cairn terminé, il  fait naître une belle ombre portée sur la plage. Elle désigne, une direction et  un endroit qui sera celui de la dernière demeure pour cet oiseau. Je creuse  un trou assez profond, pose le goéland, bec vers la mer, dans le trou, et je le recouvre de sable,  puis d'une épaisse couche de goémon séché, et d'une grosse pierre blanche.
J'aurai aimé savoir quel avait été son dernier regard avant de quitter le ciel et se retrouver là, comme un oiseau sans ailes. J'ai en tête, la chanson de Charlelie Couture pour l’accompagner au plus loin... Moment de tristesse.
 Je quitte le lieu et un peu plus loin, trace une petite spirale dans les sables,  avec une flèche qui  montre la mer. Elle symbolisera l'envol de Jonathan le Goéland de la Côte de Nacre, en quête d’absolu vers un autre monde, de l'ombre  à la lumière.
Le reste de la journée se passera en petits travaux et en marche inondée de souvenirs de toute sorte. Cette incroyable fuite du temps "Oh, temps, prends ton envol" me donne de beaux vertiges lorsque je lève les yeux vers ce ciel, désespérément vide.
Demain, je serai dans les marais, jouant avec la lumière qui circule entre les arbres, les passages "piégeux" de la rivière et mon réel  plaisir de retrouver de sensations que j'avais un  peu perdues, au cœur d'un nature,  presque sauvage, sans autre bruit que ceux qu'elle génère. Je ferai une halte lecture, au bord du Don qui coule encore tranquillement avant les pluies d'automne,  pour me plonger quelques instants dans un livre de Jean Rivet : Répétition . Que j'aime ces instants.


Roger Dautais



 Gardiens de pierre
dans le regard
l'eau de vie

Gardiens d'horizon
de battements d'ailes
et de rêves

Gardiens des ombres brumeuses
et du silence


Yanis Petros
 (Inédit 2012 )


Loin.
Depuis la naissance.

Toujours. Ce rêve.
Sans contour.

Au bord d'un temps autre.
Qui regarde.

Le temps voit. Un  jour.
Deux jours. Pendant.

Le rêve compte.
Pour nous.

Est fini. Le monde.Est
le plan. Fini.Toi.

Et  moi. Deux bouches
fissurent nous-le-monde.

L'eau Boit. L'eau vient.
La maison revient. Très fluide.

.../

Jean Daive
Onde générale Flammarion 2011

mercredi 5 septembre 2012

Le passage

Le guetteur

Le relève
Accompagner le fleuve...
Au pays des légendes
Trait d'union
Les migrants
Sur la rive gauche

Spirale positive
Le voyage de la sphère
Rive droite

Simple offrande au fleuve apaisé
Le déversoir
Pour Ana Mendieta

A vingt cinq kilomètres plus au  nord, c'est la mer. Je suis allé rejoindre le lieu où, en  2002 nous tournions un documentaire avec une scène de land art à la mémoire d'Ana Mendieta, dont j'ai souvent parlé ici, comme une de mes artistes préférées. Pierres, eau du fleuve et sang. Le sang des coquelicots. On dirait que rien n'a changé, ni  le vacarme de l'eau franchissant le déversoir,  ni la végétation qui rend toujours aussi difficile l' accès aux berges. Une fois sur place, difficile de garder les pieds au sec bien longtemps car le choix des pierres demande à descendre dans l'eau. Je garde néanmoins mes chaussure de marche  pour avoir une meilleure assise et pour ne pas glisser pendant le travail. J'élève  un a un  les cairns, plus petits qu'autrefois, santé oblige, car je dois ménager mon cœur, encore bien heureux de retrouver des gestes d'autrefois. Je suis seul dans ce lieu, baigné de lumière douce, dont la sérénité malgré le bruit de l'eau, m' enchante. J'aime ce fleuve, ses eaux vives et je l'honore de quelques  cairns. Je sais que dans deux ou trois jours, ces mêmes eaux se mêleront  à la mer, chargées de la mémoire des cairns. Elles raconteront  à leur façon, je le sais. Je viens de terminer  mon cairn le plus important lorsque je vois arriver, glissant sur  l'eau, un kayak. C'est assez insolite ici  pour me surprendre. Un jeune homme pagaie et  arrive au  pied du déversoir. Il  me salue et me parle. Avec le bruit, je ne l'entend pas.
Je lui fais signe de s'approcher. Ce qu'il fait. Il  pointe le nez de son kayak  à 50 centimètres du cairn.
- Bonjour.
- Bonjour
- C'est beau
- Merci
- ça sert  à quoi ?
- Et vous, ça vous sert  à quoi de faire du kayak?
- ...Je ne sais pas. J'aime bien. ça m'aide  à vivre et puis j'aime la nature. C'est la première fois que je viens ici. Je me croyais sur l'Amazone. ça change du canal.
- L'Amazone,  oui...en  plus petit. Vous avez beaucoup d'imagination.
Je lui explique en deux mots le land art qui  m'aide aussi  à vivre et ce  besoin d'être présent au beau  milieu de la nature. Il  me parle encore de deux copains  à  lui qui, en ce moment traversent la Manche entre Portsmouth et Caen, sur un kayak  à deux places. 180 kms en 24 heures. Impressionnant. Puis il  reprend sa navigation  vers Caen.
 Nous avons chacun  nos rêves, lui en début de sa vie, et moi,  plutôt vers la fin. C'est le fleuve que nous a réuni. Cela valait bien de lui consacrer quels travaux. Dès le lendemain, je rattraperai sa mémoire en allant sur le canal,  monter un dernier cairn, trait d'union entre le souvenir d'Ana et une route qui semble vouloir reprendre, malgré tout.


Roger Dautais



Les sentiers
tracés  à pas d'homme
longent le silence
d'une vie.
Une blancheur éparse
laconique
s'obstine
jusqu'au ciel.
Je laisse aux mots
le soin de veiller.

Marie-Josée Christien
"Temps morts " Les cahiers du Rhin.


A la lisière de nos visages
l'ombre sinueuse des doigts
trace le chemin du vent.
Tout s'efface :
les pas sur le sable
les mots triturés de silence
les souvenirs d'une petite fille 
qui court sur la grève
les cheveux emmêlés  de sel
Tout s'efface:
La mer comme seul refuge
aux filets de la mémoire.

Lydia Padellec
( Visage sans nom) Inédit

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Qui êtes-vous ?

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Landartiste, photographe, auteur de livres pour enfants, Roger Dautais est aussi un artiste atypique, sensible et attachant.Il a sû, dans la diversité de ses expressions, trouver une harmonie par la pratique quotidienne de cet art éphémère : le Land Art. Il dit "y puiser forces et ressources qui lui permettent, également, depuis de nombreuses années, d'intervenir auprès de personnes en grande difficulté ( Centre de détention pour longues peines et personnes âgées atteintes de la maladie d'Alzheimer) pour les aider par la médiation de l'art.