La vie, comme elle va

"S'il suffisait de lire comme dans une bulle de cristal, alors, ce serait, facile.Mais il faut vite déchanter, prendre la route, sac au dos et marcher, toujours marcher pour oublier ce que l'on a déjà fait, ce que l'on va faire. Il faut attendre que la nature nous prenne et nous ouvre sa voie. C'est une progression incessante, pour de si petites choses".
Roger Dautais . Septembre 2009

Un voyage étonnant au cœur du land Art

lundi 19 mars 2012











































































































































To the sea



Le soleil va se lever. Ils l'ont dit. "Ils" , se sont les bulletins météo écoutés depuis la veille et qui se trompent une fois sur deux. L'important, c'est de sortir, quitter le confort de la maison pour aller se confronter aux diverses vérités du temps sur une grande journée. Je n'ai pas d'idée particulière autre en roulant, que de contempler une fois de plus cette plaine. Je connais bien et pourtant elle m'en apprendre sur elle à chaque minute. Le paysage défile devant moi, et j'ai l'impression d'être le seul dehors dans la région. A peine ou deux voitures croisées sur le chemin d'aller et me voici arrivé sur la côte. Je me change comme à chaque sortie et je me dirige vers la mer. Elle est a demi couverte par une brume grise qui commence à deux cent mètres de la plage. Ce temps frais et humide accompagne souvent un silence presque parfait, si ce n'est le chuintement des vagues. Il faut que je marche. Peu importe que ce soit vers le nord ouest où dans le sens inverse. Sans marche, sans déplacement, il ne se passera rien. Il faut un certain temps pour que l'esprit se libère des contingences et laisse venir à lui, l'idée. Car c'est le mouvement qui crée l'idée, d'après moi. Dans les instants qui suivent, on dirait que le vécu land art remplace l'inquiétude du départ. Je choisis la première pierre et je commence la construction du cairn. Tout va se jouer comme dans une danse presque statique, avec d'infimes déplacements, qui va remplacer la quête du départ. Il y a bien une fascination du lieu, il y a aussi une attirance des pierres qui remonte à l'enfance, et un peu le savoir faire. Comment comparer ce travail, cette création si personnelle à une pâle copie, réalisée en deux minutes sans trop réfléchir: Hop et hop, deux pierres, hop, une photo. D'un côté, il s'agit de ma vie, de l'autre une pitrerie de week-end pour amuser les amis.
Chaque trace laissée dans le sable comme ces deux étoiles de David qui me relient à Raymond, ou les anneaux de Borromée à un voyage sur le Lac Majeur où je découvrais ce symbole en compagnie de Marie-Claude, que ce soient ces milliers de cairns, semés en France, en Europe, en Afrique, ces spirales interminables sur lesquelles on m'interroge, ou ces compositions géométriques, mandala et autres, ne sont qu'une manière de vivre ma vie, de m'inscrire dans le monde, de lui parler de l'honorer et parfois de communiquer avec les humains.
J'ai eu froid, ce jour là, mais lorsque la brume s'est levée, tard dans l'après-midi et que le soleil à balayé la plage, j'ai oublié mon mal de dos, j'ai terminé mon travail puis je me suis assis non loin des cairns. Je les ai regardés longuement comme on regarde un parterre de fleurs . Je les reconnaissais comme nés de mes mains et je savais que leur disparition n'était qu'une question d'heures. Je savais que la mer sifflerait la fin de la partie, de leur vie dans quelques heures. Je n'éprouvais aucune fierté, non, plutôt un bonheur de les côtoyer, sans avoir à leur parler, sans explication à donner, juste à attendre la mer qui viendrait couronner mon travail et me donner l'autorisation de recommencer une prochaine fois.



Roger Dautais






Ce matin au bureau, j 'écris


Nos livres des riens sinon quelques fleurs
A peine
Qu'éparses dans les siècle
Nos venteuses paroles
Qu'est que je fais à écrouer ma jeunesse ?
Or
La fenêtre à soudaine ardeur
Met un fil rouge
Une baie sur la page
Une lune écarlate puis cela batifole cela ramifie cela braise faut-il
Continuer l'escarbille l'histoire de l'escarbille est-ce

Un début de sens ?

Est-ce que je n'attendrai plus
en vain ?


Isabelle Pouchain


Retrouvez cet auteur chez Guy Allix

guyallix.art.officelive.com/isabellepouchain.aspx

lundi 12 mars 2012







































































































































non siamo gran cosa


à Terzo...


J'aime l'hiver, il libère les pierres. Brassé par des marées infatigables, le sable a rendu les armes. Toutes ces tonnes de sable avaient fini par dénaturer l'estran, et le transformer en une fausse plage que même les oiseaux de mer ne fréquentaient plus. Ici, c'est le royaume de l'éphémère où rien ne tient une place définitive. Quel ciel bleu oserait s'installer au dessus de ce territoire marin, d'une manière définitive ?
La parole est absente. Le vent cingle mon visage et fige ma mémoire. C'est ici qu'il me faut écrire une nouvelle page singulière, un petit pan de vie, pierre par pierre. Commence la chasse et mes yeux cherchent déjà la première pierre qui conviendrait. Ici, dans ce chaos de géant, aucun homme ne soulèverait ces blogs qui dépassent pour certains, les trois cent kilos. Leur masse rend modeste. J'en choisi une, couchée de tout son long et qui me semble être à ma portée. Elle est trop lourde pour être portée, déplacée, mais avec quelques manœuvres, je la dresse sur l'estran. Mon dos craque et proteste. Je cherche le point d'équilibre. Elle tient debout, seule, mais je la cale de manière à pouvoir monter en son sommet un premier cairn de la journée sans qu'il ne s'écroule.
Il m'est facile à cet instant, de faire le vide, de tout oublier dans ce froid vif, au point parfois de ne plus entendre la mer et d'être simplement " dans le geste". Je deviens une sorte d'écriture dans le paysage qui m'éloigne provisoirement de mes semblables pour reproduire un rituel vital.
Chaque pierre choisie pour sa forme, recto, verso, est évaluée, soupesée, essuyée lorsqu'il le faut avant d'être posée délicatement sur le cairn. Si elle ne convient pas, elle est rejetée, puis remplacée. Plus la colonne en équilibre monte plus les pierres deviennent sensibles au vent, que j'essaie de couper en faisant rempart avec mon corps. Je les sens trembler entre mes doigts gelés, respirer à leur façon. Elles vivent. Pendant ce temps, j'oublie que la mort est à l’œuvre en moi, chaque jour, attendant l'instant crépusculaire d'une vie achevée.
Le sol a-t-il tremblé ? Le cairn vient de s'écrouler. Je regarde les pierres retourner à leur destin. Je pense alors à Terzo, cet ami Italien, illustrateur de son état, qui m'avait suivi un après-midi d'hiver sur une plage de la côte de Nacre, non loin d'ici. Assistant à l'écroulement d'un cairn, il m'avait dit en souriant : " non siamo gran cosa", nous ne sommes pas grand chose.
Mes cairns en cela, devenaient humain à ses yeux et j'ai continué à les regarder comme ça, juste un mot, un cri parfois, dans l'immensité silencieuse, pas plus.


Roger Dautais.






L'encre des lettres
avérées
abruptes

éconduites
désespérées
disparues
oubliées
combien d'immensité
dans cet espace
infime.

Jean Louis Kerangueven

lundi 5 mars 2012






























































































































































Car il faut que chacun

compose le poème de sa vie...

Youenn Gwernig











Sur le chemin du retour d'une sortie land art, j'aperçois, sur le côté droit de l’autoroute, dépassant d'un talus me surplombant d'une quinzaine de mètres, un tas de pierres blanches brillant au soleil. Une semaine plus tard, je retourne dans le secteur et, après avoir franchis plusieurs rond-points, je trouve l'entrée du champ tant espéré.Un véritable trésor s'offre à moi. Des tonnes de plaquettes calcaire, entassées sur une centaine de mètres de long sur au moins, deux mètres cinquante de haut. Cela provient probablement d'un creusement de terrassement des nouvelles grands surfaces qui ont poussé dans la région, de l'autre côté du périphérique.
Je grimpe au sommet de cette pyramide et m'aperçois très vite que le sol est mouvant sous mes pieds. Et pourtant,je décide d'élever un cairn en son sommet. Après avoir réalisé une petite plateforme pour l'accueillir, j'essaie de stabiliser les pierres de la base sur une profondeur de un mètre., puis je commence l’élévation. D'abord le cercle de base qui doit être parfaitement calé, puis les premières pierres de la base intérieure. Après, je recommence la manœuvre, couche par couche. Les premières pierres sont récupérées dans la proche périphérie. Ensuite, il faut descendre sur cette pente glissante, choisir les plaquettes calcaires qui sont appropriées, les lancer depuis le sol jusqu'au pied du cairn sans taper dedans, remonter la pente, les bras chargés d'autres pierres, puis reprendre la construction. C'est long à bâtir , dans cette position inconfortable, bien que celui-ci soit de taille moyenne,( env.1.50 m de haut) mais je ne m'ennuie pas une seule seconde. Pas le temps de penser que cette semaine, j'ai réalisé une spirale marine, monté des cairns sur l'estran, travaillé le long du fleuve et bien d'autres choses encore. Jour après jour, une vie consacrée au land art, sans en attendre autre chose que de trouver un sens à ma vie d'artiste. Et ce bonheur de réaliser ce cairn, de créer dans cette immense plaine me rattache à tous ces paysans qui ont travaillé cette terre à blé, jour après jour, par tous les temps. Le flot de voitures incessant roule à mes pieds et c'est bien la première fois que je travaille dans ce cadre. On dirait un fleuve, un fleuve de voitures anonymes qui paraîtrait ne jamais cesser de couler. Je n'y prête pas trop attention, juste un bruit de fond, même pas une image. Je suis au pied du cairn, au milieu de la pente. Il bouge et je sais ce que cela peut vouloir dire : l'écroulement. Il ne vaut mieux pas être en-dessous. Il va se tasser ainsi deux fois et il me reste le sommet à terminer soit une trentaine de kilos que je vais monter du sol puis déposer délicatement, pierre par pierre. Il est déformé légèrement mais il a décidé de rester debout, ce dont je le remercie. Du fleuve-voiture, montent quelques coups de klaxon et je les lui dédie.
Je descend la pente une dernière fois et le salue, ce poème de pierres. Et si je le dédiais à Youenn Gwernig, ce poète du Huelgoat dont l’œuvre continue de me marquer...ce serait bien comme ça.

Roger Dautais




La source du temps


Silence, le plus digne hommage !
Quel tumulte d'amour emplit jamais le très profond silence ?...
Victor Segalen




Dans les jazz du vent
arborer un nouveau langage
en écho du silence.

De la vacuité
plein les godasses
suivre le chant
qu'offre l'ombre
à fleur de peau.

Remuer au plus profond de soi
la légende
sous l'écorce.
Déventer
la fauvette de l'air.

A la source du temps
se décoller du visible.
Visiter les songes
jusqu'à plus soif
de l'essence.

Saisir par l’œil
les combustions translucides
que seules des rumeurs
nourrissent.


Le sanctuaire au goût huitrier
de la parole
saisir l'alphabet
de la genèse
comme l'incantation
d'une pureté à venir.


Louis Bertholom

Retrouvez cet auteur chez l'ami et poète Guy Allix, dans les pages de son Anthologie subjective

http://guyallix.art.officelive.com/LouisBertholom.aspx
http://www.myspace.com:louisbertholom
http://lafrenière.over-blog.net( Quebec) Cliquer sur "Les marcheurs de rêve" et chercher dans "archives".
http:www.printempsdes poetes.com Cliquer sur "La poéthèque"
http://editionssauvages.monsite-orange.fr
www.ecrivainsbretons.org

dimanche 26 février 2012























































































































































j'aimais tes yeux bleus, l'hiver, en Bretagne, quand ils me racontaient les saisons à venir...




à Marie-Claude,

J'aimais tes yeux bleus l'hiver quand ils me parlaient des saisons à venir. Tu déambulais, pieds nus sur les grèves, absente au vacarme des galets emportés par les vagues. Tu vois, maintenant, les mots trop nombreux qui roulent dans l'écume, ils écrivent l'histoire des morts. Demain, il sera trop tard pour les saisir. Ils se seront noyés en baie des Trépassés, au fond de l'eau et ton regard les cherchera en vain sur l'estran. C'est maintenant qu'il faut écrire ton histoire et tu ne sais que danser, indifférente à cette coutume. J'ai tout repris de A à Z, dans notre mémoire commune. Les mots séquestrés, je les ai jetés au vent. J'ai vidé les cellules, comme le sang de mes veines, jusqu'à la dernière goutte. Derrière les hauts murs, ne résistent que les cris des grands Duc, la nuit chargés de dire aux autres ce qui s'est passé dans ces lieux.
Ici, l'alphabet n'a plus court. Les mémoires s’effilochent une à une. Les chants des sirènes attendent l'aube et les pierres se déchirent entre-elles. Il faudra rejouer la partie, rattraper les cavales blanches dans les blés en herbe. Il faudra lever le verre, boire cul sec, face au vent en compagnie des naufrageurs, à la santé des hors.
J'aimais tes yeux bleus l'hiver en Bretagne, quand ils me parlaient des saisons à venir. L'avenir se rétrécit chaque jour. Une poignée de pierres suffirait à l'écrire, mais j'aime toujours ton regard bleu. Chacun de nos souvenirs s'y reflète. Il est devenu ma destination pour un voyage de rêve, le notre. Je ne sais plus imaginer ailleurs. Restent quelques grèves à parcourir, quelques sables à graver, quelques Printemps pour te cueillir des fleurs et le tour sera joué.


Roger Dautais





en ce corps de mer
se perdre
bleu immense
loin dans la peau.

***

La côte hostile
sa présence
parmi les brumes au loin
nulle tension palpable
pourtant
dans ces hôtels
où l'on mange toujours trop.

Paul Badin

Dédale
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Landartiste, photographe, auteur de livres pour enfants, Roger Dautais est aussi un artiste atypique, sensible et attachant.Il a sû, dans la diversité de ses expressions, trouver une harmonie par la pratique quotidienne de cet art éphémère : le Land Art. Il dit "y puiser forces et ressources qui lui permettent, également, depuis de nombreuses années, d'intervenir auprès de personnes en grande difficulté ( Centre de détention pour longues peines et personnes âgées atteintes de la maladie d'Alzheimer) pour les aider par la médiation de l'art.