La vie, comme elle va

"S'il suffisait de lire comme dans une bulle de cristal, alors, ce serait, facile.Mais il faut vite déchanter, prendre la route, sac au dos et marcher, toujours marcher pour oublier ce que l'on a déjà fait, ce que l'on va faire. Il faut attendre que la nature nous prenne et nous ouvre sa voie. C'est une progression incessante, pour de si petites choses".
Roger Dautais . Septembre 2009

Un voyage étonnant au cœur du land Art

mercredi 22 septembre 2010

Justifier









à Hatcheptsout,

Reine de haute et basse Égypte, à qui les dieux donnèrent, santé,richesse, force et bonheur ...
pour son charisme...

à Khépri,
pour le revoir un jour à Karnak.






Après un voyage en Egypte, je retrouve la Normandie et l'un de mes territoires pour la pratique du land Art. Je n'aurai réalisé que trois petits cairns, là-bas, dont l'un à l'ombre de la Pyramide de Khéops, un dans le temple de Karnac et un aux portes du désert Nubien. Ce n'était pas non plus le but du voyage, mais ce n'est pas si mal, vues les conditions rencontrées.
Revenu ici, il me fallait vite retrouver mes marques et je n'imaginais pas aller partager mes rêves ailleurs qu'au bord de la mer. La plage choisie sur la Côte de Nacre était quasi déserte et je me suis lancé dans une spirale réalisé à marée basse. Lorsque je dois interrompre mon travail comme cela fut le cas pendant ce voyage , je suis toujours inquiète de savoir si je serai encore capable de faire, comme si, ce que j'avais réalisé plus de mille fois, ne comptait pas ou ne comptait plus. C'est un peu ça, en fait.
Il me faut sentir le lieu, marcher, renifler comme un animal, pour trouver l'endroit qui me convient, qui me parle. Cette fois, je l'ai trouvé assez près des roches plates qui dessinent le début l'estran. J'ai inscrit ce grand mouvement circulaire dans une courbe naturelle. Je projetais mon travail mentalement. Elle sera, comme ça, se terminera à peu près là et quand la mer l'approchera pour la recouvrir, ces roches renverront la vague de telle façon. C'est un jeu d'imagination qui complète le travail très physique du tracer de spirale déjà décrit., un dialogue avec le paysage, aussi. Pendant le tracer, mon esprit s'envole vers l'Égypte et je revois les rives vertes du Nil, au coucher de soleil lorsque la voix du muezzin appelle ses fidèles à la prière. Le rêve passe dans la spirale et rejoindra la mer, à marée haute.
J'arrive au bout du voyage et contemple la spirale de sable. Elle est très grande, assez régulière. Pour cette fois encore, je suis rassuré...Jusqu'à' à la prochaine fois.
les autres installations plus anciennes , présentées ici, ont la particularité d'avoir été réalisées auprès de l'eau, d'un fleuve, d'une rivière ou d'un étang.
Le demi-cairn que j'avais eu l'idée de photographier en cours de réalisation, s'écroulera par deux fois et j'abandonnerai les pierres à leur vie naturelle, considérant que ce n'était sans doute ni le lieu ni le moment de l'élever.


Roger Dautais








Dénuement


Je ne sais plus qu'un poème
Qui ne sait rien de moi
Qui ne sait rien de la terre
Et les vers dans la plaine ultime
Ce visage sans nom d'un nom dérisoire
Et le désir porté sur la blancheur blessée
Les cheveux épars et le sang aux tempes


La fuite fatiguée
L'insensée dérobade des mots.


*


Regard sur la pierre
La coupure de l'arête sur les yeux


Et la débâcle à l'œuvre sur la terre


Tu t'abîmes au nom des choses
Tu n'habites que la déchirure trop exacte
L'empreinte furieuse de l'exil




Guy Allix

jeudi 9 septembre 2010











To the sea,

à mon père...






Samedi 4 septembre 2010, je roule vers le port de Ouistreham. Le temps est couvert. Il souffle un petit vent de nord-Est. Avec un peu de chance, je verrai le soleil dans l'après-midi. Les vacances sont terminées et la plage s'est vidée de se touristes.
Je travaille par 49°17' N et 0°15' O. Je me dirige à l'extrémité Est de cette plage, non loin de l'épi rocheux qui borde le canal maritime d'entrée des Ferries jusqu'au terminal d'embarquement. Il me reste trois heures avant la haute mer, deux, à l'endroit où j'ai posé mon sac à dos pour tracer une spirale. Pour répondre à Eléonore qui m'écrit du Canada, dans un commentaire sur ma précédente page, oui, c'est assez difficile de réussir ce genre de figure qui fera quand même
45 mètres de circonférence lorsqu'elle sera terminée. Je travaille sans repère ni outillage. Je cherche le meilleur endroit en testant la qualité tu sable qui doit, être mouillé, mais ni trop dur ni trop mou. Je ne peux réussir ces spirales sur toutes les plages. Aujourd'hui, la présence sympathique d'un club hippique pour ados, me complique un peu la tâche car les moniteurs qui me connaissent, viennent me visiter et tournent sur le glacis que j'ai choisi. Je peux vous dire qu'une quinzaine de chevaux, même au pas, ça laboure le terrain et je dois, avant de commencer, reboucher tous les trous faits par la sabots de cheval.
En principe, avec la mer à 50 mètres de moi, j'aurai largement le temps de finir avant qu'elle ne recouvre mon travail. Je plante mon talon gauche dans le sable et je commence. Celui-ci, agit comme un soc de charrue. Il faut maintenir le pied dans un bon angle d'attaque. Trop à plat, il ne rentre pas dans le sable et le sillon ne se verra pas. Trop à angle droit par rapport à la jambe , il rentre trop profondément et rendra l'avance, impossible. La jambe droite assure l'équilibre du corps qui est courbé vers l'avant, la tête vers le sol, car je dois vérifier le parallélisme du sillon et le rectifier avec mon pied gauche qui pivotera de droite à gauche, pour rectifier l'erreur éventuelle. La jambe droite, va chercher un appui à 40 cm derrière le pied gauche, s'ancre solidement au sol puis toute la force se reporte sur la jambe gauche qui tire mon pied vers l'arrière. La coordination des ces deux mouvements donne naissance à un rythme qui lui-même s'accorde avec la respiration. La vue ne sert qu'à vérifier le bon déroulement de la manœuvre et pendant cette avancée, je m'extraie du paysage. Très rapidement, les crampes dans les jambes et le mal de dos apparaissent car je ne suis plus tout jeune. Alors, je relève la tête et redécouvre mon environnement, parfois, avec des personnes à proximité que je n'avais ni vues, ni entendues approcher. Il ne faut pas que ces haltes soient trop longues car la spirale doit être réalisée dans un certain temps, sans trainer à autre chose si l'on veut qu'elle soit harmonieuse.
Les idées vagabondent. Je pense à mon père, dans son grand silence blanc. J'entends sa voix. Nous discutons , nous sommes au travail, dans le jardin, comme deux horticulteurs que nous sommes. Je le vois si souvent depuis son départ. J'ai du mal à dire, il était.
Je ne prends guère la mesure de mon travail avant le 18ème ou 20ème tour et puis là, parce que les tours sont plus longs, j'ai cette notion de parcours, de voyage, de création, d'effort, de beauté, de plaisir, de satisfaction du travail bien fait, une sorte de fierté de pouvoir offrir ce cadeau à la mer :To the sea. Je tourne, et compte...22, 23, 24 tours. ça y est, vingt quatre tours comme les vingt quatre heures d'une journée. C'est immense à voir et pourtant, cette spirale ne représente qu'un minuscule point sur cette plage qui, l'été peut recevoir plus de 20 000 personnes. Minuscule comme une vie face à l'univers.
Je prends du recul et j'attends la mer. Elle met 45 minutes pour atteindre le bord de la spirale qu'elle aborde par la droite. Après, c'est le plaisir de la voir remonter le sillon de chaque côté et encercler le centre, puis le recouvrir dans un mouvement de va et vient produit par la marée. Je suis seul et très bien ainsi. C'est ç'est ce moment que le soleil choisit de m'offrir ses rayons qui vont éclairer la spirale et me rendre le travail de prise de vue, plus facile. Je la suis jusqu'aux trois quarts de sa disparition puis je reprends mon sac et quitte la plage sans me retourner. J'ai compté ces spirales jusqu'à la millième et puis j'ai arrêté, ne gardant que le plaisir d'être dans la Nature, à l'œuvre, près de la mer en pensant à ceux que j'aime.



Roger Dautais


Les autres installations ont été réalisées quelques jours avant cette spirale, dans un marais que j'aborde après avoir traversé un bois touffu, dont l'orée est défendue par une haie d'ortie bien difficiles à franchir. Après une petite marche, j'atteins une rivière qui coule paisiblement sous les arbres, c'est là que j'ai que j'ai travaillé pendant une après-midi ensoleillée. Je voulais vous présenter ce travail différent du précédent.








L'espace nous excède
L'infini déchire la raison

Offerts à la vraie lumière
Cet azur qui est du noir
Nous restons enchaînés
Étoiles invisibles

L'avion survole la mégapole illuminée
Énorme contrée, myriade de lampes
comme étant de vibrantes pensées

Des hommes se repoussent pactisent s'excluent
Mouvances assises d'une conscience à venir
Miroirs dans la nuit où des mondes mûrissent.



Gaston Puel

L'âme errante 1992






EN RAISON D'UN VOYAGE EN ÉGYPTE, LE BLOG LE CHEMIN DES GRANDS JARDINS NE SERA PAS ANIME ENTRE LE 10 SEPTEMBRE 14 HEURES ET 21 SEPTEMBRE 2010.
MERCI DE CONTINUER A LE VISITER, A LE DÉCOUVRIR, ET MERCI D'AVANCE POUR VOS COMMENTAIRES ET ENCOURAGEMENTS.

ROGER DAUTAIS

samedi 4 septembre 2010












du sang, des cendres et des larmes...





La pointe du Hoc est mon objectif à atteindre pour aujourd'hui. Je vais essayer de m'en approcher au plus près pour réaliser une série d'installations land art. Je quitte la région de Caen et roule nord-ouest en traversant la campagne Normande. Depuis que nous habitons cette région, je pratique souvent le land art sur ces plages du Débarquement. Elles me sont devenues familières mais jamais je n'oublie qu'elle furent l'objet de combats sanglants menés pour délivrer notre pays et l'Europe du joug Nazi. Cette fameuse pointe du Hoc, située entre Omaha beach et Utah Beach, secteur pris d'assaut par les troupes Américaines, était , selon les renseignements, pourvue d'énormes pièces d'artillerie qui défendaient les deux plages, du haut des 30 mètres de falaises, surplombant une petite plage de galets a peine large d'une quinzaine de mètres.
Deux cent vingt cinq Rangers montèrent à l'assaut de cette artillerie lourd, dans la journée du 6 juin. Le soir même, cent trente cinq de ces hommes avaient perdu la vie. Les officiers, mal renseignés s'aperçurent après les combats que ces fameuse pièces d'artillerie avaient été déplacées de 1,5 km, en retrait, en pleine campagne. Ceci laisse à réfléchir sur le prix du sacrifice humain .
A quelques kilomètres d'Omaha Beach, je quitte la quatre voies, remonte vers le nord , en direction de cette plage historique, oblique ensuite à l'ouest vers le petit village de Cricqueville en Bessin. Le paysage n'a pas changé depuis le 6 juin 1944 et pour peu que l'on connaisse l'histoire de cette époque, il est aisé de reconstituer quantité de scènes sur ce théâtre d'opérations.
La route emprunte la corniche et j'aperçois bientôt le chemin qui mène à la plage. Le ciel est
menaçant. Il fait assez frais et le vent accompagnera ma journée. Je gare ma voiture sur la falaise et je descend vers le rivage L'estran est constitué de dizaines de milliers de cailloux, dont les plus gros affleurent en surface. Une petite pluie fine commence à tomber. Le sol devient aussitôt glissant. La pointe du Hoc est à ma gauche, vers l'est mais caché par une falaise. Mes yeux sont attirés par une très grosse pierre noire de plusieurs tonnes qui trône au beau milieu du haut de cette plage, et je me dirige vers elle, orientant ma progression vers le nord-est. Mes pensées vont à Pier Mayer Dantec, poète entendu le matin même interviewé par Brigitte Maillard sur Radio Alligre et dont la poésie se traduit dans ces pierres de silence élevées pour lui. Je quitte cette première installation et reprends ma progression vers l'est. Je vais élever des guetteurs, plus ou moins grands, solitaires ou en groupe jusqu'à voir la Pointe du Hoc. Ici, le sang versé par les braves n'a pas vraiment séché, les cendres des morts ont amendé la terre Normande et les larmes des héros ont salé la mer. Ici, les cris, les dernières paroles, se sont à jamais inscrits dans les pierres, qui 65 ans après, sont devenues des témoins muets de ces combats. Je suis traversé par la pluie qui s'intensifie et je trouve normal que ce travail devienne plus pénible. Quand il pleut, le regard se resserre, le geste devient plus précis, plus lent, le danger augmente de tomber. Le corps se fait hommage et l'installation, porteuse d'intentions. Les charges sont lourdes à porter et pourtant, j'ai l'impression que ces pierre me comprennent car elles se dressent et restent plus facilement en équilibre que d'habitude.
J'aperçois la Pointe du Hoc, qui appartient maintenant aux Américains. Difficile d'approcher plus près si l'on veut respecter les travaux qui s'y mènent pour consolider cette falaise, qui s'érode et disparaît un peu plus, chaque jour.. Je m'arrête une dernière fois pour l'observer. La pluie a cessé et un soleil généreux vient l'éclairer. Des images surgissent dans ma tête. Pourquoi toutes ces guerres inutiles et tant d'argent dépensé sur une planète qui mériterait d'autres luttes, ne serait-ce que celle pour faire reculer la faim dans le monde.
J'installe trois derniers guetteurs. Ils resteront en place face à la Pointe du Hoc, en hommage aux disparus, avant d'être eux mêmes balayés par les flots.
Je ne reviens jamais indemne de ces expéditions mais comment ne pas y penser, à moins d'être inconscient. Ma petite enfance se déroula dans la banlieue de Saint Nazaire et les bombardements ont du marquer mon inconscient qui se réveille sur tous ces terrains où la guerre marqua les populations pour plusieurs générations. Sans vouloir en parler systématiquement, je pense qu'il est bon de le rappeler de temps en temps.



Roger Dautais

Photos 1,2,3,4 site de la Pointe du Hoc, Normandie.
Photos 6,7,8, Bretagne
Photo 9 Normandie






à Marie-Claude



Il faudrait trouver la faille entre les rochers bruns. Il faudrait semer le doute et voir pousser une petite plante. Au bord de tes larmes s'ouvrait un océan d'amour. L'ivresse des profondeurs t'entrainait vers l'au-delà et tes yeux perdaient pied au soleil couchant. J'aurai dû comprendre tes appels mais la distance grandissant entre nous, ton cri devenait muet, mes paroles ne sortaient plus de ma bouche ensanglantée. Mes ongles ont griffé le sol pour te chercher dans les pires cauchemars. Tu n'étais plus qu'un tas d'humus chaud et humide. Je sentais ton âme délaissée s'embarquer sur un radeau de fortune et naviguer au tréfonds des saisons. Je dévorais la neige à m'y noyer.Mon corps ne suffisait plus pour vivre. Je le quittais pour des voyages acides sans idée de retour.
Du plus chaud des printemps, je désertais les jours. Rien ne retenait cette descente. Alors ils sont venus me crier de tout lâcher, tout abandonner. Ils m'ont dit que la route, c'était fini et l'herbe aussi. Ils m'ont jeté dans des culs de base fosse pour que je comprenne et que j'oublie toute cette merde. Je n'écoutais plus rien. Je ne voyais qu'une luciole dans cette nuit d'encre et je me suis mis à marcher vers la sortie.
Les autres, ils étaient morts, ils avaient disparu dans de mauvais trips., les mauvais alcools où le corps rende l''âme avant l'esprit. J'ai vu passer leurs cadavres chariés par les eaux boueuses du fleuve-vie.
J'ai entendu la complainte des veuves,les larmes des gosses. Il fallait comprendre que la vie était au soleil, non dans les ténèbres.Il fallait abandonner une partie pour en reprendre une autre.
Sous la mousse dormait ton corps en léthargie. Corps-humus en attente d'un souffle, d'un signe. Je me suis allongé à côté de toi, prêt à partir mais la vie nous a fait basculer du bon côté. Le tambour du monde s'est remis à battre dans nos poitrines. Il fallait attendre que l'espoir renaisse, qu'une petite pousse veuille bien naître et marquer notre vie. Et puis, elle est venue, enfant de l'amour après le tumulte parce que la vie se présentait comme ça et qu'il fallait continuer à avancer, autrement.
J'ai ouvert la fenêtre pour regarder Orion. Le grand sablier avait tourné et nous offarit une pincée de sable, une petite éternité de vie à se partager. Tu as remis des nappes sur la table et des fleurs dans le vase. Nous avons presque vécu presque toute notre part de sable et j'aimerai que le sablier tourne encore au moins une fois.
Le rêves ne s'arrêtent pas. Bons ou moins bons, ils remontent à leur guise et la vie ne s'efface ni ne s'oublie. Si maintenant j'aspire à plus de sérénité je ne peux oublier mon passé. Nous irons où le destin nous envoie, maintenant, unis pour le meilleur et pour le pire.

Roger Dautais







TU TE TAIS POUR DEMAIN

et peut-être
aujourd'hui.

Pour le demain le plus lointain
qui soit nôtre pourtant

sous la berge un soleil
invisible accompli
à tes côtés un voyage inutile.

apatride est l'univers
à présent.
Docile la beauté, emplie l'étendue

de l'absence, efface

Le lieu natal
de la lumière.



Gérard Bayo ( Km 340)

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Landartiste, photographe, auteur de livres pour enfants, Roger Dautais est aussi un artiste atypique, sensible et attachant.Il a sû, dans la diversité de ses expressions, trouver une harmonie par la pratique quotidienne de cet art éphémère : le Land Art. Il dit "y puiser forces et ressources qui lui permettent, également, depuis de nombreuses années, d'intervenir auprès de personnes en grande difficulté ( Centre de détention pour longues peines et personnes âgées atteintes de la maladie d'Alzheimer) pour les aider par la médiation de l'art.