La vie, comme elle va

"S'il suffisait de lire comme dans une bulle de cristal, alors, ce serait, facile.Mais il faut vite déchanter, prendre la route, sac au dos et marcher, toujours marcher pour oublier ce que l'on a déjà fait, ce que l'on va faire. Il faut attendre que la nature nous prenne et nous ouvre sa voie. C'est une progression incessante, pour de si petites choses".
Roger Dautais . Septembre 2009

Un voyage étonnant au cœur du land Art

mercredi 31 mars 2010



To the sea...*


Juste avant le retour de la mer, à l'heure où les ombres s'allongent, je prends le temps de tracer une autre spirale. Travail mille fois répété en des lieux si différents, avec des lumières toujours surprenantes pour le plus grand plaisir de le réaliser comme un hymne à la vie.



Roger Dautais



Ombre des jours à venir.

Demain
On me vêtira de cendres à l'aube,
on m'emplira la bouche de fleurs.
J'apprendrai à dormir
dans la mémoire d'un mur,
dans la respiration
d'un animal qui rêve.


De l'autre côté

Années et minutes font l'amour
Masques verts sous la pluie.
Église aux vitraux obscènes.
Trace bleue sur le mur.
Je ne connais pas.
Ne reconnais pas.
Obscur Silence.


Alejandra Pizarnik Argentine. 1936/1972



* Cette spirale mesure dans les 45 m de circonférence. Temps d'exécution 1 heure 15. Je l'ai réalisée sur une plage normande.

lundi 29 mars 2010



Morgan's cairn N°III, élevé pour elle sur la Côte de Nacre, en Normandie, donné à voir a quelques randonneurs et offert à la mer.
Ce cairn à résisté pendant une semaine à quelques marées avant d'être abattu par la deuxième tempête subie. Quelques années après , cette plage s'est ensablée et toutes les pierres du cairn sont enfouies. Reste la mémoire...

Roger Dautais





Les yeux
parlent ou juste
yeux qui s'ouvrent
rejettent le surplus
yeux
non mots
yeux
non promesses
je travaille avec mes yeux
à construire
à réparer
à reconstruire
quelque chose de semblable à un regard humain
à un poème d'homme
à un chant lointain de la forêt.


Alejandra Pizarnik 1936/1972 Argentine

samedi 27 mars 2010





Aux oiseaux de mer.
..


Nous sommes loin de l'été et je ne sais plus dire s'il reviendra...Sans doute, mais plus comme avant. Je parcourais pour la centième fois le chemin qui devait me conduire aux plages de l'estuaire. La mer montait déjà, qui allait dévier mon chemin si je tardais trop. Pourtant, comment résister à élever quelques pierres, sorte de guetteurs anonymes et éphémères qu'elle se chargerait de mettre à bas dans une heure ou deux. Je suis arrivé jusqu'à la plage et, une fois de plus, j'ai admiré ce paysage que l'on contemple là-bas, avec à gauche l'estuaire
"remué "par un fort courant et la mer grignotant chaque mètre de la plage. Ici, pas de foule, pas de nageurs, les courants sont trop dangereux et sur cette plage déserte, on trouve parfois quelques bois flottés ou autres objets intéressants. Mais là, je n'avais rien trouvé. Je me décidais à rentrer en longeant le trait de côte puis en empruntant la rive gauche de l'estuaire lorsque mon regard fut attiré par une masse noire déposée sur le sable. Lorsque je me suis approché cette forme m'a tout de suite fait penser à ces oiseaux pêcheurs, au plumage noir, qui font sécher leurs ailes en les ouvrant largement au soleil., les cormorans J'avais en poche quelques petites baies rouges que j'ai très vite installées devant lui, comme s'il en devenait le gardien provisoire. J'ai pris une photo et j'ai laissé l'oiseau imaginaire à sa toute nouvelle mission. Nul doute qu'il se sera envolé depuis longtemps.




Roger Dautais

" Le chemin des grands jardins "






Mages elles ignorent la déroute
de dieu et du diable
et qui officie le mensonge
quels filtres proposeront-elles
aux humiliés et aux stigmatisés
de l'histoire
elles qui mélangent les cartes
te font plus de sept nœuds
en lisant dans tes peurs et tes désirs
dans ton espoir et ta cupidité
et se payent de ta poche
le paradis terrestre
leur bonne étoile
et ta grande Fortune.



Myriam Montoya

"Traces"

vendredi 26 mars 2010



Échanges
...



Durant une marche d'approche qui doit me conduire vers des petits marais qui sont devenus accessibles depuis la" décrue, mon regard est arrêté par un arbre, encore enraciné, mais en train de mourir. Le tronc est fendu sur au moins trois mètres et il est de plus , envahi de ronces et de lierre. Un tas de pierres a été constitué au pied de ce même tronc. J'y vois, un échange possible, une complémentarité entre le minéral et le végétal dont la fin inéluctable le transformera en humus, voisin des pierres. Je commence par dégager l'arbre de toutes les ronces, puis je vais " remplir", panser, peut-être, cette grande cicatrice avec ces pierres blanches, en travaillant le mouvement de la base pour lui donner une idée d'ascension. Cela me demande beaucoup de temps mais je m'y tiens car le résultat devrait être intéressant. Une fois terminé, je prends quelques photos et reprends la marche vers les marais sans savoir, si, en route, mon imagination ne sera pas encore une fois sollicitée.


Roger Dautais






Land Art


Il arrive que des lumières
éclairent notre part d'ombre
et nous voici
réconciliée avec le monde...
Hors cadre, la vie
nous attend, nous échappe
à chaque tournant...
Qu'une page blanche survienne dans notre nuit
et le vacarme
des incertitudes
recommence,
incessant...
Il questionne l'inconscient, la lumière propose,
l'objectif, fixe, écarte, élude...
Restent les mémoires
à oublier.
Ainsi va la vie.


Roger Dautais


jeudi 25 mars 2010







à tous ceux qui regardent la mer se retirer en silence, avec le secret espoir de la voir revenir, ici...





Comment deviner ce que je vais faire sur cette plage, pourtant connue, avant de l'avoir vue, le jour même. Ici, c'est le domaine maritime, c'est la mer qui commande et me fournira de quoi travailler ou non. Il y a 48 heures, à peine, j'y étais, à pied d' œuvre, avec une météo, acceptable, mais un ciel plombé, donc une lumière moyenne. La mer avait commencé à descendre, mais par ces faibles coefficients de marée, elle n'avait guère bougé, en deux heures et
ma réserve naturelle de pierres mouillées, était encore largement sous l'eau. Je me suis donc mis à la recherche de celles pouvant être levées sur place et des autres, à déplacer pour les présenter dans un ensemble " de guetteurs de marée" tournés vers le large. Je sais bien que de lever les pierres et de les habiller d'une tête leur donne un tout autre aspect, une autre signification, une sorte de vie nouvelle et éphémère. Je le vois bien quand passent les quelques rares marcheurs qui tournent la tête, regardent, photographient parfois avant de reprendre la route. Il est facile d'imaginer quelques dialogues entre cs personnages et aussi facile de se poser la question : de quoi parlent-t-ils ? Ici, j'ai une pensée pour les Guetteurs de Véronique Brill, qui travaille souvent dans les environs de Marseille(mais pas que là...Allez voir son site)
En remontant vers le haut de la plage, je remarque un mouvement de pierres qui part de l'estran et semble pénétrer dans une anfractuosité de la falaise. Je m'approche. Ici, les pierres sont énormes pour la plupart et intransportables pour un homme seul. Cet amas naturel a donc été réalisé par un mouvement de mer et très certainement, des hommes s'en sont servis comme d'un abri naturel pour essayer d'y allumer un feu. Après avoir fait disparaître les traces de leur feu, je me mets à l'œuvre.
Je remarque rapidement que ce mouvement naturel peut- être "remodelé", sculpté, en y apportant quelque modifications et des pierres plus petites. Le sol est vraiment instable. Chaque pas demande un effort pour garder son équilibre, et avec les bras charges parfois d'une lourde pierre, cela demande beaucoup de temps et d'attention. J'accentue le mouvement tournant de la forme, la courbe première, j'élargis la base et allonge l'extrémité qui rentre dans la falaise. Je dessine une arête, avec des petites pierres, sur le haut de la courbe, afin que la lumière souligne au mieux, le mouvement. Personne ne pourrait dire s'il s'agit " "d'une livraison de pierres" sortie du ventre de la Terre-Mère, où d'un retour des pierres vers leur lieu d'origine. Tout ce que je constate, c'est que le mouvement est puissant et met bien en valeur ces pierres blanches que la marée reprendra très prochainement pour les redistribuer sur la plage, à sa façon, sans tenir vraiment compte de ce travail éphémère dont la première qualité, est justement, qu'il le soit.


Roger Dautais





SARDAIGNE


C'est le silence éternel
d'une terre défaite.
Ici on s'enchaîne au passé
et à ses propres limites. Ici rien n'arrive.
Personne ne te regarde dans les yeux
et l'air ne change pas de couleur...
Un ciel humide empesté de moustiques.
Ce sont des hommes
vieux dans l'âme
qui se laissent mourir
sans murmure
sans un soupir.


Susanna Licheri( Italie)

mardi 23 mars 2010



Premier jour de printemps, suite...




Le sol s'échappe sous mes pas. Les pierres sont glissantes, a peine stabilisées par une mince couche d'argile. L'horizon bascule et je m'enfonce dans la carrière. Même les bruits sont atténués dans cet immense cratère. Je vais marcher à la rencontre de cette nature minérale qui va bientôt mettre à ma disposition, des tonnes de pierres à regarder choisir, assembler, élever en équilibre. Rituel et gestes familiers pour marquer mon passage, honorer la nature, baliser ma route. Je continue à descendre et l'horizon se trouve maintenant bien au-dessus de moi, me donnant la sensation d'être enterré vivant. Les pluies des dernières semaines ont créé des réserves d'eau. Je peux voir, dans la glaise, de très belles empreintes de sanglier et de chevreuil, venus s'y abreuver, probablement à l'aube. Avec quelques petits rapaces dans le ciel, c'est peu près les seules traces de vie animale.
Je me lance dans la construction d'une " échelle des jours" à sept niveaux, sur un monticule de pierres et j'ai bien du mal à la réaliser tant le sol est instable. Plus loin, je m'exerce au" balancing rock", cette fois en trouvant le point d'équilibre, assez facilement, le seul problème à surmonter, étant le poids des pierres. Il est temps de partir et je commence ma remontée vers la surface où je vais retrouver un peu de végétation et sortir de cet espace un peu trop silencieux et pesant.


Roger Dautais







Incantation

Ouvre à l'Ombre de l'Homme
Ouvre, ouvre à mon double
Ouvre à l'Ombre de l'Homme
Qui va vers l'Inconnu
Laissant seul dans le Somme
Le corps inerte et nu.

Ouvre à l'Ombre de l'Homme
Ouvre, ouvre à mon double...

Ouvre, ouvre à mon double
Les sentiers broussailleux,
Le jour chemins roubles,
La nuit si lumineux.

Ouvre à l'Ombre de l'Homme
Ouvre, ouvre à mon double...

Mon double viendra dire
Tout ce qu'il aura vu
Aux portes de l'Empire
D'où les morts sont venus.
Ouvre à l'Ombre de l'Homme
Ouvre, ouvre à mon double.


Birago Diop,

Poète Sénégalais 1906-1989.

dimanche 21 mars 2010


à mes deux frères, Jean Pierre et Jacques...



C'est le premier jour du printemps. La météo annonce pluie et vent, avec des rafales de 70 km heure. Il ne pleut pas mais le vent est bien présent et assez fort. Inutile de songer aux petites installations végétales, elles seraient balayées avant d'être terminées. Je décide de me rendre à proximité d'une carrière où je sais trouver des pierres. Je marche à travers champs, suivant les lisières car les terres labourées rendent la progression pénible. Un énorme remblai de 200 mètres barre ma route. Il est constitué de terre et de plaquettes calcaires. Il domine le champ d'au moins trois bons mètres. Je l'escalade. Ce remblai doit être assez récent et le sol est mal stabilisé. Il glisse sous le pied. J'arrive au sommet et découvre que l'autre côté domine un second champ d'au moins six mètres. Malgré le manque de stabilité du sol, je décide d'y élever un cairn. Nul doute, que perché sur la cime, il aura fière allure. Je vais être obligé de l'élever sur une base relativement modeste, car le sommet du remblai ne permet pas autre chose. Je sais également qu'il risque à tout moment de s'écrouler, dès que son poids pèsera sur cette terre instable.
En une demi heure, j'ai épuisé toutes les pierres qui sont à ma portée. Pour les autres, et il en faudra beaucoup, je vais devoir aller les chercher dans les deux pentes, sans tomber. Un vrai sport.
Sur ma droite, un anneau de terre battue sert de piste d'entrainement pour trotteurs, comme on trouve dans la campagne normande. Je vais d'ailleurs bientôt voir passer un magnifique cheval de course attelé à un sulky et son jockey, intrigué par ma construction, ralentit l'allure pour regarder et me saluer d'un signe de la main qui se veut amical. A quelques exceptions près, j'ai toujours de bons contacts avec les gens du pays, lorsque je pratique le land art sur leurs terres.
Le cairn s'élève maintenant à 1,70 mètre lorsqu'une pierre s'en échappe et roule à six mètres en contre bas. C'est un signal. Le sol a bougé et je dois attendre quelques instants pour connaitre la suite de l'évolution,. Restera-t-il debout ou bien va-t-il s'écrouler, ce qui rendrait toute reconstruction impossible étant donné l'état du terrain. Le cairn se tasse, se penche légèrement et s'assoit sur sa base. Je vais devoir maintenant terminer et donner une forme de dôme au sommet. Chaque déplacement est calculé pour ne pas ébranler l'édifice par des vibrations provoquées au remblai qui entraineraient ce cairn à sa fin. Il faut le regarder avec respect. C'est le moment le plus délicat, chaque pierre ajoutée pouvant être fatale. Je tiens, simplement à terminer, à m'éloigner un peu, le photographier, et avec un peu de chance, reprendre ma marche sans qu'il ne s'écroule.
Malgré le vent, le mauvais temps, le sol instable et la difficulté à le réaliser, ce cairn décide de rester debout, pour mon plus grand plaisir. Je reprends ma marche vers la carrière où je vais continuer à vivre cette première journée de printemps en compagnie des pierres. Éphémère...éphémère quand tu nous tiens.


Roger Dautais





L'arrêt du vent


Le vent emporte nos malfaisances,
il fait tourbillonner au-dessus de nous
nos ruses idiotes
puis les laisse tomber à terre
où elles fleurissent.
Le vent rassemble les petites paroles
- allons venez par ici-
quand elles sont humides
et les dépose en haut des arbres accueillants,
puis les répand à terre,
souvenirs desséchés de rien.
Le vent emporte les feuilles déchirées
d'une courte histoire
et, comme elles s'envolent, la page d'une vie
devient lisible, à lire le jour
où tombera le vent
comme une conclusion indubitable.

Katerina Anghelaki-Rooke

" Des îles et des muses"

samedi 20 mars 2010





Les toutes petites limites...



J'ai repris cette très belle expression de Manue pour titrer ce dernier travail d'hiver. Et quel hiver pour moi! Je suis parti hier, sur le terrain, dans l'intention de trouver un lieu, une idée, une inspiration qui pourrait illustrer cette dernière journée, calme et grise. Pas question de faire du beau, du sensationnel, du joli. Non, simplement comprendre un lieu, un instant de vie, une absence et vivre avec tout ça. Ce sont les pierres qui une fois de plus m'ont attirées. Un magnétisme inévitable, une compagnie, rugueuses mais aimable, un " lieu" à elles toutes seules, capable de contenir toute mon émotion. Travaux qui poursuivent une envie d'avancer encore un peu, travaux qui me poussent à expérimenter ma propre vie dans ce chemin artistique sans balisage, respiration de l'imaginaire qui retrouve souffle et mémoire au travers quelques pierres assemblées, avec le même questionnement et le même plaisir qu'au Maroc, en Tunisie ou au Portugal. Travaux qui me montrent "les toutes petites limites" de mon être, a approcher à comprendre, à tenter de dépasser pour que la vie ne s'arrête pas là.



Roger Dautais





à celle que j'aime et accompagne dans la vie...





Tu aimes la lumière
l'obscurité je la hais
donc quand l'amour
nous a saisi
ni ombre ni peur
n'ont duré.
Main dans la main nous allons
bonjour soleil
bonne nuit lune
accolade fraternelle aux humains
ceux aux yeux bleus
car souviens-toi: tous maintenant
ont les yeux bleus
puisque souvent
iles regardent la mer.

Deni Koulentianos
"Des iles et des muses"

jeudi 18 mars 2010






L'autre monde est bien présent, encore faut-il s'arrêter un instant, se pencher sur lui et attendre la réponse.

Roger Dautais







Ce n'est rien. Je note. Le froid gante ma plume.

Eau glaciale des hauteurs toutes proches
sur le visage et le sentiment immédiat d'être un autre que soi.

Floraison, quelque part, disproportionnée.
La saison casse.




***





N'expliquons rien. Concevons tout. Les avenues
de l'impossible sont sans direction.

Les mots sont encore dans leur bogue. Ici et là
on les extirpe à grand coup de bâton.

Le non que l'on oppose au monde cogne à la vitre
d'un autre monde. Nos refus se répercutent,
les mondes--eux--s'amplifient.


Philippe Denis

"Notes lentes".

mercredi 17 mars 2010



Cénotaphe...



Je marche sur cette immense plaine qui surplombe la ville et je retrouve dans mes souvenirs cette grande usine métallurgique, autrefois installée ici, et rasée brutalement par ce que l'on appelle la conjoncture ! Quelques entreprises ont poussé ça et là et " le plateau" comme on l'appelle ici, est toujours en chantier. D'énormes décaissements de terre ont fait apparaître des pierres et c'est justement ce que je cherche. Je trouve un tas de pierres, mêlée de terre, mais dont je peux approcher aisément.
Il me suffira de les déplacer de quelques mètres vers la gauche pour y trouver un terrain stable et suffisamment plat pour y élever un cairn. Je dispose de deux heures et cela me suffira pour atteindre mon objectif. La base du cairn est tracée avec de grosses pierres et il ne me reste plus qu'à élever l'édifice. Je choisis les pierres une par une, suivant leur forme, leur poids car une seule erreur et le cairn peut s'écrouler. Elles sonnent entre elles, "chantent" dans cet espace vide, s'assemblent, se prêtent, se tournent, comme si elle voulaient m'aider. à 1.40 mètre du sol, c'est l'incident, une grosse pierre s'échappe du cairn, glisse et tombe à terre en entrainant quelques unes avec elle. Le cairn entier bouge, se tasse, s'assoit et décide de rester debout. Je vais tenter et réussir une "réparation" qui va tenir jusqu'au bout. Une fois achevé, il mesure 160 cm, ce qui est relativement petit mais bien proportionné à la taille de la base et surtout à ma réserve de pierres.
Je prends quelques photos. et je m'éloigne. Ce cairn s'inscrit bien dans ce paysage en chantier, non loin du tas de pierre qui lui a donné naissance. Cénotaphe pour une pensée à celui qui vient de me quitter.



Roger Dautais





Patience à l'aulne des veilles serait justification
d'un délai si nos pieds avaient fait
provision de vertiges.

Cette trop humaine science des virgules.


Saurai-je, aujourd'hui, vanter la saveur d'une
poignée
de terre contre les mérites d'un doute ?


Philippe Denis
Notes lentes.

mardi 16 mars 2010




à mon Père...


Ce n'est plus exactement l'hiver et le printemps n'est pas encore là. Dans ce no man's land j'ai marché, hier,d'une rive à l'autre, au-devant de nos souvenirs communs. D'osier ou de liane, mes doigts ont retrouvé les gestes d'autrefois, dans le jardin où je te suivais. Au soleil couchant j'ai ressenti ce froid intérieur qui me parcours si souvent depuis ton départ. Tu vois bien, chaque jours, ils viennent te rejoindre, les autres, pour se coucher sous la terre,
aujourd'hui Jean que tu aimais entendre chanter. Il semble qu'il n'y a pas de pause dans cette moisson et qu'il faut tellement de force pour vivre malgré tout. Voici la première sphère de l'année. Elle est pour toi. Elle a déjà commencé le voyage pour je ne sais où, chargée d'hiver, de printemps, d'eau saumâtre, d'eau du ciel, de souvenirs. Elle raconte une histoire. Il faudra l'écouter jusqu'au bout.


Roger Dautais





J'AI OSE LE SOLEIL

J'ai osé
et j'ai regardé
dans les yeux.
Maintenant , marquée
par la lumière,
tout le reste me paraît
insignifiant.



QUE DE PÂLEUR

Que de pâleur
resplendit l'Anatolie( l'aube)
face à ton sourire
Et le feu,
si peu brûlant
compare à ton regard !



SONGE

Songe
à combien de morts
cache la vie
Et supporte encore
un autre quotidien.



PARCE QUE LA VIE

Parce que la vie
est insupportable
Si tu ne la regardes
avec les yeux du rêve.



DANS LES OMBRES

Dans la vie
tu ne peux pas lutter
contre les ombres
contre les rêves
non plus.


Popi Sphalagakou

dimanche 14 mars 2010

aux poètes qui nous quittent...
Jean Ferrat,
René Rougerie


Ce jour là, en plein marais, l'arbrisseau mort s'est trouvé sur mon chemin. Je l'ai ramassé et je l'ai planté à l'envers dans la boue d'une mare asséchée. Je suis allé ramasser des feuilles de peuplier dans une autre mare d'eau et je les ai accrochées aux racines, donnant une seconde vie éphémère à ce petit arbre. Puis, j'ai repris ma route.

Roger Dautais




Feuilles de l'automne passé qui me devance sur
la route. Pour elle, je conçois aisément
la cinquième saison.

Mortels, nous sommes--enfin, pas davantage
que cette minuscule araignée qui traverse la table, exposée à l'humeur d'un doigt.

Sensation de froid ou d'écrire.

Philippe Denis
"Notes lentes"

samedi 13 mars 2010


Aux silences habités...



Cosmogonie

.../
Le vent se tait au seuil de l'Absence

L'Absence, au seuil d'un autre vent

La Lune navigue sur les nattes d'osier
Plus fraîche, ce soir

Femme
Qui rassemble la nuit
Dans les esquisses de tes mains
Ton pollen s'enfle au-dedans
De l'Invisible

Rien qu'un nom
Une constance .../


Théophile Obenga

Poète africain né au Congo en 1936


Création Land art : Roger Dautais

vendredi 12 mars 2010




Dans certains cas, c'est la nature de ce que l'on est incapable d'exprimer

qui donne toute sa valeur à ce que l'on parvient malgré tout à exprimer

Pierre Reverdy



Photos : Réalisation d'un ensemble de "guetteurs de marée" non loin du phare de Gatteville, dans la Manche, en Normandie.


Le choix d'un lieu, réside plus dans la concordance d'une émotion avec le paysage, d'une certaine disposition d'esprit avec l'envie de créer que d'une démarche longuement prévue à l'avance. Je me suis toujours senti "inspiré" par une foule de détails que sans doute personne ne relevait à ce moment et entrainé dans des construction indéfinissables autant qu'impossibles à finir dont je savais pertinemment qu'elles étaient vouées à une disparition plus ou moins proche. Dans ce lieu, je mesurais ainsi la petitesse de ces colonnes face au phare de Gatteville, sans pour autant trouver ce geste ridicule puisqu'il était un don à la mer. Je garde en moi, la certitude que les pierres ont une mémoire et par tant, qu'elles sont capables de revivre ces instants partagés ensemble sur l'estran à marié basse. C'est dire si le land art m'emmène bien loin des entiers battus et parcourus par le rationalistes.


Roger Dautais



Avoir la folie modeste.

Au carrefour de l'intranquillité--quel besoin
de bon sens.

La sensation d'avancer, il faut s'arrêter pour
l'éprouver. La sensations d'être là--elle--s'avérera
par le seul truchement de l'absence.


Philippe Denis
" Notes lentes "

mercredi 10 mars 2010



à Raymond A.
aux siens, disparus tragiquement

à Roselyne Bosch, pour son film" La Rafle"




La fille de moi...


Ils m'avaient dit : " votre fille est trop prolixe...réduisez...réduisez et nous publierons. Elle en était arrivée là, lorsqu'ils l'ont arrêtée. Réduire était son obsession d'écrivain. Ils l'ont emmenée à Beaune la Rolande. Au départ du camp pour l'autre, le 20 décembre 1942, elle ne pesait plus que 38 kilos, déjà atteinte par la peste brune. Ils ont fait le reste...elle ne reviendra plus.Je me la représente avec son matricule 634542 et son étoile de ficelle que je lui avait offerte pour l'avoir toujours sur elle, pliée dans sa poche, afin de la reproduire ailleurs et penser à moi. Vivante, aujourd'hui, elle aurait suivi la voie ferrée avec moi.Elle aurait dit, comme autrefois: carré, cercle, angle, trois. Nous aurions ri, ensemble et tracé le carré, le cercle, l'angle, avec les pierres blanches du ballast puis déposé trois autres pierres blanches, comme signe de passage.
Sa boucle de ceinture, un quignon de pain au barbelé, une pierre déposée sur l'aiguillage, voilà ce qu'il me reste d'elle, voilà ce qu'ils ont fait d'elle, les réducteurs de rêve.


Roger Dautais

" La fille de moi" Récit de fiction





Il y a cinq ans, en plein hiver, je longeais cette voie ferré, pratiquement désaffectée, lorsque me sont remontés des souvenirs de marche, identiques, accompagnés de ma file Fanny, en Bretagne. Nous aimions fabriquer ces figures géométriques, entrer dans ce rituel, devenant ritournelle et repartir à l'aventure. Trente ans plus tard, toujours attiré par ces voies ferrés, je n'ai jamais réussi à me débarrasser de ces images de trains emportant les déportes vers leur sinistre destin. C'est sans doute, pour conjurer cette peur que je m'arrête et fabrique de petites installations éphémères, marquant mon passage. J'ai pratiquement écrit ce court texte présenté, ci-dessus, in situ. Quelques temps après cette création filmée, et présentée ici, je rencontrais Raymond A. seul rescapé avec son frère, de toute sa famille ( plus de 40 membres) de la Rafle du Vel' d'Hiv du 16 juillet 1942, dont il est devenu le président National. Je lui ai montré mon travail et nous avons très vite sympathisé. Je vous avais raconté comment, après, il était venu par deux fois, alors que j'évoquais les victimes du 6 juin 1944, sur les plages de Normandie, et ceux de la Shoas, représenter la communauté israélite. Un jour, il me demanda de l'accompagner au cimetière Américain de Colleville sur Mer, non loin de la plage d'Omaha Beach, pour déposer officiellement, pendant la cérémonie du D.Day, la gerbe de son association de mémoire des rescapés de la Rafle duVel 'd'Hiv, ce que j'avais ressenti comme un grand honneur, et une marque de son amitié, et de reconnaissance pour mon travail.
Et puis ce matin, jour de sortie du film La Rafle de Roselyne Bosch, j'étais à installer mes trois petits vidéo et je les mettais en ligne, avant même d'y joindre le texte "La file de moi " arrivait sur mon blog le commentaire d'Epamin.( Je vous laisse le plaisir de le lire).Je me suis dit : "vraiment, elle me connaît bien" et en même temps, j'ai ressenti ce commentaire comme un encouragement à publier ce texte. Il faut savoir qu'à chaque fois que j'évoque la Shoas,sur Le Chemin des Grands Jardins" je ne reçois pas que des encouragement, loin de là, ce qui me vaut, maintenant de prendre quelques précautions.

Roger Dautais


jeudi 4 mars 2010






La clé de Florence
...


Il m' arrive parfois de créer une figure géométrique et de la reprendre dans différents endroits. En l'occurrence, je créais celle-ci le 15 juin 2005, sur la côte de nacre et lui donna un peu plus tard le nom de Clé de Florence. Je l'utilisais par la suite, sur différentes plages normandes pour demander la libération de Florence Aubenas, et de son chauffeur Hussein, retenus en otage cette même année, en Irak, pendant plusieurs mois.
En quatre photos, je peux revivre cette prise de possession de la Clé de Florence par la mer, qui devait la recouvrir, ce jour là, en moins d'un quart d'heure. Merveilleux spectacle éphémère partagé avec deux ou trois personnes qui arpentaient la jetée d'où j'ai pris ces photos.



dialogue avec mon Père
qui repose en terre Bretonne.


Je n'aurais
pas voulu
m'éloigner
de lui sans lui dire
combien je
l'aimais.
Maintenant
qu'il dort
je continue
à le lui dire
et
il me répond.

"Regarde le printemps
mon fils
il contient
tous nos rêves.
Je t'ai montré
comment passer la porte
jusqu'à la fonte des neiges.
Entre dans mon jardin
nous serons ensemble
pour les fleurs prochaines,
toi, pour les cultiver
et moi pour les nourrir"

Roger Dautais

mercredi 3 mars 2010


L'échelle des jours, en Mars...et ses douze raisons


Ainsi se nomme mon installation qui culmine à deux mètres. Bien peu de chose devant la tempête qui nous est annoncée, même si, pour le moment, seul le vent prédit le mauvais temps. Dans ce genre d'installation réalisée en un peu moins de deux heures, il faut maîtriser deux choses, l'équilibre et le poids ds pierres. La tempête des derniers jours a désensablé une grande partie de l'estran et fait apparaître des centaines de très grosses pierres sur lesquelles il me faut progresser pour aller à la recherches de celles nécessaires à l'élévation de l'échelle des jours. J'ai donné le nom à cette création, il y a une dizaine d'années en décidant qu'elle comporterait 7 niveaux représentant les sept jours de la semaine. Parfois, comme ici, je la termine par une colonne de petites pierres. Ses douze raison l'accompagnent en silence, mi revenants mi-vivants ou survivants provisoires, et attendent le déchainement des flots qui va tout remettre en ordre, ici et continuer de dévaster la côte de nacre, sur 50 kilomètres comme annoncé. A la folie prétentieuse des hommes bâtisseurs et cupides, la mer apporte une terrible réponse et reprend son territoire sur les polders.
Je quitte l'estran, le dos brisé par l'effort et les mains usée par les pierre, en me posant l'éternelle question...pour combien de temps, encore, ce drôle de jeu de construction éphémères ?

Roger Dautais




La tristesse
n'est pas mon métier
Mais comme elle est rare
la joie pure !



Je fais semblant de vivre
L'effort est louable
puisqu'il faut absolument
payer de retour
cette chienne de vie


Abdellatif Laäbi
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Landartiste, photographe, auteur de livres pour enfants, Roger Dautais est aussi un artiste atypique, sensible et attachant.Il a sû, dans la diversité de ses expressions, trouver une harmonie par la pratique quotidienne de cet art éphémère : le Land Art. Il dit "y puiser forces et ressources qui lui permettent, également, depuis de nombreuses années, d'intervenir auprès de personnes en grande difficulté ( Centre de détention pour longues peines et personnes âgées atteintes de la maladie d'Alzheimer) pour les aider par la médiation de l'art.