La vie, comme elle va

"S'il suffisait de lire comme dans une bulle de cristal, alors, ce serait, facile.Mais il faut vite déchanter, prendre la route, sac au dos et marcher, toujours marcher pour oublier ce que l'on a déjà fait, ce que l'on va faire. Il faut attendre que la nature nous prenne et nous ouvre sa voie. C'est une progression incessante, pour de si petites choses".
Roger Dautais . Septembre 2009

Un voyage étonnant au cœur du land Art

vendredi 29 mai 2020

à Michèle Schang

De mon enfance en caniveau, il me restait si peu de bonheur. Mais le sourire de ces deux soeurs de misère, je les garderai à vie.
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À Édith et Maud,
mes étoiles de guerre..
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La clandestinité, on l’avait choisi pour elles, dans cette France de collabos , devenue trop dangereuse à vivre. Même pour de jeunes enfants, le temps n’était pas à se promener dans les rues, avec une étoile jaune sur le cœur. Leurs parents s‘en étaient séparées, pour les sauver. Elles étaient arrivées, toutes les deux, un hiver dans une ferme des côtes du nord, en Bretagne. La famille était protectrice. On les avait aussi obligé à changer de nom. Elles s’appelleraient, désormais, les sœurs La croix. Issues d’une famille juive non pratiquante, elles avaient dû, provisoirement, suivre la religion catholique, aller à la messe, réciter des prières, qu’elles ne connaissaient pas. Ce n’était pas leur nature de prier et elles n’aimaient pas ça.
Édith et Maud, étaient restées cachée dans cette ferme jusqu’à la libération avant de rejoindre Paris. A part une tante du côté de leur mère, tous les membres de leur famille avaient été déportés, puis exterminés.
Leur tante était venue avec elles, habiter dans une petite ville, du nord de la Bretagne. Elles vivaient toutes les trois dans ma rue.
Très vite, Édith et Maud étaient devenues mes amies. Cela me permettait de m’échapper très souvent de ma maison, où j’étais maltraité. Je leur racontais tout.
C’est ainsi qu’en échange, elles m’avaient fait des confidences sur leur vie.
Le père de mon ami Titi,le voisin du dessus, n’aimait pas les juifs .Pour cette seule raison,Titi ne participait pas à nos jeux. Un jour, il m’avait montré un livre, appartenant à son père: Mein Kampf. Pour que je le lise.
Cela ne me disait rien de lire un livre sans images et il l’avait remporté chez lui.
Nos escapades, à la vieille rivière, nous les faisons tous, les deux, sans les filles.
Un jour, j’avais emmené Édith et Maud, au cimetière de la ville. Elles avait trouvé le lieu des morts, très beau. Un grand jardin, qu’elles disaient.
Elles avaient récupéré des perles dont on fabriquait de couronnes mortuaires, pour en faire des colliers et des bracelets. Très élégantes, dans leur pauvreté, elles s’ en paraient, tous les jours.
Je les avait toujours trouvé jolies avec leurs longs cheveux et leurs regards noirs. Je pense que j’aurais pu les aimer, en vrai, si elles n’étaient pas mortes, jeunes.
De chagrin, je crois.
Avec le temps, toutes ces histoires s’étaient transformées en empreintes profondes qui relevaient de leurs passages sur terre et dans mon environnement.Je les comparais à ces rivières bleues qui apparaissaient, sans que rien ne les annonce, sur les étangs du lac aux lotus.
Rien ne pouvait expliquer leur présence, mais je savais, qu’Édith et Maud, mes étoiles d’enfance, continuaient à vivre près de moi.
Roger Dautais
Route 78
Photo : création, land art de Roger Dautais
« Rivière bleue» pour pour Michèle Schang.
Région nord de Caen.
Normandie

dimanche 24 mai 2020

 " Béances "
La mort n'est rien pour nous.
Epicure ( Lettre à Ménécée )
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à Marie-Claude, femme aimée.
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Béances...
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Solitude, vieillesse, maladie, abandon, une agonie en soi qu'il faut combattre.
Cette mort qui infuse, c'est trop vague pour déjà être prise au sérieux.
Je la compare à l'air soudain grave pris par le ciel, qui cache son jeu derrière un paravent de nuages et finit par imposer sa colère en trombes d'eau mortelles.
Je suis adepte de la lecture et de la marche dans le cimetière des Quatre Nations *. J'y retrouve ce silence des zones excentrées de la grande ville bruissante et agitée, propice à la méditation.
J'y rentre par l'unique porte située au sud, trouant la grande muraille d'enceinte. Je rejoins, rituellement et en marchant, les quatre Cardinaux, en tournant toujours à gauche. Sud, Nord, Ouest, Est.
A peine si la présence des chats, dans les hautes herbes colonisant les tombes en dés-errance, , dérange les habitants du sous-sol. Nos propres échanges, sont touffus et légers à la fois.Choisir une tombe à honorer demande du discernement. L'inévitable disparition de la quasi totalité des noms sur les pierres tombales ne me dérange plus. Je m'adresse en silence, à l'ensemble des disparus.. Je compose avec cette sensation des présence et tout signe peut être interprété ou simplement perçu.
Vient alors l'instant de l'invite , la quelle il faut répondre et honorer la mémoire qui fait signe.
Discontinuité d'un rêve éveillé, fragrance de l'esprit qui veut efface la frontière virtuelle entre cette énigmatique expérience et la création qui laisseraient place au land art pour son épanouissement éphémère ?
Le cœur devient le seul messager capable de répondre à cette énigme.
Roger Dautais
Route 78


* Le Cimetière des Quatre Nations, se trouve à Caen et fait partie des lieux de promenade connus bien au-delà de la Normandie.


Photo : création land art de Roger Dautais.
" Béances " :
aux âmes vagabondes qui accompagnent nos vies.
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Note :
Béances.
sur le côté droit de cette route en lacets qui menait à la mer, je trouvais un endroit ensemencée de fleurs des champs. Sa beauté me frappa. Quelle main avait semé ces fleurs champêtres, sur ma route, peut-être, dans le dernier de mes printemps.
Une force anormale stoppait mon avancée.
J'examinais les lieux, le virage, le talus, le chêne vert.
Mais oui, c'était ça,... l'endroit même où Sara perdit la vie au volant de sa voiture, projetée sur le chêne vert, par un automobiliste aviné qui avait perdu le contrôle de son véhicule. Nous avions tous été bouleversés par la mort de cette jeune femme de 22 ans.
Dix ans après, j'étais arrêté au même endroit, par ces fleurs semées. Ce ne pouvait être qu'un signe de Sara. Je cueillis de trois fétus de paille que je posais en équilibre, pour elle.
Bizarrement, encore une fois, on me faisait signe de l'autre monde. Toute ma vie avait été ce compagnonnage avec ceux que vous appeliez de disparus, dont je me sentais proche.
Roger Dautais

jeudi 14 mai 2020

" Le voyage de la sphère " Pour Michèle Schang





.../Le voyage que l'on va entre­prendre est en soi déjà une grande aventure, mais pas de celles dont on aurait envie de parler abondamment... Le reste est silence !"
C.G.Jung.
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*À mon père.
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Un aller simple.

Je suis au fond, un homme usé. Un homme fatigué. Un écrivain qui n’écrit plus, un consommateur qui n’achète plus. Un patriote qui ne défile ni ne célèbre plus. Rien ne m’est rendu possible lorsque le chagrin inonde la morgue et la salle d’attente. Je rêve de noyade dans me propres larmes.
J’ai perdu mon père. Je suis assis, près de lui. Je lui parle.
Surtout, si vous avez envie de me consoler, ne vous occupez pas de moi.Seules les pierres m’importent un peu. Années après années, je l’ai vu sombrer. Couches après couches le chagrin s’est déposé dans mon cœur, comme une rouille en strates. Le courant ne passait plus entre nous. Le cœur à cœur, même , mis à mort.
Il avait fini par se refroidir, se raidir., emportant ses secrets.
L’effet de manque me déposait comme un voyageur sans bagages, sur le quai d’une gare désaffectée.
L’insuline réglerait ça, d’un coup, à l’ombre de notre moulin.
Entre deux affects, l’art d’aimer, vécu comme un relais inutile., comme un pont dont les piles ne pouvaient que s’écrouler, un jour prochain.
Ne plus rien faire, ne plus rien vivre, ne plus répondre aux injonctions politiques. Relire les souvenirs de l’enfance , comme des tatouages indélébiles au cœur et qui se transformaient en poison, dès l’enterrement, opéré par deux hommes trapus, pèle en main. Le bruit de la terre sur le cercueil. Mat.
Mes larmes ne sont pas la pluie. Elles adoptent le rythme de ma peine.
Suis-je devenu étranger à ce monde distancié qui recommence à à consommer, sans compter ?
Et la décroissance, devenue comme une maladie à fuir ? Je ne crois pas.
Mais, cette image en boucle.
Un souvenir du néant ? Debout, devant la tombe vide, avant d’y descendre le cercueil et de l’eau, au fond.
Cette année, je n’aurai pas vu d’hirondelles, le cœur broyé par le chagrin qui m’aura brouillé la vue.
Je pleure souvent, sans avoir la force de m’avouer qu’il y a bel et bien une raison.
Notre dernière sortie avec lui. Il voulait revoir le Vieux Pont. Il voulait boire une bière. Ces yeux étaient vides. Il nous reconnaissait peine. Il n’avait bu qu’une gorgée de bière et avait demandé à rentrer.
Au fond de mon cœur, un bruit mat, un souffle, un glissement, du liquide carmin, une valve, une chambre, mais aussi ce sentiment qui collait au sang et naviguait dans mes veines.
Rien noté d’autre, aujourd’hui que son absence.
C’est bien là, une preuve vie d’écorché vif.
On ne devrait pas s’attacher à ce qui nous quitte, à ce qui meurt.
Roger DautaisRoute 78
Photo : création land art de Roger Dautais
" Le voyage de la sphère " Pour Michèle Schang
Normandie
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Désolé de  ne pas vous répondre comme  je le voudrais. Durant ces dernières semaines,  mon état de santé s'est aggravé. Il semblerait que cette alerte soit en train de  passer. Merci  à vous tous  pour ces preuves d'amitié qui arrivent malgré tout, sur ce blog.
 Je  vous embrasse.

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Landartiste, photographe, auteur de livres pour enfants, Roger Dautais est aussi un artiste atypique, sensible et attachant.Il a sû, dans la diversité de ses expressions, trouver une harmonie par la pratique quotidienne de cet art éphémère : le Land Art. Il dit "y puiser forces et ressources qui lui permettent, également, depuis de nombreuses années, d'intervenir auprès de personnes en grande difficulté ( Centre de détention pour longues peines et personnes âgées atteintes de la maladie d'Alzheimer) pour les aider par la médiation de l'art.