La vie, comme elle va

"S'il suffisait de lire comme dans une bulle de cristal, alors, ce serait, facile.Mais il faut vite déchanter, prendre la route, sac au dos et marcher, toujours marcher pour oublier ce que l'on a déjà fait, ce que l'on va faire. Il faut attendre que la nature nous prenne et nous ouvre sa voie. C'est une progression incessante, pour de si petites choses".
Roger Dautais . Septembre 2009

Un voyage étonnant au cœur du land Art

mercredi 25 août 2010











Land art : une histoire parmi tant d'autres
...





Dimanche matin. Le temps est maussade, le plafond des nuages et bas, le vent d'ouest fait craindre des ondées. Il fait 16 degrés, ce qui n'est nullement exagéré pour un mois août. Je prends la route et vais compléter la cueillette de baies nécessaires à des installations flottantes.
Je me dirige sur le plateau qui domine ma ville et retrouve facilement le petit étang où je désire travailler. Pas très grand, pas très profond, avec des berges garnies de lantes aquatiques et, cette année, une étendue de nénuphars et fleurs. Je m'habille en conséquence, short, t shirt et sandales en plastique. Petite précaution, je laisse mon sac à dos au sec et commence à descendre avec précaution dans une eau noire, peu engageante. Les berges sont glissantes et il faut y aller doucement. L'eau est assez froide et je vais y travailler pendant deux heures. Ce n'est pas très confortable . Je fabrique un petit radeau de fortune avec des morceaux de bois oubliés par des pêcheurs . Il va me servir de table flottante pour y disposer les sacs de cueillette.
Je suis au beau milieu des nénuphars. Le spectacle est si étonnant que je reste là, pendant quelques minutes à profiter de ce point de vue original. J'entends la voix d'un homme qui donne des ordres à son chien, de façon brutale. Le charme se rompt. Je me souvient du berger allemand, la morsure violente à la face, mon évacuation à l'hopital, les urgence. Tout défile dans ma tête. Et si le chien descendait dans l'eau. Les aboiements s'éloignent, je n'entends plus ni le chien ni la voix de l'homme. Je reprends mon calme et contemple à nouveau les nénuphars. Je vais tout d'abord travailler autour d'une de ces superbes fleurs. Puis je vais décliner les installations que je veux, légères, colorées et flottantes. Ce matin, Marie-Claude a retrouvé des coquilles d'oursins que nous avions préparés, grattés, lavés et fait bouillir pour en faire de petits objets de décoration. Nous avons cela depuis plus e 10 ans à la maison et elle me les donne :"pour le land-art". Je les utilise ici, comme une liaison avec la mer qui après tout, n'est qu'à un vol d'oiseau de cet étang. J'ai froid. Le soleil a fait quelques timides apparitions avant de disparaitre définitivement sous les nuages. La luminosité est tout de même meilleure que ce matin. Je prépare, je coupe, j'installe et les baies rouges, m'échappent, roulent sur les feuilles tombent à l'eau, coulent, avant de revenir à la surface. Il faut du temps, beaucoup de temps avant de réussir quelque chose car le milieu est très instable. Heureusement, j'ai une patience à toutes épreuves lorsque je pratique le land art, moins, dans la vie courante. Il est temps de prendre quelques photos. Je remonte sur la berge et ressens le froid du petit vent d'ouest, toujours présent. Je sors mon appareil photo du sac à dos. Je le règle, le mets en bandoulière sur le dos et descend une dernière fois dans cette eau noire et froide. Glisser et tomber ici et je pourrai dire adieu au matériel. Je m'en tirerai, mais pas l'appareil ! Je me déplace avec prudence, provoquant malgré tout, quelques ondes. Elles déplacent mon travail. Je rectifie, prends les photos nécessaires. C'est terminé. Je pense aux miens. Ils sont si loin. Je suis seul. Je quitte les es lieux. Demain, je serai à la Pointe du Hoc, non loin d'Omaha Beach,avec d'autres souvenirs inscrits dans des histoires de pierres, cette fois.


Roger Dautais

P.S. Dans la page précédente du Chemin des Grands Jardins, Nancy Medina, artiste Américaine, habitant le Texas, m'a demandé de lui présenter des installations à base de coquelicots. Je lui dédie bien volontiers, la publication des deux dernières photos ( déjà présentées sur mon blog).








à la femme que j'aime...


Le temps s'égoutte et les mots me manquent pour dire l'absence. Je garderai le secret souvenir du jour où la lumière m'aura quittée. La nuit est une autre raison, une autre musique, un cri. Au travers des champs labourés, je compterai mes pas sans espoir d'arriver seulement à te revoir. Pieds nus, boueux, cheveux et dos mouillés par une pluie d'orage, je te chercherai, fragile,les yeux blancs de larmes. Quel chien saura me tirer de là, quel hurlement déchirera les ténèbres, quel espoir succèdera au naufrage ?
Ici, les nuages se mêlent aux beaux souvenirs et le vent emporte mes lambeaux de peau.Ici, je ne suis qu' épeurissat* à peine évité par les oiseaux. Tu tremblais de vivre et je te donnais ma force. Tu es passée au-dessus de la vague. Je ne sens plus ton odeur de battante depuis que tu es devenue, oiseau.Je rentre en glèbe et j'attends que tes mains me pétrissent. Reste ici, près de moi, nous marcherons ensemble. Prête-moi tes yeux, guide moi jusqu'à l'au-delà. L'aulne vert frémit sans doute et je n'entends plus le froissement de ses feuilles, cette musique intime. Je ne vois plus les ondulations de la rivière, ni ces joncs dont mes mains fabriquaient de minuscules embarcations. L'enfance est revenue habiter mes vieilles années. J'imagine bien le bleu du ciel après la pluie et le vol du héron dans les marais. Mais le ciel s'est noirci et les Pléïades ont disparu à tout jamais avec mon père. Je quitte le pays pour une vie entière. Il faudrait mille funérailles et deux mètres de bonne terre pour enfouir l'avenir.Le meilleur des bûchers ne suffirait même pas à la crémation. Le tambour du monde s'est remis à battre la chamade en secret.
Je sens la vie reprendre et les chemins s'ouvrir. Nos avenirs sont déjà inscrits dans les sables, contre vents et marées. L'illusion d'une vie caduque, la fuite des empreintes à peine posées sur les premiers nuages venus, le chant du coq et trois sorts jetés au premier qui passe n'arrêteront jamais le cours des choses.
J'aimais t'aimer, c'est entendu et l'histoire nous emporte au delà de nous. Donne moi ta main, l'histoire continue bien plus loin qu'ici, mon oiseau.

Roger Dautais

* épeurissat : nom de patois Gallo(romain) employé dans la région de Saint-Brieuc, Côtes d'Armor, pour désigner l'épouvantail à moineaux.

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Landartiste, photographe, auteur de livres pour enfants, Roger Dautais est aussi un artiste atypique, sensible et attachant.Il a sû, dans la diversité de ses expressions, trouver une harmonie par la pratique quotidienne de cet art éphémère : le Land Art. Il dit "y puiser forces et ressources qui lui permettent, également, depuis de nombreuses années, d'intervenir auprès de personnes en grande difficulté ( Centre de détention pour longues peines et personnes âgées atteintes de la maladie d'Alzheimer) pour les aider par la médiation de l'art.