
aux marins-pêcheurs de Ouistreham...
Je prends la direction de la grande plage et longe l'immense parking où se garent les poids lourds en attente d'embarquement sur le Mont Saint Michel, fleuron de la
Brittany Ferries.
Sur mon chemin, je rencontre une belle pierre. Ce n'est pas au programme mais j'adore l'école buissonnière. L'idée d'un cairn, balisant ma route, se concrétise. Je pars à la cueillette et ramène, une par une, les pierres dont j'ai besoin. Il est petit, ce cairn, grand comme un enfant, pas plus, mais tellement fière d'allure. Une offrande au soleil levant de la planète bleue !
Faut-il se perdre souvent pour trouver l'inspiration !!!
Je reprends ma route et longe le chemin de ronde, grillagé et bardé de barbelés, du port de commerce de
Ouistreham. L'immigration clandestine n'est pas souhaitée dans ce territoire. Que vaut la vie, quand, revenant de l'autre bout du monde, avec un sac plastique pour tout bagage, il faut jouer le restant à pile ou face en franchissant un double réseau de barbelés. Pourquoi cette partition du monde et qui orchestre une telle injustice ? Jamais je ne pratique le land art dans cet endroit sans penser à ces sans papiers qui passèrent des semaines dans les dunes de cette plage, démunis et transis de froid, cet hiver là, espérant, malgré tout, faire la traversée vers
l'Angleterre. Le vieux Charles, spectateur et voisin de cette misère du monde, quittait sa maison, proche du lieu, traversait la route pour aller leur porter un peu de nourriture, et des couvertures. Simple geste fraternel et de pûre humanité.
Un jour, ils furent chassés,
manu militari.
Loin du land art, tout ça, mais c'est la vie.

Au bout de ma route, de grands empierrements adossés au parking, descendent en pente abrupte vers la petite plage qui me donne accès au site.
J'ai pris une demi-heure de retard, et la mer, qui monte sans m'attendre, comme elle a raison, borde le glacis où je vais opérer.
Je
tâte le sable de mon talon. Il est souple, mouillé, parfait.
J'exécute ma spirale, sous un beau soleil. Le vent, une petite brise fraîche, m'accompagne dans mon travail. Un
évènement va précipiter la
disparition de ma spirale. La grande écluse du port,
vient d'ouvrir, libérant une quantité de petits bateaux de pêche qui font la course pour être les premiers sur zone. La pêche aux maquereaux et bars a aussi ses rois de la vitesse. Ici, pas de radar. Suivent, plus lents,
majestueux, la
flottille des chalutiers qui va
déclencher une succession de vagues d'étrave. Elle viennent s'échouer sur la petite plage et recouvrent la spirale en quelques minutes. Quel spectacle, je ne m'en fatigue pas.
Je filme la scène pour vous.
La mer monte sérieusement. Il est temps de reprendre le chemin du retour. Une fois n'est pas coutume, je vais dédier cette spirale aux
marins-pêcheurs du port de
Ouistreham. Un salut amical au commandant du Mont Saint Michel et à son équipage.
Roger
Dautais