La vie, comme elle va

"S'il suffisait de lire comme dans une bulle de cristal, alors, ce serait, facile.Mais il faut vite déchanter, prendre la route, sac au dos et marcher, toujours marcher pour oublier ce que l'on a déjà fait, ce que l'on va faire. Il faut attendre que la nature nous prenne et nous ouvre sa voie. C'est une progression incessante, pour de si petites choses".
Roger Dautais . Septembre 2009

Un voyage étonnant au cœur du land Art

mardi 16 juin 2020

Maelstrom de vie :  à Guy Allix





À Marie-Claude, femme aimée.
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maelstrom de vie
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Dans ces montagnes russes parcourues tout au long de ma première vie, il m’arrivait de vomir mon enfance. Certains soirs, je pensais avoir vécu un jour de trop.A chaque fois mes tripes se crispaient. Pourtant au lever du jour, mes doigts agrippaient à cette vie détestable, croyant vivre du mieux, bientôt.Je sauvais du naufrage, quelques idées glanées la nuit, d’un rêve à l’autre. De belles occurrence rapprochaient les êtres qu’il fallait vivre avant leur fragmentation.
Mes souffrances avaient une existence circulaire, allant et venant comme les marées dans la baie.
Il m’arrivait de me lancer dans quelques travaux intérieurs, réglant une circulation sanguine, trop bouillonnante, consolidant mes os de quelques prothèses. Mais les moisissures colonisaient mes synapses. Ma mémoire amnésique, s’épaississait, cédait la place et la mélancolie reprenait de plus belle.
Plus proie que chasseur, je craignais la meute de chiens, chassant le hobo, empêtré dans les marais, emportant mes restes, comme dans le pire des cauchemars.
Te souviens-tu des images folles collées comme des affiches sur les murs du port de Caen ? Portraits au fusain, de hobos morts sur la route et que le vent décollait sans pitié. L’âme de ces morts tintinnabulait dans les impasses des docks. On dansait avec eux, sur les trottoirs à putes, certains soirs avinés.
Finir là-bas ou ailleurs, au pied des cargos dont certains marins ravitaillaient en came, nous était égal.
C’était toujours ce fichu et même temps donné qui s’écoulait.
Il aurait fallu ,après l’incendie de nos êtres, trouver une place sur les pavés luisants pour répandre la dernière poignée de cendres que le vent aurait dispersé.
Mon univers se situait au-delà de mes propres limites. Ma lumière , se partageait l’espace intime avec ma part d’ombre intérieure. Ce lieu incertain contenait une once de magie née de cette tension alternative.
Une sorte de réponse au doute. Les affres de mon corps vivant, différenciaient ma chair de la pierre. Éveil de sensualité à fleur de peau.
Je laissais à l’univers le soin de m’absorber.
Je vivais ailleurs, avant tout, étranger, sans appartenance. Ma peau témoignait de mes gênes.A peine posé quelque part, je poussais mes racines dans le vivant. Une manne inattendu qui sauvait la mise. Puis, je reprenais la route
Si je m’en étais sorti à chaque fois, jusqu’ici, je payais pour savoir que les rescapés n’avaient jamais raison. Personne ne voulait entendre leurs récits catastrophiques, pleins de geôles, de cachots, de trains et de barbelés..
Etais-je perdu dans ce maelstrom de vie?
Non, j’avais toujours une boussole dans mon sac à dos. Je savais les routes à ne jamais prendre comme celles qui menaient au fascisme. L’orientation aux étoiles, que je pratiquais depuis mon enfance, gardait un parfum poétique. Je conservais cette habitude, depuis ma jeunesse sacrifiée et les nuits à la belle étoile.
J’aimais, dans la baie, cueillir les salicornes que je mangerai le soir avec toi, dans notre cuisine. J’aimais de plus en plus, lorsque tu me regardais avec tes yeux bleus.
L’âme de la baie où je pratiquais le land art, était curieuse, venteuse, grise. Sous ses airs de poésie flottante, les bulots continuaient à manger les yeux des péris en mer, entre deux marées.
Sortie d’un bois de pins maritimes, la tourterelle turc, devenait le trait-d’union vivant entre le souvenir du lieu gardé dans sa mémoire d’oiseau et la réalité d’une étendue d’eau de mer, quelle survolerait sans jamais la maîtriser.
Vous désiriez où je vivais, passante, sans soucis ? Si je le savais vraiment, sinon en moi lorsque je ne me quitte pas.
Enfant de pourchassé, très vite indésirable, j’avais pris la route de l’exode dans ma jeunesse pour chercher le passage vers l’autre rive. J’y marchais encore.
Pourquoi attende qu’une bonne âme me tende la main et me montre l’embarcadère, pour cet autre monde, sans guerres, sans racisme, sans dominants, sans violence, sans colons ? Je le connais, rêvant aux jours meilleurs et c’est là que je vais m’asseoir les nuits de grande peine.
Roger Dautais
Route 78
Photo : création land art de Roger Dautais
" Maelström de vie " à Guy Allix.
Normandie.

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Landartiste, photographe, auteur de livres pour enfants, Roger Dautais est aussi un artiste atypique, sensible et attachant.Il a sû, dans la diversité de ses expressions, trouver une harmonie par la pratique quotidienne de cet art éphémère : le Land Art. Il dit "y puiser forces et ressources qui lui permettent, également, depuis de nombreuses années, d'intervenir auprès de personnes en grande difficulté ( Centre de détention pour longues peines et personnes âgées atteintes de la maladie d'Alzheimer) pour les aider par la médiation de l'art.