La vie, comme elle va

"S'il suffisait de lire comme dans une bulle de cristal, alors, ce serait, facile.Mais il faut vite déchanter, prendre la route, sac au dos et marcher, toujours marcher pour oublier ce que l'on a déjà fait, ce que l'on va faire. Il faut attendre que la nature nous prenne et nous ouvre sa voie. C'est une progression incessante, pour de si petites choses".
Roger Dautais . Septembre 2009

Un voyage étonnant au cœur du land Art

mercredi 30 janvier 2013

Parole de silence
Jeu de massacre
Petite mémoire
Récit 42 : Pour Raymond, seulement
Témoin gênant
La trace
Grande spirale de Merville-Franceville
La vie discrète
Impression d'hiver : pour Moun
L'heure  unique
Ondes courtes : Aux métallos
Les guetteurs
Guetteur de marée : pour Isabella Kramer


Je ne suis qu'un passeur de sens qui voyage entre deux mondes.
R.Dautais


Le jour d'après...

N'ayant  pas la patience, ce jour  là d'attendre que la mer  monte, je la quitte et prends la route, direction plein Sud. Après une demi-heure de trajet, j'arrive sur ce que j'appelle "le  plateau des âmes en peines", vaste étendue de friche  industrielle qui plane au-dessus de la grande ville voisine , comme  un  reproche permanent. On ne rase pas  une usine métallurgique et ses hauts fourneaux sans casse humaine. J'ai toujours aimé les lieux qui se révoltaient contre  l'injustice. Vingt ans après cette fermeture dramatique  pour des milliers d'ouvriers, j'entends encore la longue plainte du beuglant annonçant la coulée, accompagnée de  cette lueur rouge,perçant la nuit, visible de chez nous,  à plusieurs kilomètres de  là.Je me souviens des luttes ouvrières, des grèves, des drames provoqués  par cette fermeture,  puis du démontage de l'usine, emportée pièce par  pièce, jusqu'en Chine  à grands renforts de cargos. En hiver, la silhouette du grand réfrigérant, continue à témoigner, de sa masse  imposante,  dernier survivant de cette histoire, tout en maudissant ces casseurs d'usine.Comment rester insensible à ces histoires d'hommes que le vent colporte sur ces terres sacrifiées. Comment ne pas capter cette mémoire qui suinte toujours du sol? 
La neige s'est accrochée par plaques sur ce plateau. Je me suis agenouillé dans ce grand espace  vide pour réaliser  trois mandala dans ce désert pollué, en souvenir de ces
métallos, Français, mais aussi étrangers, Russes, Polonais etc. ayant trimé ensemble en ces lieux maintenant désertés. Oubliant le froid, mon âge et mes vieilles douleurs, je dispose avec précision, des ronds concentriques de baies rouges cueillies dans un cotonéaster. Suivent les feuilles taillées aux ciseaux, les chatons de noisetier, les brindilles. Les heures passent et lorsque j'aurai terminé mon travail,  à la tombée de la nuit, je n'aurai rencontré personne. Un dernier regard au grand réfrigérant que la nuit ne va pas tarder  à envelopper et je reprends la route.

Le jour d'avant...

Voilà deux jours que la neige s'absente par endroits. Je me dis qu'il doit en rester encore un peu sur la côte. Je prends la direction de Cabourg et je m'arrête au hasard, dans la petite station balnéaire de Merville-Franceville. La plage est immense et balayée ce jour là,  par un vent glacial. Il fait -3°, ce qui veut dire un  ressenti de -6°. La neige s'est accrochée aux dunes, s'appuyant sur les oyats.Je remarque, sur la plage, une longue trace d'un tracteur s'avançant vers la mer. La neige s'est accumulée dans les ornières. J'aimerais réaliser une spirale qui tiendrait compte de cette mémoire blanche, en forme de tracer rectiligne qui relie un passé récent à la mer.
Je me demande  pourquoi je continue d'être attiré par ces immensités désertiques et pourquoi,  malgré le froid, je me bats  presque tous les jours de cet  hiver pour tracer  une spirale de  plus. Spirale que personne ne verra probablement avant que la mer ne la recouvre.C'est peut-être le goût de la solitude, celui de l'effort aussi, un  peu de la continuité dans le chemin parcouru et surtout la présence de la mer qui m’enchante et me calme  à la fois.J'aime cette  mer qui me rend  libre et me renvoie aux jours heureux vécus en Bretagne.Et  puis,  il faut dire que je n'aime pas les foules ni ces masses de gens agglutinées dans les grandes surfaces, avides de consommer toujours  plus.Je les fréquente le moins possible C'est donc par goût de l'évasion que je suis devenu, voyageur.
Une phrase de Dan Ar Braz me trotte dans la tête : Rien ne nous appartient. on appartient  à cette terre sur laquelle nous vivons". J'aime assez cette idée et je m'en rapproche chaque jour un  peu plus. C'est ainsi que, accompagné  par elle, je désigne un endroit comme devant être le centre de ma future spirale et je plante mon talon droit dans le sol. Il  me sert de soc de charrue et c'est lui qui va tracer la figure jusqu'à la fin. Je déroule le sillon avec difficulté. Le sable est souple mais truffé de pierres qui font dévier  mon  pied.Contrôler, l'écart et  le parallélisme du sillon  me demandent de gros efforts physiques. Je souffre des jambes,  à la limite des crampes car il fait très froid et mes muscles se contractent. Malgré toutes ces difficultés, la spirale est bien équilibrée. Elle "tourne bien ". Elle sera  même un  peu plus grande que d'habitude. 49 mètres de circonférence, une belle  pièce  ! De plus, j'ai réussi ce que je voulais. Elle intègre  bien la trace  de neige. Ce rapprochement  me va car il dynamise  mon installation qui semble rejoindre la mer. Je termine mon installation, complètement frigorifié  mais heureux.

Le jour même.
C'est un  jour noir, un  jour dont le ciel pèse lourd sur les épaules et mange la lumière. Le vent est déjà levé mais il forcira certainement dans la soirée. C'est  maintenant qu'il faut y aller.Je vais me rendre sur le plateau de Colombelles où l'hiver m'attend. Je pars du canal, traverse un  premier terrain vague,  puis  un second et j'oblique vers le Nord. J'entends au  loin, les bruits de la ville mais  il  n'y a personne dans les parages.Je longe  un  bosquet de buddleias fatigué par les coups de gel successifs .J'atteins un ancien pont métallique rongé par la rouille et dont le franchissement n'est pas conseillé  à cause de son état. Avec des précautions de chat sauvage, ,je l'emprunte et franchis l'ancienne voie ferrée,  puis  le fleuve qui courent dans la vallée au pied du plateau,  sur lequel je débouche après avoir escaladé un dernier terrain très pentu. Le grand réfrigérant me toise. A sa droite, un bâtiment industriel en ruine sert d'exutoire aux taggers de la région.  Ce lieu est  insalubre. Très rapidement je suis transit de  froid et je décide de  marcher avant toute chose  pour me réchauffer.Je ferai  une très grande  boucle autour de ces deux "ruines industrielles et j’installerai, en route. L'ambiance est glauque, digne d'un polar de Stephen King. Le peu de lumière me ferait croire que la nuit tombe. Il n'est que 15 heures.
Saurais-je raconter ces heures  où je m'absente d'elle alors que la vie n'en finit pas de s'user. Je suis  un  oublié du temps, un voyageur  immobile happé par des installations éphémères.Je ne suis qu'un passeur de sens qui navigue entre deux mondes.
Ma mémoire s'absente aussi, me déleste des soucis du quotidien et me permet de créer, jour après jour dans cette apnée volontaire.
 Je vais ainsi commencer par une spirale de graviers noirs, avec en toile de fond, le grand réfrigérant. Quoi de mieux que ces ondes sorties du sol pour envoyer ce message au monde : Respectez  les hommes et conservez nos outils de travail. Puis j'obliquerai vers l'est et trouverai de la neige autour d'une mare pour réaliser quelques petites installations dont l'étoile de mon ami Raymond qui repose en paix mais reste toujours vivant dans ma mémoire. En quelques heures, je termine le tour de ce  plateau désert et j'élève  un dernier cairn pratiquement au pied du grand réfrigérant. Belle rencontre.Je pense que cette nuit,  ils se parleront. Avant de reprendre le chemin du retour, j'entre dans l'enclos du grand  réfrigérant.Immense cathédrale de béton, sans toit. C'est un univers de courants d'air, de poutrelles de béton armé, avec un sol jonché de gravats, à  moitié inondés.Spectaculaire et un  peu effrayant  à la fois. J'y ai déjà crée des installations  mais ce soir, il fait trop noir, et je suis fatigué par ce froid intense. Je n'ai  plus qu'une envie, marcher. Et c'est ce que je fais en direction de la maison  où m'attend celle que j'aime.

Roger Dautais




Si chaque fois que

Si chaque fois que
je sue je te perdais je serais rendue
à bon port :
tu ne reviendrais point dans
ma gorge le matin mais
suaire de toi sur mon
drap.


se ogni volta che
sudo ti perdessi sarei
a buon punto :
non torneresti in
gola la mattina ma
sindone di te nel mio
lenzuolo.

Elisa Biagini

 http://www.elisabiagini.it/online/


Rien ne dit
la source
ni la fougère
ni  la mousse
ni  la salamandre amie
de  l'ombre
Je sais l'endroit
à mi-pente
de la rue Anne
et le garde
secret
comme un serment
fait  à  mon  père
disparu.

Roger Dautais

mercredi 23 janvier 2013

Le présent orangé au passé
Sur la route de Balbec
Équilibre :  pour Brigitte Célérier
Diagonale gelée
Cohabitation des saisons
Petit signe aux migrateurs
pour Marie-Josée Christien : Attachement:
Évolution
Pour Guy Allix : Une fois dit
La Terre, elle souffre...
Voluptueux silence
Le guetteur de l'ombre
Le voyage de la sphère : à Denise Scaramai

à Guy Allix, fraternellement


Sur la route de Balbec, l'adieu des bois flottés

J'ai pris la route de Cabourg. Le soleil perce la couche de nuages en fin de matinée mais il  reste pâle.La radio nationale est en grève. Je profite d'un flot continu de musique.Je roule depuis  une demi-heure. J'aperçois le phare de Ouistreham.,  puis la mer, au bout de l'estuaire. Je gare ma voiture sur le bas côté et je prends le chemin  qui borde  la réserve d’oiseaux de Sallenelles.
Devant  moi s'élève une digue qui masque les marais servant d'abri aux migrateurs. Trois oies décollent de la zone humide dans un  lourd battement d'ailes. Elles volent en  ligne  puis modifient leur formation avant d'amorcer  un long virage  à droite. Elles survolent tout le marais  puis reviennent droit vers  moi. Le spectacle est impressionnant. J'observe très bien leur bec orangé et ce long cou très reconnaissable..Elles obliquent vers l'Est et prennent la direction de Balbec.Sans doute rejoindront-elles le canal pour s'y poser et nicher  plus tard.
Le chemin est boueux, glissant, à cause des dernières marées qui l'auront recouvert. J'arrive au niveau d'un ancien cairn qui a un  peu souffert, mais reste reconnaissable. Je pose mon sac et j'entreprends , sans trop de mal de le retaper.Les pierres ont été jetées  à terre, mais elles restent  à portée de main, ce qui est bien  pour  moi car elles sont lourdes. En 45 minutes, tout est en ordre. Avec ce genre de pierres,  il faut bien assurer chaque calage car elles sont lisses et glissantes. On, est toujours  à la limite de l'éboulement.
Je quitte les lieux, reprend  ma marche et arrive bientôt sur la plage. La configuration des lieux évolue sans cesse, comme souvent dans les estuaires. La plage est parallèle au fleuve et borde le  marais de la réserve. Elle commence en pointe  et va, s'élargissant, vers le port de plaisance, déserté, l'hiver. PLus de sable fin. La mer  a y dépose des alluvions et bientôt, ce ne sera  plus qu'une grève glissante. L'estuaire s'envase chaque jour.
Je longe le mur en traverses de rails de chemin de fer, qui retient la dune et la protège contre les coups de boutoir des  marées les plus fortes. A l'extrémité Nord de ce mur, je découvre une énorme souche d'arbre déposée par la mer à  l'endroit même  où,  il  y a quelques années, je commençais ma série de"Gisants de Sallenelles".
Je décide de travailler, ici, en souvenir.Ce lieu ne m'a pas encore tout dévoilé de sa force.
Je vais orienter ce gisant Est-Ouest, la tête au soleil levant, les pieds au soleil couchant. Je travaille  à genoux. Il  prend forme et sort du sol. Le dialogue s'installe. Malgré  moi, la tête s'est inclinée vers la gauche et je ne le vois que debout. Je trouve ce dernier geste, touchant. Il humanise mon gisant, bien que je ne cherche pas  à faire ressemblant  mais simplement  à évoquer  une forme capable de s'exprimer toute seule. Quelques marcheurs, passent, s'arrêtent en silence  puis continuent leur chemin. Qu'en  ont-ils pensé. Est-ce que, comme  pour moi, cela les renvoie  à leur  propre questionnement sur la mort? Le soleil baisse déjà et je dois terminer avant la nuit. Je pars  à la recherche de bois flottés afin de constituer  un enclos autour du gisant. Une porte  ouvre cet enclos vers  l'Ouest, vers le fleuve qui va  à la mer. Tous ces signes mis en  place sont comme  une sorte d'adieu donné au gisant  par des  bois flottés. L'adieu des bois flottés: le grand départ. Il  manque quelque chose,  un geste,  un dernier. Je dépose trois oranges  à ses pieds que le soleil réchauffe de ses derniers rayons. Si  j'étais  musicien, je lui composerai de la musique.
Une femme accompagnée d'un gros chien, s'approche de l'installation. Je n'aime pas les gros chiens, d'abord parce que j'en ai été victime et qu'en  plus,  ils peuvent te ruiner un  travail en quelques minutes. Tout se passe bien. Elle me questionne car elle a vite compris de quoi  il s’agissait.
- "C'est toujours aussi triste" me dit'-elle?"
Je lui répond que non et je lui explique ma démarche d'artiste, de la part de ma vie qui se joue ici, des voyages, des saisons, de  l'âge qui me transforme et qui avance.
Elle comprend mieux.
Un  long cordon sort des pieds du gisant passe la porte et s'en va vers la mer comme  pour leur indiquer le chemin  à tous les deux. La rencontre se fera forcément et pas obligatoirement telle que je l'aurai  imaginée.
Je me lève et  lui souhaite bon voyage. Tout est fait. Tout est dit.
Je reprends le chemin du retour. Le soleil touche l’horizon. L'instant est sublime et  j'aimerai le partager avec celle que j'aime et qui  m'attend.

Tout ceci se passait la semaine dernière. Depuis, le froid s'est accentué, la neige est venue, repartie, puis la pluie et toujours le froid. Je suis sorti travailler dans ces conditions, continuer à baliser mon chemin de petits  ou  grands signes que la nature aura digérés. Rien n'est facile en cette saison mais la démarche vaut d'être vécue. On ne peut  toujours être dans une jeunesse éternelle ni dans  un été qui n'en finirait pas. Il faut faire avec, avancer vers l'inconnu, l’échéance.La finitude n'est pas qu'un mot !
 Je vous montrerai la suite de mes travaux puisque certains sont déjà sur cette page.
Merci à vous qui êtes chaque semaine,  plus nombreux.

Roger Dautais



 Poèmes en sursis


Il gravera ses pauvres cris dans le vent d’hiver
Et nul n’y répondra que cet immense mépris
Plus froid que le vent
Plus lourd encore que le rocher de Sisyphe
Il n’y aura pas de répit avant le terme
Mais ce seul souffle saccadé et urgent
Cerné par le gel et qui tentera
Un mètre de plus encore et malgré tout
Pour porter la vie au plus loin de la vie
Même quand il se fait très tard
Même à l’heure définitive.


***


Tu sais que la parole vient de loin
D’un pays étrange
Dont tu n’entends au juste la langue
Mais dont tu répercutes l’écho indéfiniment
Tu sais que la parole vient de loin
D’un pays étrange
Dont tu n’entends au juste la langue
Mais dont tu répercutes l’écho indéfiniment

***

Et après tout qu’importe la fin
Tu es venu ici-bas
Pour inscrire ce qui naît
Tu es venu ici-bas
Pour vivre un court instant
Ce qui n’a pas de fin


Guy ALLIX
 http://www.recoursaupoeme.fr/po%C3%A8tes/guy-allix
 http://poussierevirtuelle.over-blog.com/article-poemes-de-guy-allix-52132718.html

mercredi 16 janvier 2013

Nid au coeur de l'été
Chaman
Flotaison d'été
Joncs et buddleïas
Dérive
Mandala sur la route
Orient

Grandespirale de Ouistreham

Alliance
Franchissement

Pour Youenn Gwernig : cairn sur le Menez Hom

Liaison sur l'estran
Exil


Un incident technique me privant de la possibilité d'accéder à mes fichiers de travaux récents, je présente  une page non prévue  mais qui j'espère vous conviendra malgré tout.



aux lecteurs du Chemin des Grands Jardins...

Je ne suis pas particulièrement tourné vers le passé  mais je constate que depuis bientôt 14 années, je n'ai pas fait que de la figuration dans le monde du land art. Pourtant, je sais que je passerai sans la moindre reconnaissance officielle. Est-ce  bien là, l'essentiel quand déjà, certains des "experts de l'art" en charge de cette fonction,  ont passé. L'important aura d'avoir conquis  un public large et divers, du plus jeune au plus âgé, avec parfois le plaisir de travailler avec eux.
Tous mes voyages  à  l'étranger m'ont permis de pratiquer le land art auprès de personnes n'en ayant jamais entendu  parler, de confronter les cultures, d'échanger sur le plan artistique avec une richesse humaine et une fraternité que je ne connaissais  pas en France.
Je conserve, après ces nombreuses années de partique, hormis un physique  parfois  mis en difficulté,  la même fraîcheur, la même envie de découvrir, ce que la nature peut m'apporter. J'aime marcher, me déplacer dans le paysage et en  particulier sur les plages,  pour me mettre à sa disposition. Rien n'arrive si je ne suis pas d'abord dans cet état d'esprit, dans ce dénuement, sans idée  préconçue. L'inspiration me surprend alors que je pensais être au bout d'un processus de création. Il faut être prêt. Il faut de l'humilité dans la démarche. Il faut tout  oublier pour retrouver le nouveau geste, dépasser  l'aspect d'une pierre et lui prêter une autre vie éphémère,  parce que le rêve est présent. L'enfance est  là, en moi, qui se réveille, avec ses douleurs, ses errances. C'est elle qui mêne la danse parfois et je suis encore,  à 70 ans, ce petits garçon aux genoux écorchés qui  joue dans les ruines d'une guerre dont on  porte des cicatrices, toute sa  vie.
On nous demande de me justifier sur mes choix, mes symboles présents dans une oeuvre qui avance, au jour le jour, sans plan de carrière. Il  m'appartient de réaliser ce que je ressens, en puisant dans mes souvenirs, avec ma sensiblité. Ce qui  m'échappe dans ces gestes et créations,c'est mon inconscient qui parle et je le laisse parler. Je préfère perdre une partie  plutôt que de renier ce que je suis et certaines confrontations avec des extrémistes  m'ont laissé sur le carreau. L'important est de se relever.Je ne pense  pas qu'une vie d'artiste soit de vivre en paix mais plutôt de la préparer et cela, forcement, se paye cash.
J'aime partir. J'aime le voyage, qu'il soit lointain  ou  intérieur, ce déplacement  m'est de plus en plus nécéssaire pour continuer  une vie libre, sans rien oublier de ce qui se passe autour de moi.
L'ouverture de ce  blog me permet aussi d'autres contacts, toujours  plus nombreux, dont je vous remercie. Je lis avec intérêt et attention chaque commentaire. Ils m'ont apportés depuis ces années, beaucoup d'amitié et de chaleur humaine, ce qui prouve que le land art est aussi  un art de communication et d'échange.
J'espère être en mesure de vous présenter de nouveaux travaux la semaine prochaine.

Roger Dautais





Demain est là
Avec son cortège
De charitons chamarrés
Etrange cohorte
Etrange danse
Des jours noirs
Qui avance
Entre les épais buissons
Des souvenances.
Les mots s’accrochent
Aux portes closes
Des rues désertes dépavées.
Les fosses de l’An Neuf
Sont ouvertes.
Ils reposent sur le dos
Les gisants aux yeux
Terreux.
Ils interpellent la nuit
De leurs cris de glaise :
« Le  monde est beau,
Le monde est beau ».
Mais il n’est plus
Qu’une poignée de terre
Gelée sur leurs ventres de sapin vernis.
Enfouis, les souvenirs
De bombance et de ripaille.
Nos reliques délitées s’effilochent
Et la fraternité
Rejoint le lexique des mots déchus,
Exsangue.
Le jour saigné à blanc
Rêve d’un été plus clément. Un rêve chasse l’autre.
Les fosses recouvertes
Nous danserons
Sur nos bonnes intentions.
Nous rejoindrons l’étrange cohorte
Des veuves noires avides
D’amour et de vin de paille.
Une herbe rase
Comme une mémoire amnésique
Recouvrira nos restes
Sous la lune que
Trente Sabbats ne suffiront
A raviver. 

Roger Dautais
Aux ombres, l’An Neuf.
 en Normandie. 2013



 Les coings et le soleil ont jauni
Les étoiles sont plus brillantes
Et la lune est déjà plus froide.
La mer d’automne gémit après un amour perdu
Quand elle se retire battant le rivage.
Déborde du fond de moi le regret de l’été passé
Comme du papier déborde l’encre.

 Ataol Behramoglu
www.recoursaupoeme.fr/poètes/ataol-behramoğlu

mercredi 9 janvier 2013

L'échelle des jours : Pour Henri Droguet
Accompagnement
Zen
Guetteur de marée
Paroles rouges : pour Marie-Josée Christien
Trois soeurs
Mémoire d'hiver
Cartographie des lieux
L'attente:  Pour Shulamit Adar
Voie sans issue :  pour Edith et Maud
Résonance vitale
L'aile
Les pierres



Le cadeau...

à Vincent,  mon fils




L'école de voile est fermée comme toujours  à cette époque de l'année. Je ne verrai pas  Le Havre, aujourd'hui. L’horizon est plat et bouché. Le bruit de mes pas sur la route gravillonnée, fait écho et brise le silence. J'ai choisi de marcher  vers le Nord-Est. J'arrive sur la plage, pas un souffle de vent, en malgré les 5°, j'ai  l’impression qu'il fait presque doux. Il  y a quelques semaine, un sable fin avait tout recouvert. Aujourd'hui, je retrouve ce chaos naturel de très grosses  pierres qui ont été découvertes  par les dernières marées. C'est  un changement total du paysage. Je m'engage dans ce véritable " casse-pattes"  pour rejoindre  un autre endroit au pied des falaises,  à quelques centaines de  mètres où je trouverai des pierres  moins lourdes. La mer joue avec l'estran et pousse de très petites vagues devant elles,  à peine audibles.Ici, tout  a été nettoyé, comme  poncé, algues arrachées, par les plus fortes marées de Décembre. Les roches sont nues sur une bande de 50 mètres de large, et presque  à perte de vue.
L'endroit  me plait. Je pose  mon sac et monte le premier cairn. Le calme du grand large  m'inspire. J'ai la main, je le sens. Je trouve très facilement les points équilibre. Je monte,  pierre par pierre. Mon regard cherche alentour la suivante. J'évalue la taille,  le poids sans oublie la forme qui doit "coller" au reste. Si la base est bonne, le cairn  tient debout. Le pierres respirent entre mes doigts. Elles me parlent, je les écoute. 
C'est  un rituel qui  m'isole temporairement de  l'environnement, un véritable échange entre elles et moi, qui s'établit  jusqu'à l'achèvement. Je retiens ma respiration et respectueusement, je prends du recul  pour contempler ce cairn qui  me fait l'honneur de tenir debout. C'est beau.
Je vais ainsi travailler  plusieurs heures, sans répit autre que de  petits déplacements,  à  l'écoute d'une inspiration qui nait des lieux. Je suis transporté dans un autre monde.
Je me déplace vers  le Nord-Est, croyant atteindre  les grottes creusées dans les falaises,  lorsque je suis arrête par un ensemble de trois grosses pierres qui me permettraient de  monter,  une "Échelle des jours". C'est un cairn, qui comporte sept strates séparées  par  un  espace laissant passer la lumière et que je compare aux jours de la semaine. Particularités, c'est difficile  à monter, c'est lourd, compte tenu de mon état de santé ,c'est compliqué de trouver l'équilibre à chaque étage et en cas d'écroulement, ça peut être dangereux. Pourtant, je me lance. Je calcule bien toutes les trajectoires au plus court, pour ramener les pierres  une par une au pied du cairn. Pourtant, porter ces lourdes pierres sur  un sol aussi instable est  périlleux.  Je souffle bien pendant l'effort  pour ménager mon cœur. Les étages montent. Je me retrouve  plusieurs fois  les pieds dans  l'eau, jusqu'au mollet. C'est froid ! L'équilibre est  précaire et je dois  le  trouver  en  prenant le grand à cairn  à bras le corps grand cairn en  me servant de tout  mon poids comme  point d 'appui. Une véritable danse! 
Lorsque  je le coiffe d'une dernière pierre, je suis complètement épuisé mais heureux. Je mets quelques  minutes  à reprendre  mon souffle. Je m'assoie  pour le découvrir avec  un peu de  recul. Il s'inscrit si bien dans ce  paysage marin gris-vert. Je mange quelques dattes,  bois une gorgée d'eau et apprécie ce calme plat tout en récupérant quelques forces.
. Depuis Noël,  à chaque sortie, j'emporte dans mon sac  à dos, un livre offert par mon fils, Vincent: En Bretagne, Ici et là. Il  me tient compagnie et  j'ai décidé de faire  un cadeau à  la mer, lui offrir des poèmes de Henri Droguet. Je lis à voix haute  pour elle,  pour le cairn,  et  pour le plaisir de le faire:
" Un perpétuel ressac/ froisse et saque les thalles /rameux de goëmons/ ponce  un roc   et le vent"...
Temps consacré, temps sacré de la poésie qui s'en va rejoindre les éléments dont elle est  née. Il ne me manque rien au bonheur  lorsque je quitte cette plage. Bientôt, je retrouverai celle que j'aime et qu m'attend. Sans elle, serait-je encore ce que je suis...

Roger Dautais




Quelques paroles
sauveront
Peut-être encore

quelque chose qui bruit
comme la vie
qui creuse 
 lentement

quelque chose qu bruit
qu'on n'entend  pas.

Marie-Josée Christien
 http://mariejoseechristien.monsite-orange.fr
http://www.mondeenpoesie.net/2012/12/marie-josee-christien-revue-spered.html


PETITS PAPIERS (SOLILOQUE)


Un  perpétuel ressac
froisse et saque les thalles
rameux des  goëmons
ponce  un roc       et le vent
prend le large et malmène
la calcifiée débâcle  le labour
démantelé du ciel en démesure
qui fait merveilles
sur la mer  à n'en  plus finir abolie
par  l'ombre désirable éperdu-
ment natale
à nue  mâture on s'y livre
à la voracité...la hâte
hérissée de l'obscur


*


L’œil bouillant
l'impossible feu
chétivement trafique
et gratte à la ténèbre

funestes  portes     liquides clartés
crépine de brume  à  la nuit
ça pioche noir et dur

et l'on s'en va rêvant-
dérêvant z'à vous vives bacchantes
furibonds faunes     fraîches
nymphes    Silènes rubiconds plus  ou
moins ivres et couronnés d'épis
de  myrtes et de romarins
le sel au feu jeté
nos thrènes et nénies râlés
vous serez  menés et perdus
aux  bords de l'Orcus bitumeux


*


Celui qui veille pour qu'un feu l'illumine
gâche ses nuits :
il ne tirera  pas de lait du bœuf
il ne tondra pas la pierre

Henri Droguet  
 6 Janvier 2007
 http://www.gallimard.fr/Contributeurs/Henri-Droguet
 http://www.maulpoix.net/Droguet.html

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Landartiste, photographe, auteur de livres pour enfants, Roger Dautais est aussi un artiste atypique, sensible et attachant.Il a sû, dans la diversité de ses expressions, trouver une harmonie par la pratique quotidienne de cet art éphémère : le Land Art. Il dit "y puiser forces et ressources qui lui permettent, également, depuis de nombreuses années, d'intervenir auprès de personnes en grande difficulté ( Centre de détention pour longues peines et personnes âgées atteintes de la maladie d'Alzheimer) pour les aider par la médiation de l'art.