La vie, comme elle va

"S'il suffisait de lire comme dans une bulle de cristal, alors, ce serait, facile.Mais il faut vite déchanter, prendre la route, sac au dos et marcher, toujours marcher pour oublier ce que l'on a déjà fait, ce que l'on va faire. Il faut attendre que la nature nous prenne et nous ouvre sa voie. C'est une progression incessante, pour de si petites choses".
Roger Dautais . Septembre 2009

Un voyage étonnant au cœur du land Art

dimanche 15 mars 2020

«  Transparence ». pour Ariane Callot


 

«  étrangement, l'étranger nous habite: il est la face cachée de notre identité, l'espace qui ruine notre demeure, le temps où s'abîment l'entente et la sympathie ».
Julia Kristeva
Étrangers à nous-mêmes
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Marie-Claude.
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La route aveugle et cathartique.
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J’étais né, oisif et hyperactif. Inclassable pour mon entourage. Cette agitation de l’âme, m’avait sauvée.
On passait, à cette époque, trop peu de temps à comprendre « l’erreur » et trop à corriger, redresser..Mais mon corps d’enfant, mon esprit, ma personne témoignaient d’une vitalité insoupçonnée, dans cette grande marée de incompréhensible, où personne, paraît-il ne pouvait survivre. Dans mon esprit, il y avait des îles, des oiseaux, des êtres lunaires qui échappaient au flot d’un peuple soumis et traumatisé par la guerre.
Ni l’école, lieu de sévices, ni la maison autre lieu de maltraitance, n’étaient faits pour moi.
A dix ans, après de terribles années, j’aimais la lecture et la solitude habitée entre deux fugues, hanté par les enfers. Chien perdu sans collier, j’avais rongé tous mes liens, physiques et affectifs.
Aussi, revivre à 55ans, une autre échappée belle qui me conduirait au bout de ma vie,en découvrant puis pratiquant le land art, était à nouveau condamnable. Aux yeux de mes juges, ce n’était qu’une imposture, un affront à la vie, aux ancêtres, une trahison, une histoire singulière et équivoque.
Habillé pour plusieurs hivers, cette étiquette avait alerté les instances culturelles et administratives.
«  Rien, aucune reconnaissance pour ce «  facteur cheval », cet impressionniste égaré du land art, simple artiste de l’urgence qui se consumerait vite ». Le public en décida autrement en me soutenant largement., au-delà de la France
Alors, j’avais fait mon trou, mon tunnel, en apnée. Sans haine pour ces porte-tampons, qui accordaient des fortunes s de subventions à qui se soumettait au système. L’art contemporain,
développait un dogme et hors de cette chapelle, point de salut, ni d’argent. Un jeu de dupes pour lequel je n’avais aucun talent.
J’explorais le néant qui m’était proposé, un monde à l’envers du leur.
« Te souviens-tu, femme aimée, de notre monde ouvrier, où tu faisais des prouesses pour nourrir nos enfants, sans qu’ils souffrent de manque, et gardait encore un peu de forces pour me soutenir dans cette route aveugle ? Personne ne pouvait nous donner de leçon de pauvreté ni d’humilité. Surtout pas les méprisants.Nous avions vécu des tempêtes et failli sombrer devant ces chanteurs de Crédo et Kirie eleison, repus et imprécateurs, mais sans pitié, aussi, pour le monde qu’ils détruisaient à leur profit..Tu étais la femme de l’olibrius lorsque se déclenchaient les moqueries de la parentèle où les hommes d’argent tenaient le haut du pavé.. Je n’avais pas su faire comme eux.
Mon corps devenait un lieu de vie expérimental et mettait en place pour l’avenir, trois infarctus et une opération à cœur ouvert. Et ils avaient dit «  tu as ce que tu mérites ! ». Probablement.
Si je n’étais de nulle part, j’étais au moins, bien dans ton cœur, pays d’épousailles, et pour le reste, partout chez nous, sans frontières, sans autorisations.
Je n’échappais ni à la mélancolie ni à la goualante que pouvait faire naître, une bouteille vide et séchée jusqu’à l’os, dans un rade de Saint-Malo.
Mais je gardais pourtant, l’amour de l’idée naissant d’une belle émotion, qui bouleverse, la beauté aussi d’un regard, d’un visage qui passe, le « très lumineux » d’un instant fugace que le ciel te lâche sur un paysage, à le transformer jusqu’à l’irréel.
Ils me disaient Prince du vent et de la guenille, pousse-cailloux, sans valeur.Je leur répondais à tous ces profiteurs se gavant de bonnes choses, être plus près de Francois Cheng, que de Paul Bocuse. J’essayais de vivre libre sachant que cela me marginaliserait, et que cela nous vaudrait pour nous deux, une belle solitude dans notre vieillesse.
Lorsque les âmes circassiennes entraient dans la danse , je les suivais, quitte à rebattre les cartes du grand jeu et de me fier aux étoiles, pour retrouver ma route.
Un fil d’Ariane m’avait été donné à ma naissance. Nous ne faisions qu’un. Il n’avait pas son pareil pour pour m’indiquer un lieu, un lac, des eaux dormantes, une forêt moussue et profonde où je serais en osmose avec le paysage.
Ma patience était grande au travail, sans désordre dans mes pensées. Qui pouvait juger de l’état des routes de mon inconscient, de mes blessures et défauts, ou de mon amour pour toi, femme aimée ?
Mes gestes qualifiés de dérisoires, dans la cueillette des fleurs étaient plus proche de la délicatesse féminine, et non une faiblesse d’esprit. C’était ma façon de résister à la masse des pensées collectives assénées. L’infini découvert dans le détail, permettait de déposer, intentionnellement, chaque chose, chaque couleur, à la bonne place, pour créer une installation éphémère dans le paysage, jusqu’à en bouleverser la lecture. Qui pouvait, sinon moi, juger de l’effet feedback sur ma personne ? Il me reconstruisait.
Mes carnets de route étaient vides. Le vent avait arraché, une à une chaque page, pour ne garder que des spirales métalliques
Tout était sorti du cœur, sans traces sur le terrain, éphémère. Tout avait été offert au monde tel que mon cœur recousu me l’avait demandé. Je n’étais qu’un passeur d’idées. Je n’avais pas inventé l’amour.
A l’heure où nous apercevions tous les deux, la possibilité d’une fin, tout te revenait de droit, femme aimée. Tout ce que j’avais fait, t’appartenait, toi, qui de ton côté m’avait offert ta vie entière., faisant fi des moqueries et humiliations du clan si croyant.
Je n’avais besoin de nulle reconnaissance officielle, ni breloque ni prix de je ne sais quelle académie pour m’en vanter.
Non rien. Rien que toi, et ce besoin de dire ce que beaucoup trop de gens avaient enterré, avec moi, de mon vivant, ma propre histoire, maintenant jointe à la tienne depuis mille neuf cent soixante cinq..
Roger Dautais
La Route aveugle 78
Photo : création land art de Roger Dautais
«  Transparence ». pour Ariane Callot
Normandie. Il y a très longtemps


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Landartiste, photographe, auteur de livres pour enfants, Roger Dautais est aussi un artiste atypique, sensible et attachant.Il a sû, dans la diversité de ses expressions, trouver une harmonie par la pratique quotidienne de cet art éphémère : le Land Art. Il dit "y puiser forces et ressources qui lui permettent, également, depuis de nombreuses années, d'intervenir auprès de personnes en grande difficulté ( Centre de détention pour longues peines et personnes âgées atteintes de la maladie d'Alzheimer) pour les aider par la médiation de l'art.