La vie, comme elle va

"S'il suffisait de lire comme dans une bulle de cristal, alors, ce serait, facile.Mais il faut vite déchanter, prendre la route, sac au dos et marcher, toujours marcher pour oublier ce que l'on a déjà fait, ce que l'on va faire. Il faut attendre que la nature nous prenne et nous ouvre sa voie. C'est une progression incessante, pour de si petites choses".
Roger Dautais . Septembre 2009

Un voyage étonnant au cœur du land Art

jeudi 27 février 2014

Fleur de  Kerpenhir : Pour Marie-Claude
L'adieu :  à  Jean Clément
Cair,n de la sérénité : pour Kris Marty
L'écho de la mémoire : Pour Ali Badri
La parole donnée : à Marie-Josée Christien
L'appel de Méaban  : à Pierre Boyer
Les trois frères de Locmariaquer : à mes frères Jean-Pierre et Jacques
Hommage aux Pierres Plates : Pour Elena Nuez
Libération  : pour Pastelle
L'enchantement des cupules : Pour Camino roque
Le bout du tunnel : Pour Thibault Germain
La  métempsychose des fougères :  Pour Isabelle Jacoby
Les cinq raisons de  l'heure dite : pour Remei
Le chant de fumiyo :  Pour Fumiyo Suko



Le triangle de  Gourvanzeur


Après ce long hiver  éprouvant, semé de tempêtes et de doutes, irais-je ainsi, droit devant moi, jusqu'à ivresse de  l'absence ?  Faut-il aller tutoyer les zones d'ombres de la mémoire et prendre le  plus obscur des intersignes comme  une révélation,  un cap à suivre ? Marcheur inguérissable, bardé de certitudes trop  floues pour qu'elle deviennent  un  jour autre chose que des pensées inutiles, je charge  à nouveau ma vie future de  m'apprendre tout en  matière de land art.
L'assemblage des vides est, certes passionnant et la matière première ne me manque pas.Chaque trou de mémoire est  une chausse-trappe qu'il faut savoir éviter pour continuer  l’aventure. Entre la  leçon non apprise, les livres que je  n'ai pas  lus, le  montage couturier des manques et des vides  peut me faire une belle couverture pour le reste de  l'hiver, façon patchwork.
Je cherche des silences pour cimenter l'amitié qui se délite, je rêve de retrouvailles souhaitables sans jamais les réaliser et  puis, au bout du compte, je reprends  le rythme des  jours ouvrés.
A  moi les cueillettes sans fin de  pierres  à assembler,  pour garder la main, sans autre programme. Cela me paraît acceptable pour le moment.
Je trouve dans ces répétitions de travaux de  quoi aller  plus  loin, quitte à en faire parler les chemins creux qui  je nomme les muets, les taiseux.
"Quand la musique est belle", chante Goldman...Belle, belle belle
Oui mais, quand la musique n'est plus là,  présente, évidente,  il faut bien se  mettre  à  l'ouvrage et attendre que la nature vienne réveiller en moi, cette envie qui sommeille.
C'est ce que j'ai vécu, dans le triangle de Gourvanzeur.
 Imaginez  un carré de nature de 300mètres de côté, tracez une diagonale et, dans le triangle de droite, vous trouverez ce qui  m'a inspiré, ce  jour  là. Tout d'abord, trois routes passantes, dont une en  herbe. Un étang qui s'échappe  par le Nord, passe sous la première route, débouche dans  un lavoir ancien, envahi  par les herbes sauvages. Un  ruisseau nait de ce  lavoir, côtoie une petite source maçonnée, et rejoint un second ruisseau,  plus  important. Leurs eaux mêlées passent sous la deuxième route, herbue, celle-ci et se jettent dans  un troisième ruisseau, vers le nord-Est. Dans ce territoire triangulaire, tout n'est que flux , eaux  mêlées, routes, passages, échanges, frémissements, chants de  merles, vie, renaissance. Il ne faut pas en sortir, se fier au  magnétisme du  lieu. Je démarre  mes travaux au nord,  puis je rejoins, le sud, explore  l'ouest et  l'est. Je saisis chaque instant, entre dans le rythme, installe,  installe et  installe encore, oubliant  l'heure, le jour, le temps. Mon  histoire du  jour, est géométrique, parle d'Orient, de  prison, d'évasion, de  métempsychose des fougères acajou. Tout ceci se  mène dans le calme d'un travail soutenu et solitaire qui  me  conduit à  l'oubli à  l'occultation du reste.
Plus de paysage,  plus de pays au-delà de ce triangle, simplement des perceptions, des  ombres, des  eaux  limpides et leur mémoire  à portée de mains, des pierres solidaires, une herbe qui  sent encore  l'hiver et les cadavres de centaines de cupules que le froid et  l'humidité auront noircies, calcinées, préparées  à la disparition dans  l'humus, au  pied des grands chênes.
L'intensité de ces partages avec la nature accueillante, ce jour  là, en  mouvement, est vécue comme un voyage sans fin où les rôles s'inversent. Je me sens  porté par  l'idée naturelle de me sentir  moins  important que la plus petite des brindilles, la moindre  pierre au fond de  l'eau. Toute ma vie résumée dans ces instants rares et sacrés, comme  une approche du bonheur partagé entièrement avec la nature,  lorsqu' aucune autre pensée ne s'accroche,  lorsque le lâcher-prise devient  l'essentiel.

Il y a toujours au autre jour.
Le dolmen des pierres plates de Locmariaquer, fait face  à la reine des solitudes. Méaban, en  Mor Braz, garde toute son attirance sur  moi avec ce grand  menhir, gardien des lieux, amer  pour tout marin venant de  l'Ouest et faisant route vers la Pointe de Kerpenhir. Je ne passe jamais devant  lui sans  lui adresse  une tape amicale et visiter ce remarquable dolmen de 25 mètres de  long
 Méaban , je rêve de cette île dont la silhouette me rappelle celle de Césembre au large de Saint-Malo. C'est donc, tout  à mes pensées d'exploration que je me lance dans une série de cairns qui vont me valoir, ce  jour  là, de belles rencontres. A part le poids des pierres  bien sûr, je n'ai aucun  mal  à les élever en cairn,  à trouver les points d'équilibre entre elles, malgré un vent qui souffle très fort et m'en bascule au passage,  deux  ou trois.
Je suis très inspiré par ce  lieu et je raconte mes histoires,pierre après  pierre.
Lorsque le vent se fait trop  insistant, je me déplace  vers la  pointe de Kerpenhir. Je gare ma voiture  à trois cent  mètres du menhir de Kerpenhir. Imposant par sa masse,  il est isolé de  tout autre mégalithes, et maintenant que je le connais, chacun de mes passages  vers la  petite  plage du golfe, passe obligatoirement par  lui. Longeant une très grande haie de fusain, j'en prélève quelques feuilles  pour  un travail ultérieur. Après avoir franchis, non sans  mal,  un pré inondé, je fais un arrêt près du grand Menhir, le salue et retrouve, quasi  intacte, la  pagodes des quatre vents,  montée, avec du bois, entre  lui et la mer. Elle a résisté aux grosses  tempêtes. Une fierté pour elle et  pour moi.
Je ne vais réaliser que deux  petits installations sur la  plage,  où le vent a encore forci. L'une d'elles  porte le nom de Fleur de Kerpenhir. Sur le chemin du retour, je me réfugie sous un immense  mimosa en fleurs, en attendant que la grêle cesse !

Le  jour d'avant la tempête
La météo  annonce deux jours de répit dans le mauvais temps et j'ai repéré, sur ma carte IGN  une  plage de Locmariaquer, encore  inconnue de  moi, et dont la courbe me paraît  intéressante pour y réaliser des spirales. Je  m'y rends,  bien que le vent  n'annonce rien de bon. Pour une fois, le soleil est de la partie. La  plage est en effet, très belle et porte le nom de Saint Pierre. Tout le  monde a eu le même réflexe,  il fait beau, on va  à la mer. Si  bien que pour la spirale, je ne me vois  pas la réaliser dans cette ribambelle de gens et de chiens en liberté. Sur la partie  la plus  à  l'Ouest de la grande  plage,  une dune dessine un terrain plat où je trouve des centaines de  pierres étalées. Un marcheur  me  montre d'où elles viennent. Un muret de  pierres sèches  a littéralement  été soufflé  par le vent, que la météo  à annoncé avec des  pointes de 120 à 130km heure. Une catastrophe  pour l'environnement,  un bonheur  pour le land artiste que je suis, en attendant la reconstruction du mur !
En deux heures trente, je monte le  Cairn de la sérénité ,sans savoir,  même avec une belle assise et son 1,40 mètre de  haut,  il tiendra  longtemps en place. Une fois terminé,  il est pris en  photo par beaucoup de marcheurs.
 J'aurais encore été mis en difficulté  pendant cette période avec une météo décidément, difficile et je ne peux pas dire que j'ai repris  un rythme normal dans mes sorties,  mon  travail. Cela se fera  dans les  jours  ou les semaines  à venir, mais comme d'habitude, dans l'acceptation de la nature, telle qu'elle se  présente et dans la patience.

Roger Dautais





On se croit en pays connu
Mais c’est tout le contraire ;

Tout s’efface à mesure
Que le temps se perd.

On aura mal su
Ce qu’est le présent 

***

Depuis les premiers jours jusqu’à plus tard
Jusqu’à demain
Quelle continuité ? Je me souviens
De peu d’images, de quelques moments parlés :
Comment ne pas croire
À du tissu déchiré ?  

***

 Dans la proximité de la mort, forcément.
Et tous ces gestes qu’on dirait lancés depuis notre enfance
Sont devenus de la peur
À cause de l’obscure énigme du monde,

Mais du vivant qui s’affirme, encore
Dans la proximité de la mort, maintenant.  


James Sacré publie Donne-moi ton enfance,
 Éditions Tarabuste.  

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Landartiste, photographe, auteur de livres pour enfants, Roger Dautais est aussi un artiste atypique, sensible et attachant.Il a sû, dans la diversité de ses expressions, trouver une harmonie par la pratique quotidienne de cet art éphémère : le Land Art. Il dit "y puiser forces et ressources qui lui permettent, également, depuis de nombreuses années, d'intervenir auprès de personnes en grande difficulté ( Centre de détention pour longues peines et personnes âgées atteintes de la maladie d'Alzheimer) pour les aider par la médiation de l'art.