La vie, comme elle va

"S'il suffisait de lire comme dans une bulle de cristal, alors, ce serait, facile.Mais il faut vite déchanter, prendre la route, sac au dos et marcher, toujours marcher pour oublier ce que l'on a déjà fait, ce que l'on va faire. Il faut attendre que la nature nous prenne et nous ouvre sa voie. C'est une progression incessante, pour de si petites choses".
Roger Dautais . Septembre 2009

Un voyage étonnant au cœur du land Art

samedi 25 avril 2020

"Cairn aux coquelicots " : pour Ana Mendieta




À Marie-Claude, femme aimée.
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J’ouvrais, le livre des jours sombres.
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Des aubes stériles et naissantes, sous tes paupières nues, aux aurores de pleine lune, à chacun de nos pas, la lumière bleue enjamba pour nous, un corps affaissé, dans la foule des titubants. Il était temps pour moi, d’ouvrir le livre des heures sombres et de le lire, du bout des doigts, puisque nous étions aveugles. . Des terres sombres aux terres les plus reculées du vieux monde, chaque recoin de terre ayant reçu la visite de ton âme angélique
,fut retournée. Chaque tombe fut ouverte, ensemencée. Nous pensions que des saisons plus souriantes, auraient remis le monde malade, debout.
Des Îles de la Tortue atteintes, en canoë à peau, avaient surgi des lacs, jaillissant du permafrost, entourées de terres sacrées. Elles avaient adopté comme dieu, une pierre noire, longue, pointée vers le ciel, comme un lingam.
Toutes ces îles , en qui nous fondions l’espoir d’un futur possible, furent pénétrées, fouillées, retournées, traversées au rythme du tambour du monde.
D'Est en Ouest, du Nord au Sud et du nadir au zénith, pas le moindre espace ne résista à la transe chamanique. Le monde devenait une onde unique et répétée, un mantra éternel.
Pas un arpent d'aube stérile, pas un lambeau de ta peau d’albâtre, pas un chêne dolent, pas une tour épique de pierres sèches, n’échappa à notre vaillant couple.
Tu te faisais appeler la fille de Kérouac, mais sortie de toi-même , essence éventrée, sanguinolente, ton âme n'était qu’hémorragique.
Tu croyais tenir le monde au creux de ta main, Et posséder le jade prisonnier sous les pins.Tu te rappelais, le mordant purulent des chenilles processionnaires. Tu avais entendu le chant des pins maritimes dans le vent d’ouest, et vu couler mon sang , piqué par les aiguilles rousses quand j’avais voulu enfouir notre serment. Ma peau se ratatina. Mon visage se couvrit de rides. Je vieillissait très vite. Tu m’aimais , toujours.
Je m’étais approché des pierres noires qui portaient en elles, la mémoire des eaux. Il n’était pas trop tard pour entrer en magie, entreprendre leur métamorphose qui créerait le nouveau monde. Nous avions eu eu la surprise de constater, qu’une nouvelle fois, cela marchait. Un cairn témoignait de nos deux personnes, en vie. Entre temps, Mendieta la prêtresse avait versé son sang de coquelicots dans le fleuve de nos souvenirs.
Mais aussi, parce que la grande vie qui existait, je l’avais écartée de moi. Ni les tables de banquets, ni les bijoux, ni les montagnes d’or, ne servaient notre existence de gens de peu. Si le land art échappait aux lois du temps, ce n’était pas notre cas.Nos solitudes de proximité se préparaient à l’épreuve de la vieillesse, de l’entropie naturelle des corps,dans le confinement social qui était notre lot, depuis des années.
Nous étions des oiseaux sans ailes, mais libres.
La nature nous adressait la parole. Il fallait la recueillir. J’avais besoin que la vie me donna une réponse forte. Cette pratique au long cours, ce voyage en land art cultivait mon rêve. Je savais la folie du temps perdu et qu’un jour, la machine s’enrayerait.
Elle s’enraya.
Mon détour par le grand garage blanc, mon cœur ouvert recousu, suffirent pour écarter les pinces, craignant pour leurs économies. A la Bourse, les actions consolaient les cupides impuissants.
Sans idées préconçues, j’entrais dans ce nouveau théâtre. Au milieu des grandes souffrances, je rêvais de mousse des bois , de figues vertes, de cerises, de tes lèvres, de noisetier, de coquelicot, de l’or des dandrions dans les champs. Pas une main tendue, pas un sourire, à part des soignants exemplaires.
J’’habitais une nuit noire .
Je te donnais rendez-vous tout au bout des platanes, qui longeaient notre rivière, près du vieux pont, sans savoir si je pourrai y arriver.
Souffrante, dans la solitude, ton errance commença.
Roger Dautais.
" Le livre des jours sombres" . Pour la Route 78
Photo : création land art de Roger Dautais
"Cairn aux coquelicots " : pour Ana Mendieta
Région sud de Caen

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Landartiste, photographe, auteur de livres pour enfants, Roger Dautais est aussi un artiste atypique, sensible et attachant.Il a sû, dans la diversité de ses expressions, trouver une harmonie par la pratique quotidienne de cet art éphémère : le Land Art. Il dit "y puiser forces et ressources qui lui permettent, également, depuis de nombreuses années, d'intervenir auprès de personnes en grande difficulté ( Centre de détention pour longues peines et personnes âgées atteintes de la maladie d'Alzheimer) pour les aider par la médiation de l'art.