La vie, comme elle va

"S'il suffisait de lire comme dans une bulle de cristal, alors, ce serait, facile.Mais il faut vite déchanter, prendre la route, sac au dos et marcher, toujours marcher pour oublier ce que l'on a déjà fait, ce que l'on va faire. Il faut attendre que la nature nous prenne et nous ouvre sa voie. C'est une progression incessante, pour de si petites choses".
Roger Dautais . Septembre 2009

Un voyage étonnant au cœur du land Art

lundi 29 août 2011
















à tous ceux qui lisent dans le sable,les pierres,
la route, le vent, l'air du temps...




Traces de vie

Dans la mémoire des pierres
le temps s'est incrusté

Dans la mémoire du temps
jour après jour
des traces de notre vie
y seront-elles inscrites
comme un fossile

une interrogation
peut-être une utopie

notre passage
sur la portée du tangible
n'est-il pas complice...

Jacques Basse



Repère

Je mesure
le poids de cette vie
à ce fil fragile

seul
dans le labyrinthe

l' évidence
l'autre côté du visible

l' essentiel ce fil fragile


Jacques Basse




Danseurs rupestres

A travers ce désert
de blocs erratiques
roulés de volcans
A travers le temps
récupérant l'écho
un homme lointain
percute la pierre
fait vibrer le silence
et les contours des corps
creusés dans les roches
Ils dansent sans clé
râpés de sable
dans l'oubli millénaire
pour qui pour quoi
Transe immobile
du mystère

(Toro muerto , Pérou)

Jacqueline Saint Jean



dimanche 14 août 2011


















à celle que j'aime,
et à ceux, peu nombreux qui nous ont aidé
s




Amnésie...


Je n'ai plus la mémoire des lieux de mes installations anciennes, ou presque. Ces lieux sont partis dans le choc de l'accident, avec le reste.
Je me souviens d'avoir marché longtemps, sans compter, et d'avoir passé ma vie sous la pluie, le vent, le soleil, sans même faire attention à la nuit qui venait me manger la lumière.
Je me souviens d'avoir aimé cette vie rude, de longs efforts que demande la route, l'escalade, la découverte de lieux inconnus, les marais dangereux. Je me souviens d'avoir rencontré beaucoup de gens autour de mes spirales. Mais j'ai oublié qui ils étaient, ce qu'ils me disaient, pourquoi ils me filmaient si souvent, avant de disparaître.
Je me souviens d'avoir travaillé le sable comme une terre qui m'appartenait, de façon éphémère, avant d'y semer mes rêves.
Je me souviens des dialogues avec les cairns, de leurs secrets partagés, de leur mémoire prodigieuse qui remontait à la nuit des temps.
Je me souviens d'avoir coupé, cueilli, choisi, assemblé, lié, attaché tend de végétaux avec une vraie joie de le faire.
Je me souviens du chant des rivière, de l'eau prise dans mes mains et qui reprenait sa liberté. Je me souviens des eaux du fleuve, glacées, pour y être tombé dedans, en hiver. Je me souviens de mes courses avec la mer qui me rattrapait souvent avant que le travail soit terminé. Je me souviens d'avoir eu peur, cerné sur un rocher à marée montante, pour terminer un ouvrage.
Je me souviens qu'hier encore, je rêvais de pouvoir toujours pratiquer le land art de cette façon là. Mais l'heure a failli sonner pour la dernière fois. Le temps me rattrape et me remet en place, à une nouvelle place. Celle du débutant que découvre les gestes à faire, à refaire, à oser, à réapprendre, pour oublier le choc, si c'est possible.

Roger Dautais


Les photos 1,2,3,4,5,7 sont des installations récentes

jeudi 4 août 2011






















Aux Léa et Marie-Jeanne des hauts murs...





Si j'ai tardé, pardonnez-moi


Si j'ai tardé, pardonnez-moi
J'ai pris la route inéluctable
et mon voyage s'est égaré.






Requête à ma mère, à travers la vitre du parloir.


Fais de mes peurs invaincues
Un bracelet pour tes chevilles
A l'heure d'écraser le Paradis
Sus tes pieds menus
Et fais de mes rêves inachevés
Une perle pour ton front
Quand tu te prosterneras,
Sous l'oreille de Dieu

Mohamed Benchicou

Poèmes écrits en prison.







L'été aussi...


Asphyxiée par les mots qui lui sortaient de la bouche, afin d'expliquer, Léa avait fini par capituler. Pourquoi se perdre à dire, toujours et encore expliquer ce surnom qui lui collait à la peau : la juive.
Elle se tordait de douleur dans cet enfermement et le sol de la cellule, saturé par ses échouages reptiliens, suintait la peur, sans absorber un goutte du vécu des lieux. La poisse, c'est ça, la poisse qui poursuit jusque dans les pires angoisses. Onze mois de prison qui n'arrangeaient rien. Léa planquait un cahier à spirales sous on matelas. Elle voulait écrire tout. Elle n'avait jamais dépassé la première page.
Ici, l'apprentissage d'une nouvelle vie, sans horizon, se faisait au compte-goûte, entre deux coups de gueule à travers les barreaux. Avec Léa, très vite classée D.P.S., aucune matonne ne s’attendait à un quelconque miracle.
A Lourdes, on plongeait les malades dans l'eau miraculeuse.
Ici, pour elle, les semaines de mitard n'avaient pas le même effet. Crever l'abcès et la femme avec, c'était la loi.
Le junkies pourrissaient une société formatée qui ne rêvait que de psy, de coach et de gourou inféodés au pouvoir en place.
- Les délires ont pour les riches.
répétait Lea, en accrochant sa co-détenue par les deux épaules.
- T'entends ça, tête de mule. T'es bien une Marie-Jeanne. Comme moi, une fille perdue.
Pour nous, ce sera toujours ,la tôle , le mitard la camisole.
Marie-Jeanne avait fini par laisser tomber.
Léa s'isolait.
Dans ses yeux, c'était des histoire de bord de mer, d'enfance perdue. Elle avait gardé un air de petite file grave.
Parfois, dans ses rêves elle voyait une maison sans balcon, avec des enfants qui dévalaient des escaliers en criant. Une autre fois, elle se laissait envahir par une odeur de linge qu'elle imaginait séchant dans un grenier mal éclairé.
Elle avait traversé la vie avec une inconscience totale, faite de fugues et de retour au bercail, sous les coups.
Un jour, elle avait rencontré Momo au bal. Six mois d'amour fou. Juste le temps de comprendre. Depuis elle tapinait pour lui et avait rejoint la bande des frangines sur un coin de trottoir. Des montagnes de souvenir à revivre, à gravir jusqu'au sommet avant de retomber.
Elle avait connu la peur des camps, des caravanes, des frères de Momo dont elle avait été la maîtresse forcée. Elle était terrorisée comme une étrangère débarquant dans cette famille de manouches qui n'en voulait qu' à son cul.
Elle s'était mise à dealer, un peu, puis, beaucoup plus. Trop !
Un jour les bleus l'avaient embraquée.
Le juge inflexible lui avait collé 5 ans.
C'était le troisième séjour en zon-zon, pour " la juive".
On ne sait pas pourquoi, au placard, certains sont capables de tirer dix ans sur un pied et d'autres s'écroulent en quinze jours.
Léa n'avait pas mis longtemps à sombrer. Marie-Jeanne avait bien essayé au début, de savoir ce qu'elle foutait là, de s’intéresser, histoire de parler.
Rien n'y faisait. Ses aller retour au mitard pour rébellion n'arrangeaient pas l'affaire.
Léa passait la plupart de son temps, assise en tailleur,sous la fenêtre de la cellule, la tête entre les genoux, avec un balancement d'autiste.
Elle ignorait la télé, allumée du matin au soir, faisant office de cheminée sans feu, dans une pièce sans âme. Une liquidation en règle du dernier territoire de liberté, un peu de silence où se réfugier. Un placebo pour esprits malades, une perte des sens organisée par l'A.P. pour cerveau en friche.
Et puis ces maudits cauchemars, toujours autour de la came, le rituel...préparer, poser le garrot, se piquer avec la shooteuse, partir. Une obsession qu’elle aurait voulu oublier ici.
Il y avait aussi ce rêve du piano noir dans cette grande maison bourgeoise. Elle se souvenait de cette dame en chapeau qui jouait et cette mélodie, venant d'un autre monde.
Un homme était venu qui l'avait chassée avec des mots trop durs
- va-t-en d'ici, sale juive, petite peste.
Des mots qu'elle ne comprenait pas et qui brisaient son rêve.
Elle était partie en courant, pleurer ailleurs.
C'était quand même bien, ce rêve à revivre en prison, à cause de cet air sortant du piano noir.
Les mois passaient, Léa ne voulait plus de cette réclusion. Elle refusait la vie mais elle ne voulait pas crever dans les sales draps que l'A.P. lui offrait.
Un soir, elle les plia soigneusement et les rangea sous son oreiller. Cette nuit, elle ne dormirait pas. Vers deux heures du matin, elle sortit une lame de sa fabrication et se trancha l'artère fémorale, sans un cri, enroulée dans sa couverture pour ne pas tomber par terre et réveiller Marie-Jeanne.
Sa vie s'écoulait enfin chaude, chaleureuse et tranquille. Une douleur sourde lui parlait de la fin qu’elle acceptait. Elle se donna à la nuit, définitivement.
Le piano noir joua sa mélodie jusqu'à la fin pour Léa redevenue la petite juive. Un filet d'humeur s'écoula de sa bouche et sa tête bascula sur le côté, le regard vers la fenêtre. De ses yeux grands ouvert. Léa n'attendait plus rien.
Marie-Jeanne donna l'alerte vers six heures du matin.
Léa fût emballée et emportée sous le vacarme déclenché au passage de son corps, par toutes les détenues,dans le couloir central du bâtiment C de la détention.
Une étoile de David fût déposée sur la tombe de Léa Steiner, carré des indigents par une main anonyme, quelques semaines après l'enterrement.
Cette histoire se passait au mois de juillet 2007 et depuis, Marie-Jeanne la racontait à chaque détenue dans l'intention de conjurer un sort qui la liait, disait-elle, à cette pauvre femme. Elle interdisait à quiconque de plier ses draps avant de dormir.


Roger Dautais

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Landartiste, photographe, auteur de livres pour enfants, Roger Dautais est aussi un artiste atypique, sensible et attachant.Il a sû, dans la diversité de ses expressions, trouver une harmonie par la pratique quotidienne de cet art éphémère : le Land Art. Il dit "y puiser forces et ressources qui lui permettent, également, depuis de nombreuses années, d'intervenir auprès de personnes en grande difficulté ( Centre de détention pour longues peines et personnes âgées atteintes de la maladie d'Alzheimer) pour les aider par la médiation de l'art.