


pour l'amour qu'elle me donne
Je ne sais regarder l'infini d'un geste, la beauté d'un regard qui se dérobe, ou le mouvement de la mer qui, fidèle au rendez-vous, revient sur la plage chaque jour, sans partir dans un rêve. Et le rêve n'est plus permis.
Si je m'écarte de la ligne de conduite, si je franchis la ligne médiane, si je passe la frontière, si j'exagère mes sentiments, je déclenche les foudres divines. Les moustaches de Pandore frisent, le radar scintille, le garde barrière me court après.
Tout est forcément carré, rond ou rectangulaire, bien rangé dans des cases, bien propre, avec des balayeurs pour les rognures; les raclures, les souillures, les épluchures.
La société aime le formatage, l'alignement, l'obéissance et la soumission.
Je ne sais pas où se place ce que je fais et si le land art est bien utile là-dedans.
Mais l'art est transgression, faux semblant, subvertion, révolte, révolution. Aurions nous commencé à mettre le couvercle sur la marmite. Tout est-il perdu...Non car fort heureusement, il existe encore un espace de liberté, certes, restreint, loin des préoccupations de ceux qui classent, répertorient, découpent en carré, en rond et en rectangle de toute sorte et tamponnent rageusement avec des sceaux Marianisés.
C'est mon pays, c'est mon espace, mon rêve et j'y vais retrouver un peu d'équilibre. L'eau m'est aussi nécessaire que l'air et le fleuve m'apporte ce compagnonnage pendant mes longues marches sur les berges. Un jour, je pensais à elle qui termine toujours ces lettres par Peace and Love. C'est rare quand même, de nos jours, c'est vrai qu'elle est Américaine, libre et Hobo.
Je me mis à l'écrire, ce slogan des hippies pacifistes dans les années 70. J'ai trouvé une pierre plate et un peu de boue pour écrire avec mon doigt. Puis je mes suis mis à confectionner de petits bouquets offerts au fleuve, comme ça, en prenant mon temps. Il prenait bien sontemps pour couler dans son lit de fleuve, avec beaucoup de grâce. Mon geste n'était ni rond ni carré, ni formaté, simplement , beau.
J'ai remarque aussi, que certains artistes ont perdu leur liberté. Moshu est une femme libre dans sa t^te et dans ses créations.
Certains autres s'il y a un truc qui marche et ils se mettent tellement à ressembler au truc, qu'ils ne font plus que ça. Et le public, il les encourage dans leur prison. lLe public, il aime bien que ça ressemble.
Je n'ai ni barreaux dans la tête, ni méthode, ni artiste-dieu à vénérer, adorer comme un phare de la pensée contemporaine. Non, je vais, libre, j'attends beaucoup de la Nature, des hommes, beaucoup moins, de certains au cerveau carré, rond ou triangulaire, je n'attend rien, plus rien.
C'est toujours difficile d'être libre. C'est souvent trop tôt ou trop tard, si on attend les autres. Alors je tourne mes spirales sur l'estran et je dessine des chemins de pierres sur l'estran. Je rêve à mon aimée, qu'elle va sortit de la mer , qu'elle va s'approcher de moi pour m'embrasser. C'est à ça que je rêve lorsque je pratique le land art et à tout ce que je vous ai déjà dit : l'infini d'un geste, la beauté d'un regard...
Roger Dautais
LE CHEMIN DES GRANDS JARDINS