


Dans son livre "Errance"(édit. du Seuil Oct.2000) Raymond Depardon écrit : "l'homme d'images est habité par le doute et rien ne vient le rassurer. Le champ d'investigation du regard est très large, c'est sans fin".
Je ressens cette inquiétude lorsque je pars pratiquer le land art. Je suis à l'affût et rien ne me prédispose à arrêter ici plutôt que là sur cette immense plage de Ouistreham, où la température un peu fraîche explique qu'elle est à peu près déserte. En lui même, le tracer de la spirale de 24 tours et 12 m de diamètre me prendra 1 heure et demi et il me faut "sentir " le sable sous le talon. Il m'est tellement de fois arrivé de faire demi-tour pour réaliser autre chose de plus petit, que je ne sais pas pourquoi je décide du lieu et attaque le travail, très physique. Très sensible à la lumière, au vent qui "la mange", s'il est trop fort, à la puissance de la marée, tous ces paramètres rentrent certainement en ligne de compte et me mettent dans un état de tension qui ne cessera qu'après ce travail éphémère terminé et offert à la mer. En ce sens, comme Depardon ( que j'admire) c'est dans un état de doute total où aucun des ces éléments ne parvient à me rassurer, que je vais oeuvrer dans cette immense paysage marin, avec un grande sensation de solitude. J'ai, en dix ans acquis une grande maîtrise dans le tracer de cette figure mais celà ne suffit pas non plus. La sérénité ne vient qu'après les photos prises, avec un sentiment de délivrance.
Roger Dautais
" La spirale de Sword Beach "