La vie, comme elle va

"S'il suffisait de lire comme dans une bulle de cristal, alors, ce serait, facile.Mais il faut vite déchanter, prendre la route, sac au dos et marcher, toujours marcher pour oublier ce que l'on a déjà fait, ce que l'on va faire. Il faut attendre que la nature nous prenne et nous ouvre sa voie. C'est une progression incessante, pour de si petites choses".
Roger Dautais . Septembre 2009

Un voyage étonnant au cœur du land Art

dimanche 11 août 2013


Pierre N° 1 : Le Chant      à Louis Berthelom

Pierre N°2 : La mémoire    à Guy Allix

Pierre N°3 : Le Silence  à Marie-Josée Christien


Trait d'union : Pour Abdallah Sadouk

Grande marée :  pour Angye Gaona

Rive droite : pour Camino roque

Le passage : à Lu Pélieu

Le guetter du temps  : Pour Alain Jégou

La diagonale de Mériadec : Pour Isabelle Jacoby

Princesse Kaya :  pour Sasa Sastamoinen

Trois rêves  : pour  Maé

Triangle initiatique  :  pour Dolors Reig Vilarruba


Ne rien  oublier...


Mériadec, au nord, Brec'h au Nord-est et Le Bono, au sud. Reliez ces trois communes sur  une carte, j’habite au centre du triangle. Pendant ces derniers jours, je vais me déplacer dans ce  territoire et  m'y tenir. Je ne sais pas ce que je vais trouver comme conditions de temps, ni de travail. Je pars avec  mon sac  à dos , un peu de ficelle, une paire de ciseaux, un sécateur, un carnet de notes, mon appareil  photo et une bouteille d'eau.
Brec'h
Je m'arrète au Champ des Martyrs et ce lieu dont je vous ai déjà parlé, garde  pour  moi, un caractère particulièrement dramatique  même si le site est calme, presque reposant. J'y suis venu installer  plusieurs fois sans remarquer ces trois grosses  pierres déposées  à une trentaine de  mètres  à droite de la fontaine. Immédiatement, je les compare  à des tambours. Il faut que ma communication avec la terre passe par eux. Le premier sera coloré, fleuri, travaillé dans les plus petits détails comme  un poème. Le second doit être  plus sobre. Il doit sonner  plus sombre, il doit me rappeler le chant du Bodhran de Doolin  à Lorient,  il doit me parler d'Irlande, de révolte.Me revient en mémoire le nom de Bobby Sands.
 Bobby Sands, qui se souvient de lui ? 5 mai 81, après 66 jours de  grève de la faim,  il  meurt dans la sinistre prison de Long Kesh. Le suivront dans la mort, neuf de ses camarades de l'IRA. 
Le troisième tambour, entre l'ombre et la lumière est pour toutes ces âmes en peine qui errent dans ce champ. Je termine ce travail et vais me rapprocher de la source pour terminer  quelques installations.Je vous  les réserve  pour plus tard.
Le Bono,
Je marche sur la rive gauche de la Rivière d'Auray, au niveau du Bono. Il fait très chaud. La surface de l'eau est presque immobile. Un  petit clapot annonce le passage des premiers bateaux en direction du Golfe du Morbihan. Ils profitent du courant descendant. Je reste en admiration devant cette nature généreuse. A marée haute, la mer a rempli la plaine et l'eau arrive  à quelques  mètres du chemin côtier. Je commence par des installations  à base de fleurs mais ne les retiens pas car je n'ai pas la main. Je préfère me tourner vers la mer et"jouer" avec elle,son espace, son histoire. Après quelques petites installations, j'élève  un seul cairn, que je veux, équilibré, fier, tourné vers le large, compagnon d'un anneau d'amarrage, et chargé de mémoire. C'est ce que je fais. Je le dédie aujourd'hui,  à la mémoire d'Alain Jégou , poète et marin-pêcheur, qui nous a quittés il  y a 3 mois.
Mériadec
J'entre dans le petit bois en pente qui va m'amener vers un ruisseau dont les eaux vives m'avaient attirées par leur chant, au  mois de Mai dernier. La sècheresse est  passée par là. L'eau se fait rare. Je remonte un  peu la pente et m'installe dans un minuscule ru dans lequel  le ciel se reflète par endroits. A peine  à  deux kilomètres des premières maisons, je suis parfaitement isolé dans ce coin de terre Bretonne. Je vais travailler les deux genoux dans une terre molle et  mouillée pour mieux  approcher le filet d'eau. J'aime ce contact avec la terre, l'eau, cette liberté de comportement, de gestes, la  façon de sentir  mon corps s'inscrire dans la nature que j'aime tant. J'ai cueilli, avant ces trois jours, des baies de Rusa Rugosa, qui font penser  à des petites tomates, mais n'en sont pas. Leur couleur permet de belles installations. Cercle, carré, rectangle, triangle, sont réalisés, flottant sur l'eau et servant de cadre à des jeux de couleurs, de matières. Je termine par une belle diagonale sur  un arbre probablement couché par une tempête passée et dont l'écorce se décolle par endroits.
Voici résumés  trois jours parmi d'autres,  à l’écoute de la Bretagne qui n'en finit pas de m'inspirer et que j'aime tant.

Roger Dautais.




terre

mise en vers
(admise ?) (inverse ?)

(devant l’hiver)

malgré l’averse
l’aplat les plis

du noir au vert

*

l’amplitude la lente
pluie du verre

éparpillé

dans l’ouragan
des herbes folles

arrachées aux
abords du pré

*

noir contre vert

(deux panneaux
entrouverts)

diptyque sur

la vitre ayant
été soufflée

(voir-contre-nerf).

*

langue de terre
(sienne)

s’avançant dans la nuit
dont j’émerge

chaque jour ayant dû

ignorer le corps
qui la signe….

Yves di Manno, Terre sienne, éditions Isabelle Sauvage


samedi 3 août 2013

Breizh :  à Jefferson.B.Cezimbra

Les guetteurs du  Men du :  à Marie-Claude

Les neuf sœurs d'Aminata :  à Loredana Donovan




Petit cairn en chemin : Pour Isabella Kramer

Identité : Pour Laure

Sur la route accidentée:  à Bob Bushell


Remember : Pour Leeloo

Le grain :  Pour Epamin'

Après  l'orage: Pour Arlette


L'été en solitude : Pour Inês

On the road : to Erika

Les routes improbables :  Pour Danielle

Franchissement : To Teca



et merci d'exister...

Nous venons de parler  longuement au téléphone de peinture, d'expos possibles, de photo, bien sûr et voici que Michel me quitte sur ces paroles: " et merci d'exister".
Cette  phrase me laisse sans voix. Je raccroche. C'est tellement rare, tellement  à  l'opposé de ceux qui, sur ma route attaquent  mon travail, foulent au pied  mes étoiles de David, me demandent d'en débarrasser  mon blog ou mes expos, de les dépolluer, de faire disparaître mes gisants de feu,  ou dernièrement , de ne  plus écrire et ne plus mettre de légende sous mes photos. J'aurai  même vécu une des  peurs de ma vie, le jour  où, sculptant des falaises en Normandie, un couple de furieux m'attaqua avec ses deux  molosses, sous prétexte de  me faire cesser ce travail et de chasser l’intrus que j'étais  à leurs yeux, de cette plage. Ce que je fis. Comment oublier les insultes antisémites reçues le jour  où, sur la grande plage d'Omaha Beach, en compagnies de la communauté Juive de Basse Normandie, alors que j'évoquais les victimes de la Shoah,avec  mon groupe de Land Art.
Pendant ces nombreuses années de pratique du land art, j'avais croisé, bien évidemment beaucoup de monde et parfois été témoin de ces relents de haine qui allèrent jusqu'à m’arrêter dans ma pratique, le temps de " digérer l'insulte".
 Heureusement, je ne compte plus les belles rencontres, la chaleur humaine, les échanges sincères, que ce soit en France  où à l'étranger qui  me  permettent encore aujourd'hui de poursuivre mon chemin même si cela est difficile.
Mais entendre : "Merci d'exister". Personne ne m'avait encore dit ça !
Lorsque la vie cogne trop dur et bouleverse l'existence, lorsque l'on croise la mort, ce sentiment d'exister est si  mince que parfois,  il disparaît.
Je m'accroche  à cette  petite phrase alors que je descend vers la ria d'Auray, me disant, je trouverai  bien quelques fleurs en chemin comme base d'installation. Mais le temps ne s'y prête pas. Une belle brise venant de la mer s'est installée ici ce matin et elle aurait rapidement tout balayé dans un souffle.
Une pluie fine, fraîche, Bretonne  à souhait, s'empare du paysage. Elle en change la lumière. Je tends mon visage pour mieux la sentir et je file vers le sud, en suivant le chemin des ostréiculteurs. La rivière st grise, frisée par les risées successives et le paysage s'inspire de cette ambiance, sous un ciel plombé.
Je suis bien
Quelques voiliers remontent la rivière au moteur en direction de Saint Goustan. Les voix des marins portent loin sur l'eau et je les entend discuter entre eux.
Je soulève mes premières pierres vers 10 heures, après une bonne marche d'échauffement. Je termine vers 12 heures.
Elever des cairns demande du temps et de l'attention.Il faut aimer les pierres ou les laisser vivre leur vie. Mais lorsque le courant passe, chaque prise, chaque déplacement, chaque mise en place, chaque élévation est une aventure où  l'équilibre se partage. Que j'aime ces instants où le bonheur est fait de peu et le monde se résume à l'action d'une vie sur un paysage. C'est sans doute une  illusion mais j'aime avoir gardé des illusions  à la porte de la vieillesse.
J'ai continué mon chemin, observant la partie de  pêche d'une aigrette dont je partage le territoire. Échanges de regards, elle termine son ouvrage, sans peur  puis s'envole.
Plius  loin, je raconte une autre histoire avec d'autre pierres, d'autres souvenirs. Les  neuf filles d'Aminata, la Nigérienne. Aminata, femme touareg dont j'avais connu le fils en  mission dans une préfecture de Normandie.
Je l'imagine arrivée  là, sur cette roche de la Ria d'Auray  pour chanter l'histoire de sa famille  nombreuse et danser  l' Africaine.
Deux Joggeuses passent et s'arrêtent près de moi
- C'est vous qui avez  fait ça ?
- Oui
- C'est beau.
- Merci

Merci d'exister, en quelque sorte. Il faut que je continue cette aventure. Cet après-midi, ce sera La Trinité -sur  mer, ou Carnac,  ou bien ailleurs !

Roger Dautais


Ma vie,
Je peux vous dire en deux mots:
Une cour.
Et un morceau de ciel
où passent parfois
un nuage
et un oiseau qui fuient leurs ailes.

Autobiographie

Mon péché est terrible : 
j’ai voulu remplir d’étoiles 
le cœur de l’homme. 
Et pour cela, derrière les barreaux, 
en vingt-deux hivers 
j’ai perdu mes printemps. 
Prisonnier depuis l’enfance 
et condamné à la mort, 
la lumière de mes yeux 
dessèche sur les pierres. 
Mais pas l’ombre d’un archange 
vengeur dans mes veines : 
L’Espagne n’est que le cri 
de ma douleur qui rêve.

Marcos Ana

J'ai vécu la vie que j'aurais aimé vivre, celle dure mais noble d'un révolutionnaire. Et malgré les naufrages et les déceptions que la lutte et la vie nous réservent parfois, si je devais renaître mille fois, je recommencerais à penser et à être ce que je suis. » 
Marcos Ana

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Landartiste, photographe, auteur de livres pour enfants, Roger Dautais est aussi un artiste atypique, sensible et attachant.Il a sû, dans la diversité de ses expressions, trouver une harmonie par la pratique quotidienne de cet art éphémère : le Land Art. Il dit "y puiser forces et ressources qui lui permettent, également, depuis de nombreuses années, d'intervenir auprès de personnes en grande difficulté ( Centre de détention pour longues peines et personnes âgées atteintes de la maladie d'Alzheimer) pour les aider par la médiation de l'art.