La vie, comme elle va

"S'il suffisait de lire comme dans une bulle de cristal, alors, ce serait, facile.Mais il faut vite déchanter, prendre la route, sac au dos et marcher, toujours marcher pour oublier ce que l'on a déjà fait, ce que l'on va faire. Il faut attendre que la nature nous prenne et nous ouvre sa voie. C'est une progression incessante, pour de si petites choses".
Roger Dautais . Septembre 2009

Un voyage étonnant au cœur du land Art

lundi 20 mai 2019

Sauver  l'amour  :  pour elle.
Frontière  :  pour Edgar Hilsenrath
L'instant d'ici  :  pour Marie
Sérénité   :  à la rivière du Sal

Aux vies brisées d'Edith et Maud



Certains humains sont plus doués que d’autres. Certains sont faits pour accomplir. D’autres pour détruire. D’autres pour sauver. Mais la plupart des humains ne sont pas faits pour quoi que ce soit. Ils sont là, beaux et inutiles comme des anachronismes. Comme des cheveux sur la tête d’un caillou
 ThomasVINAU
Ici, ça va.



 à Odile

La nuit d’avant le jour.

Le vent froissait les eaux dormantes, dans les mares, déplaçait les feuilles mortes, en tourbillon bruyant et gênait le vol des corbeaux.
Il faisait plein jour, maintenant. Je n’avais pas de regrets d’avoir quitté la maison, au milieu de la nuit. Malgré  une soirée arrosée, je n’avais pas pu conclure de contrat sérieux avec mon nouvel éditeur,  certes, flatteur mais trop cupide, pour me décider.
 Insomniaque, je ressassais ce rendez-vous de trop, et voulais à tout prix m’éloigner de toutes ces péripéties. Il avait tellement insisté sur mon âge que cela avait fini par me déranger. Je savais bien qu’il me fallait aller jusqu’au bout de ma vie d’artiste et conclure pour  faire éditer  un dernier livre, mais pas à ce prix. Et puis,  un  livre de  plus,  à quoi bon.Cette marche de nuit me faisait du bien, même si elle s’avérait dangereuse sur la route qui menait à la côté. Très vite, je l’avais quittée pour m’enfoncer dans la campagne et retrouver mes chemins de traverse.

Cette nuit glacée avait fini par accoucher d’une aube blanche sous la pleine lune. Dans l’herbe gelée, s’inscrivait une géographie de pistes animalières, se dirigeant toutes dans le même sens.
Des cercles magnétiques et inaudibles, s’échappaient de l’astre, remplissant mon âme en demande.
Je rêvais d’abandon, de dépouillement, de dépassement de soi, au milieu de cette nature généreuse, loin des foules bruissantes.
Un camp de manouches, rentrait en terre d’oubli. Les herbes se chargeaient très bien d’effacer leurs traces . Belle hystérie du manque qui fait suite à la vie lorsque celle-ci a disparu..
J’aimais ce peuple de voyageurs, parents de mes propres enfants, qui prenaient de la distance avec ce monde de consommateurs compulsifs et de propriétaires fixes, déjà morts en lotissement.
Ô terre, cruellement retrouvée par ce froid mordant, tu restais, pour le moment mon unique lieu de vie. Plus la marche avançait dans le temps, plus mon cœur s’emplissait de ton mystère. A chaque pas, chaque regard, mes sens s’ouvraient à cette vie sauvage.
Tant de souffrances tapies sous les feuilles en hiver ne comptaient plus. J'avais vécu les  mêmes dans  l'indifférence totale de mon entourage. Entrer en hiver emboîtait le pas de l’entropie et de la mort. Ma saison  préférée, celle au cœur de la quelle j'étais né, pauvre et   ma  place.
Chaque arbre devait se battre, ici pour conserver intacte, un peu de sève jusqu’aux futurs beaux jours. Chaque chêne, chaque aulne, chaque châtaigner, me confiait ce secret : résister, malgré le froid.
Avant de mourir, je connaîtrai, encore quelques printemps.
 De quoi réconforter ma solitude dans une continuation du geste land art, dans l’échange humain «  de cœur à cœur » de la pratique du pardon quand il le faudrait et tacher de quitter pour toujours mes cavernes neurasthéniques .

Roger Dautais
  Notes de land art  pour la Route 77

Au Cadoudal - Auray  Mai 2019


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Landartiste, photographe, auteur de livres pour enfants, Roger Dautais est aussi un artiste atypique, sensible et attachant.Il a sû, dans la diversité de ses expressions, trouver une harmonie par la pratique quotidienne de cet art éphémère : le Land Art. Il dit "y puiser forces et ressources qui lui permettent, également, depuis de nombreuses années, d'intervenir auprès de personnes en grande difficulté ( Centre de détention pour longues peines et personnes âgées atteintes de la maladie d'Alzheimer) pour les aider par la médiation de l'art.