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 Je hasarde une explication : écrire
c'est le dernier recours quand on a
trahi
Jean Genet
 à
Marie-Claude...
L’étranger
Je
passais sans m’ attarder devant ces lieux de sortilèges que tu 
m’avais  indiqués,  il y avait bien longtemps. J’avais envie de
retrouver ces ruines de ferme,  où je pourrai pratiquer le land art,
librement. Mon regard parcouru, une dernière fois ces sources, 
moussues, sans trop y croire. Pourtant,  à cet endroit  même, mon
cœur s’emballait. Et si ton pouvoir magnétique avait été vrai ?
On
avait bien trouvé  le jeune fils de Pierre, noyé dans la seconde 
source, celle qui sortait d’une souche de chêne . La tête dans
l’eau. Oui.
Je
descendis  la ravine avec cette mauvais  image de  l’enfant bleu..
Je devais franchir le ruisseau pour quitte   cette zone et m’avancer
 à découvert jusqu’aux premiers bâtiments de ferme, tombés en
ruine.. Une ferme abandonnée depuis si  longtemps qu’ils avouaient
leur  peine de se  présenter dans  un tel état d’abandon.
Pourtant,
 j’aimais ce  lieu calme,  loin des sources à sortilège,  loin de
 tes pouvoirs obscurs, de tes  incantations,  où je pouvais
m’exprimer en toute liberté.
Un
temps pareil aurait du me dégoûter de tout. Ma pratique du land art
 m’avait,  justement  habitué à sortir quelle que soit la météo.
Et  j’insistais souvent à prendre la route, sous la  pluie,
,bravant le mauvais temps.
Alors,
je rêvais du temps, où, dans les Alpes, je te lavais tes longs
cheveux dans les abreuvoirs abandonnés par les troupeaux de 
moutons. Je pensais à cette chaleur  intense qui desséchait nos
corps en sueur. Nous acceptions ces contraintes sans rien dire. Mais 
ici, dans ce froid  humide, j’avais  pris  l’initiative d’allumer
 un feu de solitude, dans la cour de la ferme. Pour le moral, vous
comprenez. Aussitôt, des gens cachés, s’étaient joints  à  moi,
dans leurs suaires,  pour réchauffer leur âmes en peine. Braves
disparus.
Il
fallait  bien ça  afin  d’ oublier les sources,  me remettre en
chemin, et trouver en mon cœur, le premier battement créateur.
Cela
devait être amusant  pour ces disparus, de voir  un vieil homme,
perdu dans ces ruines,  un peu voûté, recevoir la  lumière qu’il
recherchait, jusqu’à le transformer en créateur.
Le
temps hésita, dans ce froid  perçant.
Pourtant,
je persistais  à tenir  bon. Le land art salvateur, s’annonçait
comme  possible, ici.
Je 
me souvins de  mon sentiment d’alors. Et si c’était mon dernier
jour sur cette terre? Et si c’était  un adieu définitif au monde
dans ce  lieu de solitude ?
Je
peux  bien le dire  maintenant, je m’en foutait un peu de  plier
bagage, ici  ou ailleurs. J’estimais avoir tout dit, tout fait,
tout écrit, sans avoir besoin d’ajouter  une autre  œuvre
éphémère que personne ne verrait.
Et 
puis, j’avais pensé que faire encore l’amour avec toi, aurait
été le seul souvenir valable à emporter dans  l’au-delà.
Dans
ce  pays paumé,  inculte, fait de  cailloutis , de ruines et de
ronces,, encore  présentes en hiver, et de beaucoup d’oubli, rien
ne  m’obligeait  à vivre  plus  longtemps. Mais je l’ai fait.
Je
me suis  mis  à l’œuvre,avec mes doigts  gelés,et j’ai
pratiqué le land art en pensant  à toi.
A
toi,  l’absente maladive et je n’ai rien trouvé d’autre  à
rapporter en descendant vers le village, qu’une mélancolie 
poisseuse.
Je
ne suis ,jamais retourné là-haut. Je n’ai jamais revu les 
sources. Jamais pensé  à l’enfant bleu. 
Je
ne suis jamais retourné chez toi,  ni chez  personne d’alentour
ayant connu cette histoire. 
J’ai
tout donné  au land art. Ça s’est fait comme ça, années  après
  années ,  puis je suis devenu  un étranger.
Roger
Dautais
Pour
 LE CHEMIN DES GRANDS JARDINS
 Au
Café Latté...Auray   Mai 2019
***
Toute une vie 
peut parfois tenir dans le passage du crépuscule à l'aube.  | 
Marie-Josée Christien
Quand la nuit voit le  jour
Babelio28 mars 2016

