La vie, comme elle va

"S'il suffisait de lire comme dans une bulle de cristal, alors, ce serait, facile.Mais il faut vite déchanter, prendre la route, sac au dos et marcher, toujours marcher pour oublier ce que l'on a déjà fait, ce que l'on va faire. Il faut attendre que la nature nous prenne et nous ouvre sa voie. C'est une progression incessante, pour de si petites choses".
Roger Dautais . Septembre 2009

Un voyage étonnant au cœur du land Art

lundi 20 février 2012








































































































































































à Georges Drano








.../


Je suis né d'une certaine histoire commune et singulière à la fois. Souvent, il m'est arrivé de ne rien en attendre et de vivre comme advenaient les évènements. L'écroulement d'un cairn, le vacarme des vagues où le soleil voilé à l'horizon , me suffisaient pour inventer un nouveau


langage.


Comprendre la silencieuse poésie des pierres assemblées qui se contentent d'être me donne l'envie de leur ressembler. Ce seul exercice se rèvèle suffisant pour moi. Il fait cesser le tumulte d'idées anarchiques gachant la vue du paysage.




Roger Dautais


Land Art" in situ" 2012






Nous dispersons les mots dans


la confusion de la terre


et d'un auutre lien qui nous


les rend visibles.


Et nous, qui nous voit


Tout ce qui prend silence


les feuilles, les branches, les pierres


et les murs comme les mots


sortant des mots, nous fixant


sur tette ou nous sommes le corps


des années regagnant la surface.




Georges Drano




La poursuite des apparences 1978















samedi 11 février 2012
























































































































































Ne me volez pas le jour
la nuit s'en chargera




Tu vois ce que veut dire loin, petit . Eh! bien, je vis au-delà de ce loin. Là où personne, même pas toi ne pense que c'est possible de vivre, parmi les invisibles. C'est là que s'inscrit mon avenir, de plus en plus mince.
Chapardeur d'étoiles filantes, arpenteur de nuits d'encre, voleur de miroir brisé,adorateur du soleil d'hiver, frère de la neuvième lune, je nomme et oublie dans l'instant, la course, le pas , le geste.
Dénudé jusqu'à l'os, j'approche de la finale sans avoir levé le voile ni trouvé le mot juste pour parler de cet art et répondre à ce grand questionnement : pourquoi je pratique le land art depuis si longtemps ? Je reste en marge comme l'ortie dans un champ de coquelicots.
La mer me tend les bras. J'y retrouve les hors, yeux révulsés et blancs, qui nagent entre deux eaux. Paroles trépidantes, mains gonflées et tendues dans l'écume, ils scandent le chant des disparus.
Vivre sans place, admirer les autres, claquer des dents à l'aube, continuer l'errance n'est plus d'actualité.Ma mémoire amnésique me sert de bâton de marche. Mes mains ont appris le pierres rugueuses, le froid mordant de la neige qui tue, les sables brûlants d’Égypte, l'eau glacée des mares sur l'estran Breton, que l'hiver enveloppe de brumes perlées.
J'ai allumé des feux de solitude sur les côtes dangereuses du Finistère. Naufrageur, j'ai coulé des barques d'académiciens et nourri les poissons de leurs dictionnaires vétustes. D'un geste éthéré et narcotique, j'ai écrit, pierre par pierre, mon histoire sur l'estran, sans espoir de me relire. J'ai remué les sables d'Afrique au pied des Pyramides, couru les chemins creux en Bretagne et cherché dans les fontaines magiques, l'image des disparus.
Il faudrait arrêter la quête, stopper la course, bloquer les aiguilles de la montre et se coucher dans le brasier. Il faudrait devenir fumée blanche à l'horizon. Mais il se trouverait encore quelque redresseur de tort pour me dire: ce n'est pas ainsi que finit ton histoire. Ce n'est pas le jour.
Je leur répondrai, le temps venu
Ne me volez pas le jour
La nuit s'en chargera.


Roger Dautais






Mémoire
de la terre embrasée
la pierre suspend
les impatiences

J'attends
Que se dépose lentement
une parenthèse de sérénité
où les mots
polissent leur vérité

pierre après pierre

Marie Josée Christien


Envor
an douar entenet
ar maen a dorr
an hiraezh

Gortoz a ran

ken e teu goustad
ur prantadig seder
ma lemm ar gerioù
o gwirionez


maen goude maen (Traduction en breton de Claire Sauvaget)

Retrouvez Marie-Josée Christien sur son site :
www.ecrivainsbretons/Christien-Marie-Josée.html

vendredi 3 février 2012












à Marie-Claude




Demain, je t'offrirai le Printemps...



L'horizon meurtri hésite à terminer son heure. Il peine, regimbe, se tord, s'étire et capitule devant la nuit. Ici, dans un dernier combat nait en silence le nœud coulant qui assassinera le jour.
Ailleurs, les tadornes tentent de réchauffer une nuit annoncée, incontournable. L'eau refuse tout compromis, frime puis finit par leur tendre son ventre saumâtre.

Le premiers genêts éclosent, je les ai vus. Ils me parlent d'une vie d'exil, la mienne, comme d'une trahison pointée et dénoncée, loin de mes origines. La Bretagne m'envoie ses intersignes. Je mourrai loin d'elle.
La mer cogne la falaise. Le trait de côte recule et les terres à blé s'effondrent sans le moindre témoin. L'estran brûle sous le sel sans témoin.Les hors dansent la sarabande en haillons et loin des chamans, piétinent les blés sans pitié. J'entends sortir de leurs bouches édentées des vers du Barzaz Breiz. Sur les hauteurs, quelques revenants haranguent la mer et la montrent du doigts.
Tout ici, est à recommencer à chaque marée. Le moindre cairn ne tiendra pas tête aux vagues.
Il n'y a rien à sauver de mes gestes, rien à retenir en mémoire. Se tordre de douleur, oublier la peine, parler aux vents, tout est vain qui ressemble à un échec perpétué.
L'hiver claque son dernier sous percé. Mes poches retournées lâchent une poignée de pierres. Dérisoire trésor rendu au paysage. Les rêves d'été sont vains. Il faut affronter le mauvais temps, écrire ainsi,en silence, pierre par pierre, dans le vacarme de la mer, la phrase de l'instant, unique, éphémère.
Il faut lire l'avenir dans les falaises condamnées à la chute fatale...Être le noyé aux yeux blancs, souffle perdu entre deux eaux. Il faut devenir paysage face à une assemblée qui décampe devant l'hiver, galope, oublie, se gave et vomit pour faire de la place et mieux se remplir.
Le tambour du monde bat la chamade dans ma poitrine. J'emboîte le pas à l'estime. J'ai aperçu la fin du voyage à une longueur de souffle, petit filet coulant à la commissure des lèvres, au bouche à bouche avec un vent mauvais.
Il est temps de reprendre la route et chercher un havre de paix. Il est l'heure d'allumer un feu de solitude, de préparer les bradons pour la marche de nuit.
Demain, je t'emmènerai, dans les premières neiges dans les sentes du Menez Hom. Demain, nous regarderons l'avenir de chez nous. Demain je t'offrirai le printemps, loin d'ici.


Roger Dautais


















Il y a des arbres
Il y a ce vent très frais
Il y a eu peut-être des ours ici
Il y a longtemps
Il y a le soir qui tombe
bientôt
Il y a tant d'oiseaux qu'on devine, qu'on ne voit pas
Il y a les yeux le désir de rester juste un peu
Tu veux
mais s'il fait noir
Il n'y a pas à dire
seulement à murmurer
et encore.


François David

Retrouvez ce poète dans l'Anthologie subjective de mon ami Guy Allix

guyalliax.art.officelive.com/françoisdavid.aspx

jeudi 26 janvier 2012











































































































































à Henri Droguet, poète




La mandarine

Parfois je me sens dans l'impossibilité de vivre plus loin. L'hiver a toujours été problématique. Je crois que, dans cette urgence, le land art me sauve.
Ce jour là, je quitte le périphérique et emprunte une route qui descend directement sur la rive droite du fleuve. Non loin du pont tournant"ils" ont posé une clôture qui barre l'accès d'un vaste terrain de jeu pour moi. Je la contourne par le talus et file vers le nord, dépassant la partie polluée du paysage. Une fois les premiers kilomètres parcourus, le terrain devient plus propre.. Suivre le fleuve m'apaise et la vue de ses eaux calmes me repose, jusqu'à un certain point. Mais aujourd'hui, le ciel est triste, bas, plombé. La lumière est rare, les arbres déplumés pour la plupart.
Ajouté au silence , ce dénuement me transforme. Impossible de sauter de joie comme un joueur de Loto, impossible de me réjouir d'une palette de couleurs évidentes, comme en Automne.
Mes souvenirs remontent en vrac. Je voyage beaucoup. Je rêve du désert de Nubie, de rencontre du côté d'Assouan , avec ces femmes à la peau noire, fières et belles, dans leur pauvreté et les enfants à l'ombre, tendant la main pour une petite pièce. Je rêve à cette descente du Nil, la nuit, mains dans la main avec Marie-Claude, sur la terrasse du bateau, essayant de décrypter la vie, au travers des bruits et des cris d'hommes s'appelant.
Je rêve à Tafraout, dans le sud Marocain, les cairns élevés par 50° au soleil . J'entends notre guide me traiter de fou, à cause de cela.
Il ne faudrait jamais laisser le vide s'installer et pourtant, il est vital. Alors déboulent les émotions que rien ne retient. Je pense que nous ne pouvons toujours être au top et parfois, je me sens affaibli face à une imagination en panne, et quelque fois, mourant, en finale.
Ceal n'existe pas chez les coureurs de fond, chez les "amasseurs" de biens,et de trésors, aux économiseurs de souffle qui s'épanouissent dans l'achat compulsif, la consommation à tout crin, au gavage de soi, sans jamais ressentir la moindre fatigue à mener une vie sans contrainte.. Difficile de se tirer de là dans cette grisaille, pensais-je.Puis, j'ai pensé à cette mandarine qui dormait dans ma poche. Je l'ai prise dans la main et constaté combien cette tâche de couleur non seulement était bien la seule capable de réveiller la rive entière, mais, combien aussi, elle me faisait du bien, réchauffait mes vieux os.
Et je me suis mis à construire, de mes doigts gelés, le nid dont elle serait l' œuf. J'ai retrouve cet allant, ce plaisir de faire. Oser l'infantile qui vous éloigne de cénacle, du maître. Oser pour espérer une petite grâce accordée, arrachée à la mort, au néant.
Même les cormorans muets, perchés en nombre sur un grand saule, ont assisté à cette petite création sans bouger.
Aux yeux de certains, le simple devient trop simple, débile, l'élaboré, impossible à prendre en compte. Voilà ce que l'on me propose et vivre dans ce désert rend sauvage.
Qu'il s'agisse d' inventer une écriture faite de pierres ou prétendre à la maîtrise d'un chant sacré en élevant un cairn, le mépris sera le même de la part de celui qui juge, écarte et oublie pour ne révérer que la clique. Je suis allé jusqu'au bout de mon rêve et j'ai installé le nid sur une branche plantée dans le lit du fleuve avant d'y déposer ma mandarine, comme un cadeau précieux.

Roger Dautais


Je vais à la poésie comme je vais au land art, par instinct. Je ne lis plus qu'à peu près cela. J'y fais de belles rencontres et ce soir, j'aimerai vous faire un cadeau : un poème de Henri Droguet. Je ne le connais pas personnellement, mais ce que je peux dire c'est que lire Henri Droguet, c'est accepter d'être dérangé dans sa vie. Sa poésie, c'est fort comme une expresso. Je me suis laissé porter par ses mots dont le rythme ne fait pas de pause. Les images sont fortes comme un délire de vie qui se veut présente jusqu'à la fin.
Ce qui est écrit par lui, ne le sera plus.







TOUT VENANT

Il a déplu
brocante et troc l'or fluide
et fourchu des foudres
s'efface au ciel ouvert et sec
comme la langue du pendu

ainsi tout autour de l'ailleurs au temps
du capiteux loisir l'amour uni
que ardent fou s'en va-t'à la
prairie saugarure bigrenue
duveteuse et bruissante
aux acharnés zonzons des melliflues essaims
et bombinants paquets des mouches
à conchiures

et c'est l'hiver
-onglées!chemins pourris!
l'oeil vitrifié des flaques!
jonchaies brisées à la grisure!-
le décontent marche démarche
contremarche enfin défoui
du ventre à sa moman
loin des années vertes noires
-père&fils semblablement tortus
rogneux et muets-
il mesure la mer
au-delà de la mer
au-delà la belette et le catoblepas
son hymne ses antiennes :
" Cap à nul
part au blanc rien
cap au ni vu
taille ton pain
taille ta route
sauve le vent
Avance!Avance
à la fin...


Henri Droguet

16 Décembre 2011

mardi 17 janvier 2012




















































































































J'avance dans la voix

la garantie des jours
souriant à l'incertitude

H.B




Il a gelé toute la nuit. L'hiver semble enfin s'annoncer. Voilà bientôt une heure que je marche et j'atteins enfin cette plage disposée dans l'estuaire du fleuve, sur sa rive droite.La mer se retire depuis une heure, aspirant des volumes d'eau considérables rejeté par le fleuve à chaque mouvement de marée descendante.Quelques grosses souches et autres troncs d'arbre sont du voyage. Je les appelle des petites baleines.
Je me rends compte assez vite que le sable n'est pas assez essuyé . IL reste compact et trop dur pour réaliser une spirale, la première de l'année. Je décide donc de marcher jusqu'au ban ce sable qui se trouve à la hauteur du terminal d’embarquement des ferries. Hier j'étais sur une plage plus à l’ouest pour travailler autour des pierres de la côte et réaliser quelques cairns. Avant-hier, j'étais dans une pinède de cette même côte pour la réalisation de quelques travaux
In situ, à base de pommes de pin. Chaque jour, je me laisse inspirer par le paysage, la lumière, sans me lasser.
J'atteins le nord de la plage et je domine un peu l'estuaire sur un banc de sable,cerné par trois de ses côtés lorsque la mer est haute. A marée basse, les sables sont creusés par des filières de plusieurs mètres dans lesquels circulent de forts courants. Il n'est pas rare, l'été d'y voir quelques touristes imprudents y laisser leur vie, s'ils ont le malheur de tomber à l'eau.
L'endroit est absolument désert. Je me demande qui s'écarterait de sa route, qui viendrait jusqu'ici, en plein hiver, dans ce chaos de mémoire.
Une mémoire où gît une histoire, faite de sables et de vent, de cris de mouettes, effilochée par le temps.
On ne parle pas aux péris en mer,on ne s'adresse pas à une ombre, ni pour lui donner à boire, ni pour lui demander son chemin.
Et pourtant, voici mon territoire, celui de tous les dangers.Je suis comme une caricature tombée du trait d'horizon. Je suis ici, pour voir, tout d'abord et voir l'invisible n'est pas habituel, lorsque le vent glacial vous cingle le visage.
Chaque pierre déplacée, chaque grain de sable déplacé répètera jusqu'à la fin des temps immémoriaux, le geste sacrilège qui les aura réveillé.
Réparer le geste, la mer s'en chargera, sinon rien n'existerait plus longtemps. Rien ne s'arrêterait ni personne, une seule seconde pour dire le premier mot et prononcer la première parole . La solitude me pèse rarement, mais ce lieu est si chargé, que pour une fois, je me sens très seul.
La lumière du soleil baisse très vite mais elle donne aux sables une couleur d'or.
Je commence ma première spirale de l'année. Au nord, les mer est à quelques mètres. Par gros temps, je ne serai jamais parvenu jusqu'ici. Il est 16H15 et la Manche est calme.
A l'est, elle s'en va border la côte jusqu'au Havre, dont je vois très bien le port pétrolier.
A l'ouest, Le ferry a déjà mis ses moteurs en chauffe. Il prend la mer dans 30 minutes. Au sud, la longue plage qui borde l'estuaire par la quelle je suis venu jusqu'ici.
Je retrouve mes marques et tourne parfaitement le sillon, avec le talon de mon pied gauche qui me sert de soc. Ce qui a changé, depuis mon accident ? La vitesse d'exécution, et puis la douleur.
Une douleur, de la tête aux pieds.Le challenge n'est pas gagné.
Simples questions, pourquoi, s'entêter plutôt que de faire les magasins comme tout le monde, pourquoi souffrir, jusqu'à quand ?
Ce n'est pas pour la galerie, ni pour gagner mon paradis, car je ne crois ni à l'un ni à l'autre. C'est pour le plaisir d'échapper à la mort, provisoirement, c'est pour conduire ma vie, lui donner un sens. C'est pour vivre aussi.
Je regarde cette spirale du bout du monde, baignée d'une lumière douce comme du miel et ça présence me fait du bien. J'ose imaginer qu'elle fait du bien à cette parcelle de monde abandonnée.
Je suis allé jusqu'au bout de mes forces et j'ai regardé le soleil nous quitter, se coucher sans demander rien à personne. Cette entrée dans la nuit ressemblait à un conte d'enfants, écrit entre l'or , la lumière et la mer.
J'ai repris le chemin de la maison, où m'attendait Marie-Claude car il me restait beaucoup à marcher, emportant avec moi, un peu de ce bonheur que m'avait, encore une fois, rendu la mer.

Roger Dautais





J'avance dans la voix
la garantie des jours
souriant à l'incertitude.
Je veille au monde à l'écriture
les accouplant les modelant
sans humaine amertume


Henri Heurtebise





Un jour d'heureux


Ma journée fût poétique
Et quand je rentrai le soir écrire
Les yeux dans le soleil
Des obstacles typiques surgirent
Le triptyque peur oubli sommeil
La vie écrivit pour moi
Quelques lignes sur une goutte de papier
Ces lignes vous les lisez


Arthur Ceyrac

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Landartiste, photographe, auteur de livres pour enfants, Roger Dautais est aussi un artiste atypique, sensible et attachant.Il a sû, dans la diversité de ses expressions, trouver une harmonie par la pratique quotidienne de cet art éphémère : le Land Art. Il dit "y puiser forces et ressources qui lui permettent, également, depuis de nombreuses années, d'intervenir auprès de personnes en grande difficulté ( Centre de détention pour longues peines et personnes âgées atteintes de la maladie d'Alzheimer) pour les aider par la médiation de l'art.