La vie, comme elle va
"S'il suffisait de lire comme dans une bulle de cristal, alors, ce serait, facile.Mais il faut vite déchanter, prendre la route, sac au dos et marcher, toujours marcher pour oublier ce que l'on a déjà fait, ce que l'on va faire. Il faut attendre que la nature nous prenne et nous ouvre sa voie. C'est une progression incessante, pour de si petites choses".
Roger Dautais . Septembre 2009
Roger Dautais . Septembre 2009
Un voyage étonnant au cœur du land Art
lundi 14 septembre 2009
à Lee L. de la rue Froide à Caen
Nous voici donc, au coeur du problème. Pourquoi donc aller déranger des pierres sur une grève et vouloir leur donner un sens ? S'il s'agissait pour moi, de m'arrêter au fait d'empiler des pierres, en effet, je ferais mieux de stopper tout de suite. Mais le monde est fait de telle sorte, que, roi ou gueux, il faut bien un jour quitter le trône!
Ni courtisan ni homme de cour, mais de la race des naufrageurs qui allumaient des feux de détresse, le long des côtes Bretonnes et partaient à gravage ramasser ce que la mer restituait du butin, je me contente des restes pour en faire un festin de roi.
Cette année là, notre falaise fût généreuse, qui me rendit à la plage des tonnes et des tonnes de pierres, dans des éboulements dus au travail de sape de la mer. Cette mer que nous adorons tant, aurait-elle, elle aussi, un caractère rebelle, parfois ?
En ces lieux dangereux,( j'ai toujours gardé à l'esprit qu'un éboulement subit pouvait me tuer comme il avait tué, quelques années au par avant, un couple de scientifiques venus là, chercher des fossiles pour les besoins de leur métier. Paix à leur âme.
Que ce soit au bord de la mer, sous des falaises, dans des carrières vertigineuses, dans les estuaires, sur les rochers, dans les îles, au Sahara, dans les déserts de pierres africains, tout est danger qui nous guette. Mais qui ne vit pas dangereusement de nos jours. Regardez les pauvres traiders( Excusez ce pléonasme) comme ils risquent de tomber, parfois même, par les fenêtres. Le monde est violent, vous savez.
J'ai monté sept cairns, je vous l'ai dit, en mémoire de Morgane qui m'avait suivi partout où j'allais, sans rien me demander. Parfois, elle s'échappait sur les grèves et réapparaissait au bout d'une heure, trempée, fourbue.
Elle se perchait toujours dans les roches, comme une chèvre. Elle me regardait de ses yeux un peu triste. Moi, je savais sa jeunesse, son drame, semblable au miens. Nous étions devenus, des semblables. Alors, quand j'ai recueilli son dernier souffle, une partie de moi est restée avec elle.
Les cairns, ça raconte ma peine et que ça.
Pas la peine de philosopher, d'examiner, de faire l'exégèse de l'oeuvre, de prendre un ton pincé, d'emprunter un langage abscons, d'en trouver le symbole, de les qualifier d'art phallique ou je ne sais quoi, d'obus...Ai-je bien entendu ?
J'ai le sens de l'humour.
Ces cairns m'ont pris trois semaines de ma vie, offertes à Morgane qui m'avait donné onze ans de la sienne.
C'est simple, s'ils ne sont pas bien assis, bien montés, quand on arrive à un mètre cinquante de haut, vous avez la réponse, les pierres craquent et ça s'écroule. Il faut alors recommencer, ailleurs. Demandez à Goldsworthy, il en parle, de l'écroulement, de la perte, de l'entropie. Un landartiste est sans doute pour cela plus sensibilisé à la fragilité d'une oeuvre, d'une vie, tout simplement.
Nous ne sommes, ni des sauvages, ni des fous, ni des marginaux. Bien au contraire. La vie d'artiste, je ne sais pas ou elle est exactement pour moi, puisque je ne connais que ce mode de fonctionnement. C'est ma façon, d'être au monde, d'aller, vers la conclusion de l'histoire, sans tomber dans le panneau. Il y en a assez qui s'en chargent pour nous dire comment on doit faire pour vivre. Ce qu'il y a de bien dans le land art, c'est qu'il y a plus de gens à en parler, à écrire dessus, qu'à le pratiquer. Nous sommes donc, relativement tranquilles. A part dans mon groupe PLAGES DE LIBERTÉ, avec ses artistes Américaine, Canadienne, Anglaise, Coréenne et Française, je n'ai jamais vu un tel rassemblement de landartistes sur les Côtes Normandes. Nous avons fait la preuve que travailler en international, ça marche, ça attire des gens. Cela ne change rien à l'image du landartiste que je suis.
Un type qui empile des pierres restera tout le temps étrange. Et si l'art qui ne sert à rien,servait justement à nous arrêter un peu dans cette course folle à la consommation, au profit, à condition de ne pas, lui non plus, tomber dedans ? S'il nous faisait nous questionner sur ceux qui le pratiquent, j'aurai l'impression de ne pas avoir perdu ma vie, totalement.
Il me reste quelques belles années devant moi, pour trouver une conclusion, tout en douceur. Quelques voyages, encore, des rencontres, humaines, du travail, un peu de repos, et cela ira bien.
Roger Dautais
Série des Morgan's cairns
Note : Lee, Française d'origine Coréenne, est une des 5 artistes intervenantes de PLAGE
DE LIBERTE. Elle a participé à la performance du 5 juin 2008 Du Sang, des Cendres et des Larmes, sur la plage d'Omaha Beach, en Normandie, en compagnie des autres artiste de ce groupe que j'ai formé en 2006. Lee, est peintre, plasticienne et tient un magasin de souvenirs coréens où elle expose également ses oeuvres
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Qui êtes-vous ?
- LE CHEMIN DES GRANDS JARDINS
- Landartiste, photographe, auteur de livres pour enfants, Roger Dautais est aussi un artiste atypique, sensible et attachant.Il a sû, dans la diversité de ses expressions, trouver une harmonie par la pratique quotidienne de cet art éphémère : le Land Art. Il dit "y puiser forces et ressources qui lui permettent, également, depuis de nombreuses années, d'intervenir auprès de personnes en grande difficulté ( Centre de détention pour longues peines et personnes âgées atteintes de la maladie d'Alzheimer) pour les aider par la médiation de l'art.
vous lire me donne presque envie de ramasser ces pierres ,les entasser et les faire parler comme vous le faites..
RépondreSupprimerJe comprends que c'est plus qu'une envie, un art , une thérapie..
Comme j'en demanderai surtout par ces jours rudoyants ,
par ce demain que j'appréhende où je devrai quitter ma fille de dix huit ans dans cette immense ville de Sfax pour la laisser étudier sa médecine...
me couper d'elle, elle de moi alors que je ne serai jamais prête...
Peut-être parceque je suis trop égoïste...
Peut-être parceque la maternité est débordante dans les gênes que je porte..
Peut-être parce que c trop dur et c tout.
VOUS LIRE FAIT DU BIEN
MERCI
Merci Roger pour ces beaux mots, pour ce beau travail qui mêle celui de la mer et de l'homme...
RépondreSupprimerLilia La séparation est douloureuse mais les retrouvailles sont si belles... Courage...