La vie, comme elle va

"S'il suffisait de lire comme dans une bulle de cristal, alors, ce serait, facile.Mais il faut vite déchanter, prendre la route, sac au dos et marcher, toujours marcher pour oublier ce que l'on a déjà fait, ce que l'on va faire. Il faut attendre que la nature nous prenne et nous ouvre sa voie. C'est une progression incessante, pour de si petites choses".
Roger Dautais . Septembre 2009

Un voyage étonnant au cœur du land Art

dimanche 21 mars 2010


à mes deux frères, Jean Pierre et Jacques...



C'est le premier jour du printemps. La météo annonce pluie et vent, avec des rafales de 70 km heure. Il ne pleut pas mais le vent est bien présent et assez fort. Inutile de songer aux petites installations végétales, elles seraient balayées avant d'être terminées. Je décide de me rendre à proximité d'une carrière où je sais trouver des pierres. Je marche à travers champs, suivant les lisières car les terres labourées rendent la progression pénible. Un énorme remblai de 200 mètres barre ma route. Il est constitué de terre et de plaquettes calcaires. Il domine le champ d'au moins trois bons mètres. Je l'escalade. Ce remblai doit être assez récent et le sol est mal stabilisé. Il glisse sous le pied. J'arrive au sommet et découvre que l'autre côté domine un second champ d'au moins six mètres. Malgré le manque de stabilité du sol, je décide d'y élever un cairn. Nul doute, que perché sur la cime, il aura fière allure. Je vais être obligé de l'élever sur une base relativement modeste, car le sommet du remblai ne permet pas autre chose. Je sais également qu'il risque à tout moment de s'écrouler, dès que son poids pèsera sur cette terre instable.
En une demi heure, j'ai épuisé toutes les pierres qui sont à ma portée. Pour les autres, et il en faudra beaucoup, je vais devoir aller les chercher dans les deux pentes, sans tomber. Un vrai sport.
Sur ma droite, un anneau de terre battue sert de piste d'entrainement pour trotteurs, comme on trouve dans la campagne normande. Je vais d'ailleurs bientôt voir passer un magnifique cheval de course attelé à un sulky et son jockey, intrigué par ma construction, ralentit l'allure pour regarder et me saluer d'un signe de la main qui se veut amical. A quelques exceptions près, j'ai toujours de bons contacts avec les gens du pays, lorsque je pratique le land art sur leurs terres.
Le cairn s'élève maintenant à 1,70 mètre lorsqu'une pierre s'en échappe et roule à six mètres en contre bas. C'est un signal. Le sol a bougé et je dois attendre quelques instants pour connaitre la suite de l'évolution,. Restera-t-il debout ou bien va-t-il s'écrouler, ce qui rendrait toute reconstruction impossible étant donné l'état du terrain. Le cairn se tasse, se penche légèrement et s'assoit sur sa base. Je vais devoir maintenant terminer et donner une forme de dôme au sommet. Chaque déplacement est calculé pour ne pas ébranler l'édifice par des vibrations provoquées au remblai qui entraineraient ce cairn à sa fin. Il faut le regarder avec respect. C'est le moment le plus délicat, chaque pierre ajoutée pouvant être fatale. Je tiens, simplement à terminer, à m'éloigner un peu, le photographier, et avec un peu de chance, reprendre ma marche sans qu'il ne s'écroule.
Malgré le vent, le mauvais temps, le sol instable et la difficulté à le réaliser, ce cairn décide de rester debout, pour mon plus grand plaisir. Je reprends ma marche vers la carrière où je vais continuer à vivre cette première journée de printemps en compagnie des pierres. Éphémère...éphémère quand tu nous tiens.


Roger Dautais





L'arrêt du vent


Le vent emporte nos malfaisances,
il fait tourbillonner au-dessus de nous
nos ruses idiotes
puis les laisse tomber à terre
où elles fleurissent.
Le vent rassemble les petites paroles
- allons venez par ici-
quand elles sont humides
et les dépose en haut des arbres accueillants,
puis les répand à terre,
souvenirs desséchés de rien.
Le vent emporte les feuilles déchirées
d'une courte histoire
et, comme elles s'envolent, la page d'une vie
devient lisible, à lire le jour
où tombera le vent
comme une conclusion indubitable.

Katerina Anghelaki-Rooke

" Des îles et des muses"

9 commentaires:

  1. J'aime beaucoup cette histoire.
    J'écoute de la musique malienne très douce et elle vient caresser ce cairn peut être déjà retombé sur ses pieds. Et les tiens battent la compagne, les pierres au vent.
    Merci du partage.
    Ce matin, ici,un bourgeon vert dressé m'a indiqué la direction.

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  2. Je suis allé voir un film sur le Mali,hier matin,
    "Bamako, les fils de Soundjata", de David Desramé et Dominique Maestrali. Il traite de la charte de Manden au Mali. Cette charte vieille de plusieurs siècles, est une étonnante préfiguration de notre déclaration des Droits de l'Homme. Tout au long de ce film, deux musiciens jouent et chantent cette musique Malienne, qui, elle aussi m'a accompagnée pendant la journée. Coïncidence...
    Roger

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  3. Merci une fois de plus,
    j'ignorais complétement l'existence de la charte du Manden
    et qu'au XIII et XIV eme siècle il y avait eu un empire du Mali
    s'étendant sur plusieurs états africains actuels.( Mali, Guinée, Guinée-Bissau, une partie de la Côte d'Ivoire, Mauritanie, Sénégal et Gambie si j'ai bien retenu ma lecture).
    C'est tellement merveilleux de découvrir de nouvelles choses.
    Et pourtant cette Charte du Manden qui date de 1222, ce n'est pas rien!
    mais à l'école on n'en parle pas.
    je vais essayer de faire suivre.

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  4. Je vois que j'ai mis
    "compagne"
    au lieu de
    "campagne"
    ah ah...

    C'est dans ma Mediathèque que j'ai découvert, vendredi, de la musique très belle, kora et piano : rencontre de deux amis = Italie+Mali.

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  5. Pratiquer le land art comme une porte ouverte sur les cultures du monde, sur l'histoire de l'humanité en retrouvant des gestes simples et des chemins d'amitié,reste l'un de mes buts à atteindre.
    Merci de vos encouragements
    Roger

    Pour Lola,
    j'avais rectifié de moi-même...

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  6. Juste merci de ton passage chez moi je vais repasser car je suis assez occupée et je regarderai ces pierres en silence. Bonne soirée

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  7. Merci Roger pour ta visite et ton commentaire, je reconnais bien-là la culture française ça fait plaisir.
    Serge

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  8. Toujours un plaisir de suivre le travail des amis, ou de découvrir d'autres talents.

    à très bientôt, donc
    Roger

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  9. Merci pour votre gentil comm...sur mon blog et que de plaisirs de me balader sur le votre, plein de poésies et de pièces artistiques ...partagés en photographie... magnifique cette spirale...art éphémère le temps d'une vague...au gré du vent...j'aime bcp! ça donne envie de faire le détour par votre superbe région...
    que de sensibilité, et de l'art naturel...j'aime bcp...une vraie découverte...seul regret que tous ces chemins soient bien loin de chez moi!
    merci pour ce merveilleux partage!
    Karina

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Qui êtes-vous ?

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Landartiste, photographe, auteur de livres pour enfants, Roger Dautais est aussi un artiste atypique, sensible et attachant.Il a sû, dans la diversité de ses expressions, trouver une harmonie par la pratique quotidienne de cet art éphémère : le Land Art. Il dit "y puiser forces et ressources qui lui permettent, également, depuis de nombreuses années, d'intervenir auprès de personnes en grande difficulté ( Centre de détention pour longues peines et personnes âgées atteintes de la maladie d'Alzheimer) pour les aider par la médiation de l'art.